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Port Tarascon

Couverture du livre « Port Tarascon » de Alphonse Daudet aux éditions Culturea
  • Date de parution :
  • Editeur : Culturea
  • EAN : 9791041817696
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Les Révérends se regardaient l'un l'autre, la mine longue, et convenaient entre eux qu'avec toutes ces réserves, étant donné l'attitude d'un ennemi qui ne voulait rien pousser à l'extrême, ils auraient pu tenir pendant des années sans manquer de rien, si l'on n'était venu à leur secours. Le Père... Voir plus

Les Révérends se regardaient l'un l'autre, la mine longue, et convenaient entre eux qu'avec toutes ces réserves, étant donné l'attitude d'un ennemi qui ne voulait rien pousser à l'extrême, ils auraient pu tenir pendant des années sans manquer de rien, si l'on n'était venu à leur secours. Le Père hôtelier, d'une voix monotone et navrée, continuait de lire, quand une clameur l'interrompit.
La porte de la salle ouverte avec fracas, Tartarin paraît, un Tartarin ému, tragique, le sang aux joues, la barbe bouffante sur la croix blanche de son costume. Il salue de l'épée le Prieur tout droit sur sa miséricorde, puis les Pères l'un après l'autre, et, gravement: «Monsieur le Prieur, je ne peux plus tenir mes hommes... On meurt de faim... Toutes les citernes sont vides. Le moment est venu de rendre la place, ou de nous ensevelir sous ses débris.» Ce qu'il ne disait pas, mais qui avait bien aussi son importance, c'est que, depuis quinze jours, il était privé de son chocolat du matin, qu'il le voyait en rêve, gras, fumant, huileux, accompagné d'un verre d'eau fraîche claire comme du cristal, au lieu de l'eau saumâtre des citernes, à laquelle il était réduit maintenant.
Tout de suite le Conseil fut debout, et dans une rumeur de voix parlant toutes ensemble exprima un avis unanime:
«Rendre la place... Il faut rendre la place...» Seul, le Père Bataillet, un homme excessif, proposa de faire sauter le couvent avec ce qu'on avait de poudre, d'y mettre le feu luimême.
Mais on refusa de l'écouter, et la nuit venue, laissant les clefs sur les portes, moines et miliciens, suivis d'Excourbaniès, de Bravida, de Tartarin avec son gros de messieurs du cercle, tous les défenseurs de Pampérigouste sortirent, sans tambours ni clairons cette fois, et descendirent silencieusement la colline en une procession fantomatique, sous la clarté de la lune et le bienveillant regard des sentinelles ennemies.

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