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«Je me moque de la peinture. Je me moque de la musique. Je me moque de la poésie. Je me moque de tout ce qui appartient à un genre et lentement s'étiole dans cette appartenance. Il m'aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m'arrêtant net devant un liseron, un escargot ou un soleil couchant. Je cherche le surgissement d'une présence, l'excès du réel qui ruine toutes les définitions. Je cherche cette présence qui a traversé les enfers avant de nous atteindre pour nous combler en nous tuant.»
"Pierre, "
Comme un début de lettre.... de mon poète préféré, Christian Bobin, si contemporain et hors du temps à la fois.
Il est dans le train (moi aussi) qui le mène vers Sète. (Verset ?! LOLLLLL)
il lit Kafka et songe à son ami de toujours le peintre Pierre Soulages -né en 46- mais pas pour toujours puisqu'il nous quitte cette nuit là, en 2019. Ce n'est pas spoilé, ce n'est pas un secret...
vous n'appréciez pas ses peintures? vous aimerez l'Éloge de son ami Christian Bobin qui en parle mieux que tout autre, et lève le voile sur cette œuvre complexe.
"Ses peintures ont la luisance humide d'une peau retournée. Elles ne montrent rien. Elles disent. "
et "Ces séries noires sont des microsillons. La voix du peintre est prise dedans. Il parle, seul. Sur une surface plus ou moins grande. Seul."
C'est une déclaration d'amour, d'amitié absolus; mes yeux en cet instant, à chaque page, chaque ligne, sont émus :
a-t-on jamais lu plus belle lettre d'ADIEU ?
"La voix de Pierre Soulages, c'est la grotte de Lascaux avec de belles lueurs au fond de la gorge. Les gens du Midi ont sur la langue la pointe d'un rayon de soleil. "
J'adorerais savoir écrire aussi sincèrement tout l'attachement que je porte à cet écrivain-là, bouleversant, amusant parfois, aérien, profond, léger à la fois, Bobin m'a souvent beaucoup aidé, soutenue.
Notre artisan des mots passe t il des heures à travailler sur chacune de ces paroles, ou lui viennent-elles nettes, si belles, limpides, bouleversantes, comme il les voit? comme il les pense?
vous aimez J.Prevert, et @stephdegroodt ?vous adorerez cet auteur !
"les lecteurs sont l'avant-garde des vivants".
Je poursuis ma lecture, autres extraits en commentaire INSTAGRAM EMMANUELLEM06
De la poésie qui nous fait voyager au cœur du noir d'où jaillit la lumière. "Et si on ne regardait un tableau que dans l'attente de voir une porte s'ouvrir en nous, sur nous ?" Un tableau de Soulage . Magnifique songe...
Le jour de Noël, les âmes en peine broient du noir. Christian Bobin, lui, s’en remet à Pierre. D’un naturel casanier, porté sur l’introspection, il se fait doucement violence et s’engouffre dans l’hiver, en quête du peintre centenaire. Le temps du voyage, il nous parle de Soulages, de son œuvre, de ce qu’il doit à la vie, de ce qu’il attend de la mort. Bobin est un poète, un mystique, un funambule nostalgique qui oscille entre l’admiration du monde et l’horreur que ses formes contemporaines lui inspirent. Dans les Outrenoirs de Soulages, Bobin trouve la paix et la sérénité. Il se fatigue des images et des paroles (« Radotages qui font le monde. Un bâillon de mots qu’on nous fourre dans la bouche » - p41). Il rejette avec force le consumérisme dont les gares, par exemple, sont devenues les temples (« Les mendiants roumains sont mille fois moins brutaux que les publicitaires » -p38). L’absolu et la vérité, privés de toutes contingences humaines sont au bout de l’émerveillement : « il y a une réalité infiniment plus grande que toute réalité, qui froisse et broie et enflamme toutes les apparences ». Je n’avais pas lu cet auteur depuis son roman « Le très-bas ». Tel un moine sublimant ses enluminures, Christian Bobin ciselle ses phrases, les polit, en extrait l’essentiel. Il ne justifie son existence que par cet acte de création, vu comme un acte de résistance (« Pour tenir face à la mitraille du néant, pour ne pas se coucher de lassitude sur la terre meuble des conventions, on écrit, on compose, on peint »). Si ce livre m’a comblée par son exigence et sa beauté, ses intentions m’interrogent. J’ai cru ressentir de l’aigreur, du renoncement, voire un soupçon d’agacement. La peur d’être incompris ? Certaines tournures de phrase m’ont laissée perplexe : « (…) sur la route qui s’essouffle d’être montrée jusqu’à ton portail et qui se tait maintenant, sa respiration goudronnée entravée par du gravier ».
Bilan :
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