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Christian Bobin

Christian Bobin
Christian Bobin, né le 24 avril 1951 au Creusot, est mort le 23 novembre 2022 à Chalonsur-Saône. À l'image de Cœur de neige, son œuvre, plus contrastée qu'on ne le dit, plus âpre et douloureuse qu'on ne l'imagine, expose à ses lecteurs la profondeur du malheur quotidien et révèle la p... Voir plus
Christian Bobin, né le 24 avril 1951 au Creusot, est mort le 23 novembre 2022 à Chalonsur-Saône. À l'image de Cœur de neige, son œuvre, plus contrastée qu'on ne le dit, plus âpre et douloureuse qu'on ne l'imagine, expose à ses lecteurs la profondeur du malheur quotidien et révèle la possibilité d'y échapper par un émerveillement qu'apportent les livres des poètes, de certains écrivains touchés par la grâce d'écrire - et en premier ceux de l'auteur de La Part manquante.

Avis sur cet auteur (77)

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    Couverture du livre « Le murmure » de Christian Bobin aux éditions Gallimard

    Regine Zephirine sur Le murmure de Christian Bobin

    Ce livre posthume de Christian Bobin est un chant d’amour à celle qui partageait sa vie, la poétesse Lydie Dattas. C’est aussi un monologue avec la mort qui a toujours hanté le poète.

    Cet ultime récit assemble des fragments comme des patchwork qui forment le testament d’une vie, sans révolte...
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    Ce livre posthume de Christian Bobin est un chant d’amour à celle qui partageait sa vie, la poétesse Lydie Dattas. C’est aussi un monologue avec la mort qui a toujours hanté le poète.

    Cet ultime récit assemble des fragments comme des patchwork qui forment le testament d’une vie, sans révolte et sans plainte.
    Le poète a écrit ce recueil sur son lit d’hôpital avant de le terminer chez lui, dans les derniers jours de sa vie, ce qui le rend plus poignant encore pour le lecteur qui découvre un homme affaibli et malade qui s’avance vers sa fin avec une simplicité et une lucidité qui forcent le respect.
    Ainsi le poète nous emmène-t-il dans une grande traversée de la vie, nous faisant partager ses émois et ses convictions. Comme son admiration pour le pianiste russe Sokolov, musicien de génie.
    « Je vois cet homme comme une muraille : une muraille contre la mort …En écoutant cet homme, j’oublie tout et je me souviens de quelque chose de la vie que nous avions négligée…quelque chose. »
    Bobin parle à sa manière du monde et du quotidien. Rien n’est insignifiant à ses yeux et ce croyant en Dieu célèbre la vie et ce qu’elle a de vrai. Chez lui, pas d’affèterie, tout est sincère et le plus insignifiant mérite notre attention.
    « Pierres, fleurs, arbres et nuages nous innocentent et ne demandent rien en échange si ce n’est notre regard sur eux un instant si pur qu’il enflamme jusqu’au dernier cercle de l’univers. »
    L’amour solide, éternel, qu’il vouait à sa femme Lydie Dattas, éclate dans ces dernières pages et c’est magnifique.
    « Le plus grand bonheur que j’ai connu depuis cinquante ans, c’est ta joie devant ce que j’écris. C’et ta compréhension absolue de mon cœur et du monde. »
    Le poète nous parle aussi de l’écriture qui a rempli sa vie, et sa vision de l’écriture est d’une grande humilité.
    « Il faut éloigner beaucoup de choses, beaucoup, pour écrire un livre fort – je veux dire un livre qui s’envole et va non aux cieux qui sont purs et illisibles, mais auprès de qui en a vitalement besoin. »
    Grâce à ce condensé posthume de Christian Bobin, on a l’illusion que le poète est toujours parmi nous et cela est rassurant car nous avons besoin de la poésie.

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    Couverture du livre « Le murmure » de Christian Bobin aux éditions Gallimard

    Mireille B sur Le murmure de Christian Bobin

    Inspiré par la mort qui l’a toujours hanté, le poète offre ses plus belles phrases aux sons entremêlés des chariots qui sillonnent les longs couloirs de l’hôpital sur fond de musique de Chopin jouée par Sokolov.

    Cet opus, point final de l’œuvre de Christian Bobin est d’autant plus émouvant...
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    Inspiré par la mort qui l’a toujours hanté, le poète offre ses plus belles phrases aux sons entremêlés des chariots qui sillonnent les longs couloirs de l’hôpital sur fond de musique de Chopin jouée par Sokolov.

    Cet opus, point final de l’œuvre de Christian Bobin est d’autant plus émouvant que ses personnages, l’amour et la mort sont rassemblés dans la même course.

    « Les poètes meurent au combat même quand ils meurent dans un lit ». N’est-ce pas le plus cadeau fait à leurs lecteurs ? Le murmure est un recueil de beautés qui délivre tellement de messages, à lire, relire, méditer…

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    Couverture du livre « Lettres d'or » de Christian Bobin aux éditions Fata Morgana

    Pascal TOURRES sur Lettres d'or de Christian Bobin

    Il fut un temps où les lettres étaient souvent destinées à l’être aimé. Ce sont bien des lettres d’amour ; de celles qu’on écrit sans forcément les envoyer, que nous offre Bobin ; et comme souvent dans ce cas, ce sont aussi des lettres sur l’amour.

    « Il y a ces deux choses en nous : l'amour...
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    Il fut un temps où les lettres étaient souvent destinées à l’être aimé. Ce sont bien des lettres d’amour ; de celles qu’on écrit sans forcément les envoyer, que nous offre Bobin ; et comme souvent dans ce cas, ce sont aussi des lettres sur l’amour.

    « Il y a ces deux choses en nous : l'amour et la solitude. Elle semble entre elles comme deux chambres reliées par une porte étroite. Écrivant, on va de l’une à l’autre, incessamment. On ramasse ce qui est sous le ciel, ce qui brûle dans le sang. … » p7 et la solitude est présentée comme un « beau présent » en «s’illuminant de nos absences ».

    Dans ces lettres Bobin montre qu’il est aussi un écrivain / poète de la complexité humaine et pas exclusivement celui de la verticalité mystique dans sa lettre VI :
    « Je ne saurais vous dire la jouissance que me donne votre corps, lorsque vous me l'abandonnez. Aucun langage ne la recueille. Aucun regard ne la contient. Les amants éprouvent, sans le comprendre, ce qu'est l'éternité : elle se confond avec la faiblesse qui précipite leur souffle. Elle obscurcit leur sang et fait la nuit autour d'eux, comme il arrive dans une souffrance, lorsqu'une flamme élance les chairs les plus tendre. La jouissance engendre un savoir sans équivalent sur l'éternel : elle révèle en nous bien trop d’enfance et de douceur pour que mourir, jamais, viennent à bout. Les mains sur la peau touchent l’âme à vif. Elles en sentent la palpitation. Elles en devinent le trouble. Mais rien, non, rien n’égale en volupté la contemplation de votre visage : un fin mélange de plaisir et de détresse recouvre ses traits, comme si - pendant quelques instants – vous n’étiez plus personne. » pp 26-27
    Et … « il y a un principe de folie dans l'écriture, dans cette inlassable monologue d’une voix éprise d'elle-même, suffisante. Si un tel arrangement des mots est parfois secourable, c'est sans doute parce que notre cœur s'y trouve tel qu'il est dans son fond : lui aussi enclos dans sa propre préférence et disputant toujours des mêmes choses, sans souci de conclure.
    Ressassant. Comment sortir de soi ? Parfois cette chose arrive, qui fait que nous ne sommes plus enfermés : un amour sans mesure. Un silence sans contraire. La contemplation d'un visage infini, fait de ciel et de terre. » p 28

    Lettre IX
    « Il n'y a pas d'autre art que l'art amoureux. C'est l'art souverain de la lenteur et de la vitesse. C'est l'art de susciter un éclair, sans jamais l'arrêter en l'orientant vers nous. » p 37

    Lettre XI
    « La solitude épure la vue.
    … la solitude nous amène vers la plus simple lumière : et nous ne connaîtrons jamais d'autre perfection que celle du manque. Nous n'éprouverons jamais d'autre plénitude que celle du vide, et l'amour qui nous le dépouille de tout est celui qui nous prodigue le plus. C'est dans cette lumière que je vous aime. La force qui m'en vient est immense.

    Il n'y a rien dehors de l'amour. Il n'y a rien en dehors de vous et je n'ai, pour vous en convaincre, que cette jouissance qui me vient de vous, de votre seule existence perdue dans le monde, sous le ciel, sous le bleu.

    Dans la lutte avec l'ange, c'est en perdant que l'on triomphe. C'est un renonçant à toute maîtrise sur le cours d'un amour plus brûlant que notre âme. » p 43


    A noter qu’il y a 13 lettres accompagnées d’une intro et d’une fin … 15 stations donc !

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    Couverture du livre « Le murmure » de Christian Bobin aux éditions Gallimard

    Pascal TOURRES sur Le murmure de Christian Bobin

    Il est souvent délicat d’entamer la lecture d’un texte d’un auteur que l’on suit avec assiduité et intérêt, et
    dont on sait qu’il est le dernier écrit en pleine conscience pour être partagé, avant de disparaitre, d’aller vers un nouvel état comme peut l’envisager Bobin, vers un rien qui...
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    Il est souvent délicat d’entamer la lecture d’un texte d’un auteur que l’on suit avec assiduité et intérêt, et
    dont on sait qu’il est le dernier écrit en pleine conscience pour être partagé, avant de disparaitre, d’aller vers un nouvel état comme peut l’envisager Bobin, vers un rien qui n’exclut pas la poursuite du partage pour ceux qui ne croient pas forcément aux « au-delà ».

    Cette particularité du contexte de la lecture (et de l’écriture) de ce murmure que nous offre Christian Bobin conjugue, comme souvent chez lui une thématique qui revient régulièrement (en l’espèce : Sokolov et son piano) se doublant de fulgurances en rapport avec « l’obstacle » de la mort et son rapport à l'écriture :

    « Le vol magique des étourneaux, seconds violons du ciel. Quand ils rencontrent un obstacle – comme d’un roc qui dépasse d’une rivière –, ils scindent en deux cette masse de grâce sans se heurter, vite recomposent leur amitié après le franchissement de l’épreuve. Cette passe s’appelle « le murmure ». »

    Et comme toujours avec Bobin, le plus marquant reste ses fulgurances, ces phrases que le poète habille de son être. Alors retenons (sans exhaustivité) quelques citations :

    La pensée est l’abîme dans lequel chacun tombe.

    J’écris comme se cachent les bêtes éprises de leur fin, blessées à mort par la beauté de vivre.

    J’ai dans mon cœur les yeux des vivants – bêtes, mais aussi hommes ou fleurs –, tous ceux que l’amour aide à vivre quand ils sont morts. Mon projet est de faire le portrait le plus complet qui soit d’un être humain, ne sachant de lui que ce qu’il donne : des notes, et plus précisément des intervalles de silence. C’est dans ces failles que brûle le minerai de l’humanité, de formation spirituelle inconnue.

    Sokolov le temps d’un concert dresse ce genre de cathédrale que des centaines de tailleurs de pierres mettaient un siècle à construire. Des jeunes m’ont dit qu’il était vieux. Mais qu’appelle-t-on vieux, exactement ? Pour moi, cela désigne le plus haut d’une flamme.


    Plus personne n’écrit à la main. C’est pourquoi votre main n’a plus de lien avec votre cœur.

    Les faussaires de la poésie sont les coucous de l’écriture. Ils sont nos pires ennemis. Je ne parle pas des mauvais poètes. Non : je parle de ceux qui prennent la défroque du poète pour mieux servir le monde. L’époque les multiplie.

    J’écris un livre de guerre. Pas pour faire des morts, mais pour faire des vivants.

    L’écriture est un linge frais tendu sur un fil d’encre.

    Si tu n’écris pas contre toi tu n’écris rien. Le diable n’a que l’importance que nous nous donnons. Mon maître est une hirondelle.
    .
    Pour ne rien perdre du temps, commencer par le perdre. L’affolement, les affaires brassées, multipliées, haussées en buildings de classeurs s’effondrant au sol – c’est la queue du diable qui prend feu.

    Le silence de la nuit était si pur que je me suis réveillé pour l’entendre.
    Une main, c’est complexe, riche, c’est fait d’archives de caresses, de gestes d’adieu, de grammaires sourdes-muettes. La main heureuse, c’est d’arriver sans effort à l’impossible. Une porte s’ouvre avant que notre main ait touché la poignée, et nous offre cette vie qui se donne lorsqu’on accepte de n’en rien prendre.

    Le soleil est un chien qui mord le passant. La lune est l’indulgence même...

    Artiste est celui qui soumet chaque heure de sa vie à un inexprimable. Pas de vacances pour ces gens, pas non plus de travail, juste le servage de l’Absolu.

    Il y a une chose qui n’est pas vaine, peut-être, c’est d’écarter le Temps pour écrire un poème.

    Il faut entrer dans un poème quand le poète est mort. Sinon, cela fait trop de bruit, comme d’éclairer soudain le poulailler. D’ailleurs, il ne faut entrer dans rien. Il suffit de s’asseoir auprès d’une fleur dormante ou mourante, c’est la même énigme.