"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Christian Bobin nous dit qu’il aime les fleurs, les enfants et les femmes. Les hommes lui sont indifférents. Il ne les remarque même pas. Mille petites choses font son bonheur du jour. Il s’émerveille d’une belle lumière, de l’odeur du foin coupé, de la beauté d’un pétale de tulipe tombé sur un guéridon ou du vol d’une libellule. Ce qui le remet au monde ? Deux verres d’entre-deux-mers, la fumée d’une ou deux cigarettes et une page d’un poète suédois, une seule, pas deux. Il vit seul, lit beaucoup et écoute du Mozart dont les œuvres lui évoquent toutes sortes de choses dont le chuchotement des rivières ou le balbutiement des nouveaux-nés…
« Autoportrait au radiateur », en dépit de son titre, n’est pas vraiment un livre d’autofiction. Pas un roman non plus. Le lecteur cherchera en vain une intrigue construite, une histoire rondement menée ou des personnages hauts en couleurs. Il ne parle que de lui-même et de rares proches, et encore sans en dire grand-chose. Et ce n’est pas non plus un véritable journal bien qu’il en respecte la forme apparente en commençant son texte début avril 96 pour l’achever fin mars 97. Ce texte aurait pu être le récit d’une année de vie d’un écrivain ordinaire, mais ce n’est pas vraiment le cas. Le lecteur en apprend très peu sur le narrateur hormis sa solitude, son détachement d’à peu près tout, ses difficultés devant la page blanche et sa tristesse de la perte d’une « amie de cœur ». La force et le charme de cet ouvrage reposent sur un style minimaliste assez inimitable, basé sur la technique du « fragment », de la bribe, du détail en apparence insignifiant. La spiritualité, qu’il différencie soigneusement de la religiosité, tout comme une certaine forme de philosophie restent importantes. Avec Bobin, qui en appelle à plusieurs reprises à Thérèse d’Avila, nous ne sommes pas dans le pari de Pascal, mais dans la simple et belle évidence de Dieu. Une prose unique, poétique et aérienne qui mérite le détour, même si ce charmant ouvrage n’atteint pas les sommets de son chef-d’œuvre, « Le Très-Bas ».
Dans ces quelques lignes, on retrouve la légèreté de Bobin et de ses regards tranquilles sur les choses, la nature, l’attention à l’autre, … La suffisance de l’instant, du présent. Ses quelques assertions fugaces comme la suffisance d’un sourire pour répondre à des questions d’enfants. De ces sourires qu’on revoie d’ailleurs sur sa face lunaire.
Quelques fragments de temps reposés de cette lecture qui prône d’ailleurs le repos … dans notre vie passante.
Une édition d’à propos des éditions Fata Morgana pour un souvenir, de son ailleurs, du poète.
« Mon père mort me montre deux brins de muguet rouge ». Ça commence comme un conte pour se poursuivre dans une prose poétique humble, quotidienne et si vivante, même quand elle frôle la mort.
« La poésie est don de lire la vie »
Christian Bobin est un conteur à la poésie ample et généreuse. Grâce à son écriture concise et évocatrice, il nous emmène très loin.
Comme dans une promenade champêtre, il faut savoir faire des pauses, regarder en arrière et savourer les mots, les images. C’est tout cela, Bobin, ça se déguste avec lenteur. Faire durer le plaisir car le recueil est très court et on n’est pas pressé d’arriver la dernière page.
On s’étonne, on s’émerveille, on sourit aussi à ses évocations : « Les vaches ruminent un poème…les hommes sont des sangliers qui cherchent une pensée enfouie. Les femmes, un morceau de ciel. »
Des personnages traversent ces pages, parfois furtivement. Il y a le père mort qui raconte encore, et puis des écrivains, des poètes comme Blaise Pascal, Gérard de Nerval ou encore la poétesse Anna Akhmatova. On lit de belles pages sur Dora, aimée de Kafka
« Dora soupèse l’âme de son amant, l’engendre autant qu’elle l’aime. »
On entend aussi la musique d’artistes que Bobin aime écouter : le violoniste David Oïstrakh, ou encore « Samson François, pianiste du noir et blanc. »
Et tous ces morts que le poète raconte sur une page pour le plaisir de leur redonner vie.
« Recevoir sur la main une goutte de pluie, une seule, et par ce contact converser avec tous les morts des siècles passés. »
Bobin est un découvrir, sans cesse il cherche, tend vers une écriture qui soit éclairante sans rien oublier du malheur des hommes. Et son humilité est présente à chaque page
« Tu n’as pas écrit tes livres. Tu as laissé la vie même pas « tienne » les écrire, assembler soleils et lunes dans la corbeille de tes bras ».
Christian Bobin me touche au plus profond de mon âme et c’est pour cela que je le lis et le relis sans cesse.
Laissez-vous porter par la prose si poétique de Christian Bobin et délectez-vous !
Ce livre posthume de Christian Bobin est un chant d’amour à celle qui partageait sa vie, la poétesse Lydie Dattas. C’est aussi un monologue avec la mort qui a toujours hanté le poète.
Cet ultime récit assemble des fragments comme des patchwork qui forment le testament d’une vie, sans révolte et sans plainte.
Le poète a écrit ce recueil sur son lit d’hôpital avant de le terminer chez lui, dans les derniers jours de sa vie, ce qui le rend plus poignant encore pour le lecteur qui découvre un homme affaibli et malade qui s’avance vers sa fin avec une simplicité et une lucidité qui forcent le respect.
Ainsi le poète nous emmène-t-il dans une grande traversée de la vie, nous faisant partager ses émois et ses convictions. Comme son admiration pour le pianiste russe Sokolov, musicien de génie.
« Je vois cet homme comme une muraille : une muraille contre la mort …En écoutant cet homme, j’oublie tout et je me souviens de quelque chose de la vie que nous avions négligée…quelque chose. »
Bobin parle à sa manière du monde et du quotidien. Rien n’est insignifiant à ses yeux et ce croyant en Dieu célèbre la vie et ce qu’elle a de vrai. Chez lui, pas d’affèterie, tout est sincère et le plus insignifiant mérite notre attention.
« Pierres, fleurs, arbres et nuages nous innocentent et ne demandent rien en échange si ce n’est notre regard sur eux un instant si pur qu’il enflamme jusqu’au dernier cercle de l’univers. »
L’amour solide, éternel, qu’il vouait à sa femme Lydie Dattas, éclate dans ces dernières pages et c’est magnifique.
« Le plus grand bonheur que j’ai connu depuis cinquante ans, c’est ta joie devant ce que j’écris. C’et ta compréhension absolue de mon cœur et du monde. »
Le poète nous parle aussi de l’écriture qui a rempli sa vie, et sa vision de l’écriture est d’une grande humilité.
« Il faut éloigner beaucoup de choses, beaucoup, pour écrire un livre fort – je veux dire un livre qui s’envole et va non aux cieux qui sont purs et illisibles, mais auprès de qui en a vitalement besoin. »
Grâce à ce condensé posthume de Christian Bobin, on a l’illusion que le poète est toujours parmi nous et cela est rassurant car nous avons besoin de la poésie.
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