Jean Giono serait très fier... Reportage aux Correspondances 2017, pour mieux comprendre le bonheur des lecteurs !
« J'ai l'oeil, je n'oublie à peu près rien, ce que j'ai oublié, je l'invente. J'ai toujours fait ça, comme ça, c'était mon rôle dans la famille, jusqu'à la mort de la grand-mère Lucie, la vraie mort, la seconde. Elle ne voulait personne d'autre pour lui raconter, elle disait qu'avec moi elle voyait mieux qu'avant son attaque. » Le Franprix de la rue du Rendez-vous, à Paris. Ils sont trois : une femme, qui regarde ; Gordana, une caissière ; et l'homme encore jeune qui s'obstine à passer en caisse 4, celle de Gordana, chaque vendredi matin. Cette femme qui regarde, Jeanne Santoire, est celle qui dit « je ». C'est par elle que tout existe. Elle imagine, suppose, une vie, des vies, au présent, au futur et au passé, pour Gordana et pour l'homme.
Elle creuse aussi des galeries dans sa propre vie qu'elle revisite et recompose. On apprendra qu'elle est fille de commerçants de province, a eu une grandmère aveugle, a exercé le métier de comptable, a aimé un homme et que cet homme est parti.
Nos vies, nouvel opus de Marie-Hélène Lafon, raconte les solitudes urbaines. Ce texte a comme point de départ une nouvelle, Gordana, publiée au Chemin de fer (2012). Depuis Le Soir du chien, son premier roman (2001), Marie-Hélène Lafon construit une oeuvre exigeante qui, livre après livre, séduit un large public.
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Comme j'aime cette littérature qui fait la part belle aux êtres, aux personnes !En quelques adjectifs un visage ou une silhouette se dessine, en quelques phrases des caractères apparaissent, en quelques pages des histoires de vie se lisent...
La narratrice, récemment retraitée, fréquente régulièrement le Franprix de son quartier parisien. Elle y croise souvent les mêmes personnes, écoute, observe...et pour ce qui lui échappe, invente des parcours et des trajectoires.
J'adore la sensibilité et l'humanité de l'auteure, ce réalisme qui met en lumière des gens qui pourraient être notre voisine ou la personne croisée chez le cordonnier ! Ça me touche profondément !
Jeanne Santoire est une jeune retraitée.
Célibataire, elle mène une vie tranquille.
Des visites à sa famille, la chorale, des voisines, les courses......
Ah ! Les courses au Franprix justement !
La caissière Gordana, et ce client qui vient régulièrement, Horacio.
Avec son imagination débordante, Jeanne invente des vies à ces deux là.
Avec des phrases très très longues (parfois deux pages), elle les imagine dans diverses situations.
Elle mêle sa vie à ses supputations, ses souvenirs, la vie de ses parents, de ses amis....
Des tas de vies qui se mêlent.
Dans la même phrase, on peut passer de l'une à l'autre.
Il y a comme un sentiment d'urgence à tout raconter, vite, en bousculant les vies.
J'aime bien Marie-Hélène Lafon en général.
Mais pour une fois, là, je me suis un peu ennuyée.
Le côté non-stop des phrases interminables et des vies qui s'entrecoupent m'a paru étouffant et lassant.
Jeanne, la narratrice, une comptable à la retraite se rend chaque vendredi en milieu de matinée au supermarché . Elle y remarque la caissière Gordana et un nouveau client silencieux, qui « mendie » le regard de Gordana . Celle-ci, tout à sa tâche de caissière, reste impavide . L'atmosphère amollissante du supermarché, avec sa caressante musique de fond, ses odeurs mêlées, ses couleurs douces et multiples, rend Jeanne sentimentale et romanesque .
Depuis toujours, elle aime inventer des histoires . Elle a commencé très jeune avec sa grand-mère qui avait perdu la mémoire, a poursuivi au pensionnat et prolongé silencieusement cette habitude dans le métro, lors des trajets qui la menaient à son travail.
C'est tout naturellement que Gordana et celui qu'elle va prénommer Horacio deviennent les héros d'un nouveau scénario.
Happée par des expressions de leurs visages , par des regards, des gestes qui ouvrent des portes à sa créativité, elle se prend à leur créer un passé, une rencontre, la possibilité d'une vie commune .
D'abord prudente, elle échafaude des hypothèses « peut-être.... », utilise le conditionnel « elle aurait.... » puis ses suppositions prennent forme et deviennent certitudes, elle emploie alors le présent et finit par donner vie à leur couple .
Elle se reprend parfois , repart en arrière, rectifie, se projette de plus belle .
Son récit saute de l'un à l'autre et s'entremêle avec des passages concernant sa propre vie de femme désormais seule après 18 ans avec Karim, une vie un peu triste .
Les trois parcours se tressent les unes aux autres sans logique apparente, plutôt par associations d'idées .
La technique narrative de Marie-Hélène Lafon est subtile, parfaitement maîtrisée.
L'écriture est superbe, faite de phrases longues qui s'écoulent inlassablement comme les flashes d'un photographe qui multiplierait les clichés pour cerner le mystère de son modèle .
En évoquant dans cet ouvrage la solitude urbaine de héros qui ont cependant des liens avec le monde rural , l'auteur prolonge ses romans antérieurs dont le cadre était le monde paysan et développe sa gamme de personnages aux vies modestes .
L'intérêt majeur de cette dernière publication me semble toutefois résider dans l'évocation du processus de création romanesque, le narrateur montrant comment à partir de quelques éléments du réel, il élabore progressivement sa fiction .
Jeanne raconte les vies inventées, imaginées, perçues d'une caissière d'une supérette de quartier parisien où elle a ses habitudes et d'un client qui passe toujours à cette caisse le vendredi. Elle est observatrice et de bribes en bribes mises bout à bout elle reconstruit des vies dont elle sait pourtant peu de choses tout en déroulant en parallèle sa propre vie. C'est tout le talent de Marie-Hélène Lafon de disséquer le quotidien de vies ordinaires sans distiller le moindre ennui.
terriblement émouvantes. La Jeanne de Marie-Hélène Lafon est une solitaire urbaine pudique qui observe sans la moindre critique ou médisance d'autres solitudes que la sienne...
La narratrice, jeune retraitée, vit seule dans cet appartement du XIIème arrondissement parisien qu'elle a acheté il y a 18 ans après le départ subit de Karim, son compagnon.
A la caisse du Franprix de son quartier, elle imagine les vies de Gordana, la caissière, de cet homme qui fait invariablement ses courses chaque vendredi matin...
Elle imagine, puis apporte des variantes à leurs histoires, et ce faisant, elle nous raconte la sienne, celle de ses parents, de ses frères et de leurs famille.
Une écriture fluide, qui coule sans interruption...
Un roman globalement assez triste mais qui s'achève positivement...
J’avais beaucoup aimé lire Marie-Hélène Lafon dans Les Pays puis dans Joseph mais j’avoue que Nos vies m’a un peu désorienté. J’ai eu franchement l’impression qu’elle écrit en délayant beaucoup pour allonger le texte, qu’elle tente d’étoffer au maximum un récit qui n’a pas vraiment de raison d’être.
Alors, allons-y, pourquoi pas ? L’auteure avait déjà parlé d’une certaine Gordana, caissière dans le Franprix où elle est cliente et elle la replace en vedette de son roman et lui invente une vie, un passé. La description de Gordana est impressionnante. C’est un déferlement de vocabulaire avec une mention spéciale pour : « Les seins de Gordana jaillissent, considérables et sûrs, dardés. C’est un dur giron de femme jeune et cuirassée. »
Un peu plus loin, elle confirme sa démarche : « J’ai l’œil, je n’oublie à peu près rien, ce que j’ai oublié, je l’invente. » Je l’avoue volontiers, l’écriture est délicieuse, les mots sont recherchés par exemple lorsqu’elle parle de « l’éclat adamantin de son cou blanc ». C’est donc que ce cou a la couleur et la dureté du diamant…
Ne se contentant pas de Gordana, elle invente une vie à sa narratrice, donne un nom à un fidèle client du supermarché : Horacio Fortunato. On le retrouve régulièrement en alternance avec les autres protagonistes du roman. Par contre, elle n’aime pas le terme de cousinade qu’elle traite de vilain nom alors qu’il désigne un large rassemblement familial et a l’avantage de ne pas être emprunté à la langue d’outre-manche…
L’imagination de Marie-Hélène Lafon n’a plus de limites lorsque sa narratrice s’imagine mère d’Horacio. Elle parle aussi de Karim, un amour qui a duré dix-huit ans mais un homme refusé par ses parents parce qu’originaire d’Algérie. Les précisions données sont très révélatrices d’opinions encore largement répandues.
Lorsqu’elle décrit une femme enceinte, cliente du magasin qui vient de laisser tomber son porte-monnaie, c’est encore un régal : « Son beau visage blanc, presque enfantin, rond, ses yeux verts, ses longs cils dorés, les perles de ses dents brillantes, le rose de sa bouche éclatent en bouquet de couleurs dans le drapé sépulcral du vêtement qui l’engloutit et avale ses cheveux, ses oreilles, sa nuque, son cou, ses poignets, ses mains, ses chevilles, ses pieds et tout son corps que l’on devine félin et dansant en dépit du ventre phénoménal. »
Finalement, j’ai bien aimé lire ce nouveau roman de Marie-Hélène Lafon même si les reproches faits au début ont un peu gâché ma lecture.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Jeanne Santoire aujourd'hui à la retraite observe la vie, les vies qui s'écoulent devant elle, et notamment celle imaginée ou réelle de Gordana. Cette femme de vie simple en apparence, caissière à Franprix, est une enigme. Au fil des pages, sa vie apparaît plus complexe qu'il n'y paraît, elle se dissimule aux clients, des failles s'ouvrent : un accent de l'Est qu'elle cherche à dissimuler, un pied malformé, un enfant laissé au pays parce que c'est ainsi. Pourtant, un homme, chaque vendredi, la voit à sa caisse, peut être même souhaite-il lui parler mais il reste silencieux. Jeanne leur invente alors une vie à l'image de la sienne qui défilent : ses parents, la cécité de sa grand-mère, ses amours successifs, l'homme aimé parti sans prévenir et sa solitude. Jeanne brode, invente des vies ou rejoue la sienne. Une romance serait-elle en train de naître entre Gordana, la caissière timide et Horatio, le client discret du vendredi. Pourtant, un jour, Gordana n'est plus là, elle s'est envolée. L'homme est parti jadis, aujourd'hui c'est la femme.
Marie Hélène Laffon interroge sur la place de la solitude dans nos vies, nous nous observons, nous nous voyons, nous nous parlons même parfois mais nous ne nous approchons pas, nous ne nous connaissons pas, notamment, dans ces villes où nous nous enfermons.
L'histoire est racontée par une femme, Jeanne Santoire, qui observe le monde qui l'entoure et émet des hypothèses quant à la vie de chacune des personnes qu'elle rencontre ou croise. C'est ainsi qu'elle invente une vie à cette caissière du Franprix, Gordana, à qui elle attribue une enfance difficile et une vie tout aussi dure, ou encore à ce client fidèle du vendredi matin, Horatio, qui semble faire des courses pour un parent malade; en imbriquant peu à peu ces étrangers à la sienne faite aussi de douleurs puis de petits bonheurs.
Jeanne nous raconte son passé et son compagnon, le commerce de ses parents et la vie à la campagne, son chemin n'a pas été simple et beaucoup de mélancolie ressort des histoires qu'elle invente. Il en ressort aussi une certaine solitude, car Jeanne considère que tous sont seul comme elle.
Beau récit empreint de tristesse même si la narratrice se défend de l'être, il en reste que cette lecture m'a touché et conforte dans l'idée que la société laisse peu de chance aux personnes seules, les laissant dans leur monotonie.
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