"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Roman universel qui se déroule en 1923, dans le cadre particulier d'un petit village des Vosges alsaciennes, Noces de cendre retrace quelques mois de la vie d'un jeune paysan épris de littérature, tiraillé entre sens du devoir et aspirations personnelles. Ce « marcaire » généreux et tendre nous rappelle combien il est difficile d'échapper à sa condition et aux convenances. Hier comme aujourd'hui, lorsqu'un grain de sable s'introduit dans la puissante machine du destin, la vie peut être cruelle, brisant les êtres sur un simple malentendu...
Père de trois grands enfants, instituteur de formation et journaliste à ses heures, Michel Hutt vit en Alsace entre livres, nature et outils. Bricoleur incurable, il aime fabriquer toutes sortes de choses et a construit lui-même une maison autonome en paille, sur le principe de la sobriété heureuse. Bénévole engagé, ancien élu local et co-fondateur du mouvement de Transition haut-rhinois, il a écrit plusieurs romans, dont Le Cri du colibri, préfacé par Pierre Rabhi. Il a récemment quitté l'enseignement pour se consacrer exclusivement à l'écriture.
C’est toujours un immense bonheur pour moi que d’apprendre la sortie d’un nouveau livre de Michel. Il fait indéniablement et définitivement partie de ces auteurs dont je guette avec attention la moindre parution … et pour être parfaitement honnête, dans le cas de Michel Hutt, c’est tout autant pour le plaisir de la lecture que pour la joie d’aller bavarder avec lui lors de la traditionnelle dédicace de lancement à la librairie de la vallée ! Qui a dit que l’écriture et la lecture étaient des activités solitaires ? Je pense au contraire que ces deux occupations ont une immense dimension sociale, et qu’à travers l’objet-livre peut se créer une véritable et merveilleuse dynamique faite de rencontre, de partage et de dialogue. Bref, tout cela pour dire que ce roman, que la couverture à elle seule suffit à rendre magnifique, a fait mon bonheur avant même d’atterrir entre mes mains, ce n’est pas beau cela ?
1923. Emile, jeune marcaire alsacien, débarque à Paris, un précieux paquet sous le bras et l’air complétement perdu. Missionné par les paysans de la vallée de Munster pour aller présenter ses fromages fermiers à la Foire agricole, le jeune homme est bien loin de se douter que cette courte excursion dans la capitale allait bouleverser sa vie entière. Généreux et spontané, il ouvre son cœur et son soutien à Violette et Lucie, deux demoiselles croisées au cours de ces quelques jours loin de chez lui. Mais son affection et son amitié pour ces deux jeunes filles malmenées par la vie se disputent à l’amour sincère et timide qu’il entretient pour Emma, qu’il connait depuis l’enfance et qui ne tarde pas à devenir sa fiancée. Afin de ne pas froisser sa susceptible et sensible promise, Emile préfère taire ses rencontres et dissimuler à la fois les lettres qu’il reçoit de Lucie et son inquiétude quant au devenir de Violette …
A travers cet ouvrage, Michel Hutt évoque des thématiques universelles et intemporelles : l’éternelle contradiction entre sens du devoir et cri du cœur, le poids des secrets qui éclatent au grand jour, les conséquences des malentendus et des médisances des jaloux … Presque un siècle nous sépare d’Emile, pourtant, force est de constater qu’aujourd’hui encore les choses sont toujours les mêmes : pour de multiples raisons, plus ou moins valables, on dissimule tout ou partie de la vérité. Bien souvent, même, c’est pour éviter de faire du mal que l’on se tait … mais n’y aurait-il pas, dans chaque secret farouchement défendu, une part de culpabilité et d’égoïsme ? Soit on cherche à cacher ses torts, soit au contraire on veut garder pour nous-seuls des souvenirs que l’on ne peut s’empêcher de chérir en dépit de la morale qui nous invite à les condamner. Et voilà que les cachotteries, telles des araignées, tissent leur toile et attendent patiemment le bon moment pour attaquer. Et alors, les conséquences sont terribles …
Il ne faut en effet pas se voiler la face : Noces de cendre n’est pas un roman joyeux. Dès les premiers chapitres, en dépit de l’excitation difficilement contenue de ce jeune homme ébahi par la capitale et empli de fierté par sa mission, tout annonce un récit aussi émouvant que bouleversant. Tout comme Emile, on ne peut qu’être touché au plus profond de notre âme par les malheurs de Violette et Lucie, et on comprend ainsi aisément son désir de les protéger, de les aider, de les aimer, ainsi que son besoin de prendre de leurs nouvelles. On ne peut également qu’être touché par les mésaventures d’Emile, par sa maladresse, par ses difficultés de parcours, par sa sensibilité. Emile, c’est un peu toi, un peu moi, un peu tout le monde finalement : comme lui, nous sommes lâchés dans un monde aux règles cruelles et douloureuses, un monde auquel nous ne sommes pas prêts à nous confronter, un monde où le moindre faux pas, la moindre erreur, peut se transformer en véritable étincelle qui risque à tout instant de faire exploser la dynamite de notre existence.
Ce roman, donc, est une tragédie. Et comme toute bonne tragédie qui se respecte, Noces de cendre parle du destin, ce destin implacable contre lequel il semble impossible de se battre ou se révolter. Il parle aussi du bonheur, ce bonheur qui à lui-seul constitue la quête la plus difficile de l’homme, ce bonheur qui ne se laisse pas si facilement attraper et qui menace à chaque seconde de s’évader. Il parle aussi, bien évidemment, de l’amour. De l’amour dans tout ce qu’il a de plus dramatique, de plus cruel. Mais ce roman, il parle aussi de la vie, et plus exactement, de l’importance de nos expériences, bonnes comme mauvaises, dans notre existence. Je vous invite à vous poser une question, une seule : qu’est-ce qui a fait de vous l’homme ou la femme que vous êtes aujourd’hui ? Quels sont les événements, les rencontres, les choix, qui ont conduit votre existence à emprunter la voie qui vous a mené jusqu’ici ? Peut-être vous rendrez vous ainsi compte qu’une décision que vous avez prise, et qui vous a semblé sur le moment tellement malheureuses que vous auriez tout donné pour revenir en arrière, a finalement eu un impact positif dans votre vie, sans que vous ne sachiez pourquoi ni comment. Tout ce que nous vivons, jour après jour, est le terreau de notre avenir. Belle leçon de vie.
Je pourrais vous parler pendant des heures encore de ce récit magnifique, de cette histoire bouleversante, de ce roman captivant, mais je pense qu’il est désormais temps de conclure. Je me rends compte que je n’ai finalement que très peu parlé des personnages, de la narration, de l’intrigue … Mais il me semblait bien plus important de vous montrer que derrière ce résumé somme tout si classique - une histoire d’amour contrariée par un secret - se cache une histoire d’une grande profondeur et surtout d’une grande beauté. Même si j’ai beaucoup pleuré en le lisant, particulièrement à la fin - mais fournissez-donc les mouchoirs avec le livre j’ai déjà dit ! -, je vous le recommande plus que chaudement. Ce roman, je vous l’assure, ne vous décevra pas. Vous découvrirez en prime le quotidien des marcaires de la vallée de Munster, la plus belle vallée du monde - au moins (et je ne dis absolument pas cela parce que j’habite dans le village-même où prend place l’intrigue) !
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