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« Mutismes, pour tous ces silences qui ont miné l'âme polynésienne... » Tabous et non-dits, frustrations et conflits, zones d'ombre et de silences. Autant de maux qui gangrènent la société polynésienne des années 1980 à 2000.
Face aux drames qui bouleversent sa vie, depuis son enfance exposée à la violence du père, jusqu'à l'adolescence marquée par les départs et les arrachements, tandis que des atolls se font souiller par les tirs nucléaires d'une mère patrie dont elle ignore tout, cette jeune fille doute de sa foi en l'humanité. Seule son admiration pour Rori, activiste politique indépendantiste au charisme incontestable, parvient à lui redonner le sourire et à insuffler un sens à sa vie. Mais l'amour ne peut aveugler éperdument : il lui faudra s'exiler à 22 000 kilomètres, sur cette terre française étrangère, pour trouver la force de mettre des mots sur l'indicible. Et tenter de (ré)écrire l'histoire de son pays.
Avec ce roman social et initiatique, Titaua Peu s'attelle à poser des mots sur les silences, à créer de la parole là où elle a été confisquée, oubliée.
« Mutismes » pour tous ces silences qui ont miné l’âme polynésienne. Tout départ est en soi une fuite. « Mù Tismes » Mù : en tahitien : silence de quelqu’un qui a quelque chose à dire mais se tait.
Ce livre est une urgence de lecture. D’une réussite hors pair, le sujet est sensible. Titava Peu est engagée. Elle pointe du doigt là où ça fait mal. Dans une double lecture, la narratrice conte sa vie et l’idiosyncrasie de la société polynésienne. Ce récit est un saut dans la flaque des non-dits. Sociologique, politique, il est apprenant et lève le voile sur une Polynésie tourmentée par les diktats prégnants et la distance mentale avec La métropole.
« Dans le petit univers que je connaissais, il y avait mes sœurs, mon frère, ma mère et moi. Et autour de nous des remparts… Bien sûr, les cris de maman ont réveillé tout le quartier… C’est à cette époque qu’elle obtint le divorce, non sans mal, car c’était encore chose peu courante à Tahiti. »
La petite famille va s’édifier, sans le père, emblème de violences conjugales et d’un machisme exacerbé.
« Où étaient passés les cris, la violence dont étaient capables ceux qui vous aimaient ? Rien. Mutismes. Comment tuer ce silence ? »
Titava Peu dépeint une île riche de coutumes, de rites, d’habitus mais pas que. Nous sommes en transmutation dans le cœur de la Polynésie. Mouvements, révoltes sourdes. La jeune narratrice est gémellaire avec l’auteure. C’est un emblème fort. Ne pas croire aux îles figées, cartes postales trompeuses, La Polynésie n’est pas que sable, soleil et farniente. Elle est avant tout troublée par les mutismes latents. Une Polynésie écartelée, La métropole trop lointaine, et les couleurs fondent subrepticement. Les voix se taisent. Soupape de sécurité, dignité, repli.
« Mutismes. Le Tahitien n’est pas un grand bavard. Mon pays, il est autre, autrement fait. On ne sait pas aujourd’hui où commence son Histoire, où ont pris fin ses légendes. »
« Mù Tismes ». Notre héroïne combattante, féministe est engagée aux grandes causes. Elle est le symbole polynésien et son discours rassemble les mutismes éclatés.
« Mutismes. Là, les mots n’existent pas, on ne parle pas quand on est paumé. Nous devions être les enfants d’une patrie lointaine et souvent inconnue. » « Ma sœur avait choisi l’oubli. Mutismes. Il y a des choses qu’on ne peut pas penser. »
Amoureuse de Rori, son alter égo, beaucoup plus âgé, convictions siamoises. Lui, l’étendard de ce grand livre, en proie aux turbulences d’une Polynésie qui va se réveiller. Vagues nucléaires contre les rochers, pollution éternelle, le sable se teinte de gris, sursauts et rébellions. Rori est activiste politique révolutionnaire.
« Nous parlions de liberté, de fin des essais, d’opposition. Un Tahitien qui reprend sa terre est un Tahitien libre, et pour la reprendre, il nous fallait empêcher qu’elle soit de nouveau bafouée, souillée. » « Pour moi, mon peuple restait incompris et par la même, il perdait ses propres mots, forcé d’apprendre ceux des autres, maladroitement. Et alors, souvent, il ne reste que des silences. Vàvàhi, détruire, casser, abattre Vàvàhi : en deux syllabes on tua les mots et la raison. Mutismes. »
Ce livre lève le voile sur les torpeurs des oubliés.
« Notre ville brûlait, nous n’avions plus que nos silences. Mutismes. Là-bas les mots sont morts. Maman s’est retournée, elle a pris Rori dans ses bras. »
Étincelles, murmure et rédemption : « Mù Tismes » est le silence gravé sur le marbre. Mutismes, arborescence des douleurs intestines. « Mù Tismes » est percutant, sombre et lumineux à la fois. Douloureux, grave, il est un hommage. Magistral. Publié par les majeures Éditions Au Vent des îles.
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