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Monsieur Faustini habite Hörbranz, une petite bourgade sur les hauteurs du lac de Constance. Célibataire retraité, il vit seul avec son chat. Il porte depuis des années le même veston avec lequel il a fini par « ne plus faire qu'un », et qui est devenu « sa demeure, son repaire, sa carapace, sa livrée de paon ». De temps en temps, Monsieur Faustini prend l'autobus et se rend à Bregenz, la grande ville toute proche, où il se promène au bord du lac...
À cet antihéros esquissé avec une tendre ironie, l'auteur réserve des surprises propres à le déstabiliser de plus en plus, pour notre plus grand plaisir. Après l'avoir promené dans des décors autrichiens de carte postale et lui avoir fait endurer quelques péripéties de la vie de province, il va conduire Faustini très loin de son cher pays natal. Des émotions fortes le pousseront à abandonner son veston - autant dire, à perdre la tête. Le roman qui a commencé comme une satire de la banalité la plus absolue s'achève dans un étrange délire : Monsieur Faustini, qui se met à rêver d'Afrique, devient la proie de la fiction la plus débridée.
Lointain frère en miniature de l'illustre Faust, le Faustini de Wolfgang Hermann a tellement séduit les lecteurs que l'auteur en a fait le héros de toute une série de romans pleins de malice et de finesse.
Dans la littérature récente de langue allemande, peu de livres sont aussi divertissants que ce petit chef d'oeuvre d'humour et de fantaisie.
La première scène fait pénétrer le lecteur dans l’antre de Monsieur Faustini, retraité et célibataire, qui a une vie simple faite de rituels, tel nourrir son chat et laisser Maria faire le ménage de la maison.
Ménage qui déménage car la bonne dame serait plutôt maladroite et le nombre d’objets cassés ne se calcule plus…
Monsieur Faustini préfère faire comme le chat s’éclipser de chez lui à pas feutrés.
Où aller ? Sur les bords du lac de Constance.
« M. Faustini n’était pas à proprement parler un homme farouche. Mais il ne mettait rien au-dessus de sa tranquillité et aimait jouir en paix de la vue sur le lac. A côté du monsieur d’un certain âge qui, vêtu d’un slip de bain réduit à sa plus simple expression, la peau roussie par le soleil, s’était assis sur sa serviette à moins d’une vingtaine de pas de lui, M. Faustini se démarquait assurément. »
La retraite c’est ne plus avoir d’obligations mais si elle n’est pas préparée, c’est aussi devenir « transparent » au mieux, « invisible » au pire. Surtout lorsque comme tout le monde il a espéré « offrir à quelqu’un chaleur, sécurité et protection » mais qu’aucune femme n’est entrée dans sa vie.
Pour Monsieur Faustini chaque rencontre, ne fût-ce que de quelques minutes, est une fête, pour lui seul.
Il imagine facilement que les autres ont des vies faites de mille promesses…
Chaque évènement peut être un obstacle, par exemple trouver un cadeau d’anniversaire pour sa sœur.
L’incursion de notre héros dans un salon de beauté est des plus savoureuse, voire hilarante. Tout à son importance.
La vie c’est simple comme un coup de fil, disait un slogan il y a quelques années déjà, mais ce slogan suranné pourrait aller à la perfection à Monsieur Faustini.
En peintre de talent, l’auteur façonne les traits nécessaires à son tableau figuratif qui devient une peinture impressionniste, après y avoir déposé mille touches de couleur lorsque notre héros malgré lui sort de la chrysalide de sa solitude pour déployer ses ailes de papillon vers un ailleurs qui lui parait possible.
L’ironie est toujours rieuse et précieuse pour faire défiler des scènes cocasses sous nos yeux où Monsieur Faustini est en décalage comme un danseur maladroit qui a raté un mouvement.
Chez les gens ordinaires la vie n’est pas si ordinaire que cela, car des petites choses qui font leur bonheur se dégagent de plus vastes horizons accessibles à ceux qui voient avec le cœur. Monsieur Faustini en est l’allégorie.
Si Wolfgang Hermann manie avec virtuosité la cocasserie des situations, il montre une réelle originalité dans la malice de son personnage et notre sourire du départ se transforme vite en rire avec le personnage.
C’est le lecteur qui tombe le veston du carcan de sa pensée pour avoir des yeux emplis de tendresse, d’attention et de bienveillance.
Un bel exercice de style qui nous mène plus loin, le lecteur lui aussi monte dans un bus qui va lui faire faire un voyage étonnant.
Un court roman avec une fin aussi inattendue qu’onirique qui nous laisse supposer que Monsieur Faustini fera d’autres voyages.
Une délicieuse escapade livresque qui vous chante de vous méfier de l’eau qui dort.
©Chantal Lafon
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