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Pour le deux-cent vingtième anniversaire de la mort de Giacomo Casanova, ce roman à thèse aurait pu avoir pour titre Nihil aequalitate inaequalius, Rien de plus inégalitaire que l'égalité !
C'est à l'aune de ce paradoxe que se voient interrogées les premières conceptions de la fraternité et de la liberté qui naquirent de l'abolition des privilèges. Ce beau rêve se dissipera vite sous les puissances de la calomnie, de la ruse, de l'intrigue, de la corruption et de la soif de pouvoir. Saint-Just n'y fut point dupe, qui pouvait écrire : « Nous serions les premiers chez lesquels quelques ambitieux au milieu d'une révolution ne chercheraient point à régner. » Et comme pouvait l'affirmer Talleyrand : « Rien de tel qu'une révolution pour conserver l'ordre ancien des choses. » Car la liberté ne saurait se confondre avec l'absence de lois et de règles, pas plus que l'égalité ne se toiserait à l'uniformité de l'habit ou à l'absence de déférence. Quant à la fraternité, elle ne se décrète ni ne s'impose. Elle devrait nous venir de la raison.
Et si, en ces temps de tourmente, les femmes se firent vivement remarquer en revendiquant leur droit à une parole publique, rôle qui ne leur était guère dévolu auparavant, elles le revendiquèrent aussi, plus souvent qu'on ne l'imagine (sous le signe d'une violence, apanage alors de la gent masculine), haut et fort jusqu'à la cruauté. Mais ce qui aura marqué peut-être jusqu'à nos jours les débats qui sont nés des affrontements entre partisans d'un fanatisme (non uniquement religieux) et ceux soucieux de rationalité, ce furent les vibrants hommages que l'Incorruptible ne manqua pas de rendre à la raison, seule à même de gouverner un peuple par essence versatile. Et dans un souffle qui lui était propre, il pouvait s'indigner : « Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner », en proposant un changement radical dans les principes de la morale politique : « Nous voulons substituer dans notre pays la morale à l'égoïsme, la probité à l'honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l'empire de la raison à la tyrannie de la mode...
Dans ces échanges épistoliers entre nos deux écrivains qui prônaient, à l'encontre de Sade, « un libertinage qui [n'a] rien de cruel pour le sexe des Grâces », se glissent de nombreuses évocations de penseurs et d'auteurs qui firent du XVIIIe siècle un écrin des plus précieux pour la littérature, la philosophie, la poésie et l'opéra. Et si le Nihil aequalite inaequalius n'a de cesse de hanter leur correspondance, le « Raisonne toujours en conséquence et laisse rire » signe, s'il en était besoin, la liberté d'esprit qui fut la leur et qui les mit souvent au ban d'une société en pleine révolution.
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