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On retrouve dans ces sonnets l'inspiration habituelle de William Cliff, essentiellement autobiographique : l'enfance et la jeunesse wallonne, - avec des aperçus sur l'histoire récente de la Belgique comme la querelle linguistique -, le goût de l'errance, une galerie de personnages hauts en couleur, dans une tradition breughélienne mais avec en plus une manière de mélanger le sordide et le somptueux qui fait toute l'originalité du poète.
On retrouve aussi le rapport complexe, éminemment ca- tholique, à la religion comme contrainte mais aussi comme fonds culturel indépassable et indépassé, permettant de jouir de la culpabilité comme d'un piment supplémentaire dans le désir, notamment homosexuel.
Le corps, comme souvent chez Cliff, occupe une place importante. C'est le corps souffrant de la maladie, le corps grotesque qui ne sait plus s'il exulte ou s'il s'abîme dans ce que Bakhtine, à propos de Rabelais, appelait le « bas corporel », et enfin le corps glorieux du poète qui atteint, par éclats, à l'immortalité du créateur.
Cliff allie l'archaïque des danses macabres à la modernité médicale, et ce jeu entre le contemporain et le médiéval s'étend à tout son univers, aux décors dans lesquels il évo- lue où le chant du rossignol passe grâce à un téléphone portable et où se rejoignent des considérations sur les ta- blettes informatiques, les joints, la révolution et la rudesse de la vie en Wallonie dans les années 1950.
Virtuose, Cliff compose Matières fermées comme un unique poème, avec de subtiles variations de rythme en parallèle à une ligne mélodique unique et entêtante. On peut ainsi lire ces sonnets comme un roman en vers mais aussi comme un recueil où l'on pourrait picorer au hasard, servi par une langue qui n'appartient qu'à lui, immédia- tement reconnaissable : les tournures anciennes ou typi- quement belges se mêlent à une syntaxe plus moderne, et un maniérisme semblable à la poésie baroque du XVI e siècle se confond avec un argot contemporain.
La rime et l'alexandrin deviennent un moyen de jouer iro- niquement avec la langue et de renforcer un certain hu- mour, une certaine distance qui se confond de manière harmonieuse et habile avec un vrai lyrisme : « langage très ancien qui depuis tant de siècles/s'articule en dansant en syllabes espiègles. »
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