Premières chroniques, premiers avis, et déjà des auteurs et des autrices à suivre...
Au coeur du Tennessee des années vingt, Sidney, un adolescent noir, se retrouve pris au piège du désir de deux jeunes filles blanches qui provoquent le massacre de sa famille en l'accusant à tort.
Pourquoi un shérif adjoint a-t-il pris le risque de lui épargner le lynchage ? Dans cette Amérique où n'avoir qu'une seule goutte de sang noir expose au danger, Sidney est-il pour autant sauvé ?
Quand le jeune homme reprend ses esprits après les horreurs vécues, sa mémoire s'est effacée.
Un lien étrange l'unit néanmoins à ce policier et à un mystérieux garçon, qu'il va désormais suivre comme son ombre dans une tragique odyssée. Car un tourbillon de violence poursuit implacablement Sidney, des émeutes de l'été sanglant de Chicago jusque dans l'Arkansas, sous fond de blues de Bessie Smith, soeur exilée du Sud.
Dans cette quête de ses racines, quel rôle vont jouer Robert Abbot, porte-parole de la cause des Noirs, Alma, la jeune aveugle, Lewis, l'ancien esclave, et les âmes tourmentées de Harlem ?
Mesure-t-on à quel point des liens de sang se sont créés au coeur de la haine entre les Noirs et les Blancs, de génération en génération, au-delà de l'inimaginable ?
Premières chroniques, premiers avis, et déjà des auteurs et des autrices à suivre...
J’ai lu de nombreux titres qui parlent de la Ségrégation et c’est une thématique qui m’intéresse fortement. J’ai découvert L’unique goutte de sang grâce à sa parution en format de poche. La fameuse « goutte de sang » fait référence à l’une des sordides lois Jim Crow qui part du principe qu’une seule personne de couleur noire dans l’arbre généalogique suffit à condamner toute la descendance à être considérée comme « colored » même si on a la peau blanche. Cette loi montre clairement la haine, l’absurdité et le profond racisme de cette Amérique de 1917. Sidney est un brave adolescent noir de Chattanooga. Il est victime d’une fausse accusation provenant de deux jeunes filles blanches. L’occasion est toute trouvée pour lyncher l’ensemble de la famille. Ses parents et ses sœurs meurent dans d’atroces souffrances tandis que lui réchappe à un destin funeste, grâce à un shérif qui n’approuve pas la Ségrégation. L’épopée de Sidney ne fait que commencer et elle sera semée d’embûches. L’unique goutte de sang est un roman difficile qui comprend des scènes insoutenables et malheureusement, elles ont existé. Le racisme n’a jamais disparu et le combat pour l’égalité n’est pas encore gagné. J’ai apprécié ce texte et certaines de ses scènes poétiques malgré leur noirceur. Un récit utile, pour ne jamais oublier…
Remarquable ! cruel ! envoûtant ! nécessaire ! CM
Un roman splendide dans toute l'horreur de ce pan de l'histoire américaine. Une écriture belle, dans fioritures, à l'image de ce texte si fort, parfois d'une violence inouïe. Des personnages qui se démarquent et nous plongent dans leur quotidien instantanément. Chronique d'un drame annoncé... Merci pour ce magnifique roman, à découvrir dans aucun doute !
Peut-on radiographier la haine, disséquer les mécanismes du racisme avec une rigueur quasi scientifique ?
C’est à ce voyage, lugubre, à travers l’histoire du phénomène du racisme que nous convie Arnaud Rozan. Dans le roman, Sydney, un jeune adolescent noir commet l’erreur fatale de céder à son désir pour deux jeunes filles blanches ; celles-ci provoquent sans scrupules ni le moindre regret le massacre de sa famille en l’accusant de viol. Ce qui frappe tout au long des pages de ce roman, c’est la précision des descriptions, la décomposition des actes et gestes, la distanciation avec le côté dramatique et cruel des situations décrites. Ainsi, Arnaud Rozan évoque-t-il la pendaison de deux jeunes filles Ella et Eulma par un rappel historique : « Certaines contrées sont maudites par le sort. Le sang s’y verse à doses régulières, comme une rivière sort périodiquement de son lit et se transforme en coulée de boue. La fureur des hommes revenait faire trembler cette terre, où avaient déjà succombé des milliers de soldats dans un fracas de sabots. »
Leur pendaison est évoquée avec une précision chirurgicale, digne d’un rapport d’autopsie médicale. La consternation naît, à cause de l’attitude des bourreaux, du shérif qui intime à la populace l’ordre de rentrer chez elle : « La fête est terminée, je vous conseille de rentrer chez vous, maintenant. Il se fait tard. »
Comme pour illustrer cette malédiction de la violence, de la peur et du racisme qui habite irrémédiablement ses personnages comme une tumeur cancéreuse qui essaimerait avec de nombreuses métastases, l’auteur décrit les états d’âme du lieutenant de police Whyte, qui sauve Sydney du lynchage « Quand les spectres d’Ella et Eulma avaient surgi avec leurs tresses aussi noires que le Mississipi, l’adjoint Whyte s’était laissé prendre par la mort. Son âme avait rejoint celle des ombres qui couvaient sous la terre le long du fleuve sombre. »
La culpabilité, le ressentiment , la haine intériorisée aussi bien par les blancs que par les noirs ; tout cet arrière-plan apparaît comme une fatalité à laquelle nul ne peut échapper .En remontant le temps, des lynchages des années vingt jusqu’au émeutes inter-ethniques de Chicago opposant des Américains d’origine irlandaise à des Afro-Américains en juillet 1919, Arnaud Rozan ajoute un élément au réquisitoire :la police est complice : « La Garde nationale posta ses hommes tout autour de South Side , mais les Irlandais agissaient en toute impunité . »
C’est l’enracinement de la haine dans les cœurs que réussit à décrire Arnaud Rozan, et probablement aussi le rôle moteur de la peur dans les comportements humains les plus extrêmes :le message n’est guère optimiste, n’incite pas à croire que le rêve du pasteur King est atteignable :il restitue un état des choses à l’aune de l’histoire nord-américaine .Lewis, un ancien esclave, n’avoue-t-il pas à Sydney : « Tous ces Blancs autour de nous, continua Lewis, un jour, on danse et on trinque avec eux. Un autre, nous sommes à feu et à sang. Et demain, que se passera-t-il ? »
Très bon roman bien documenté quant à l’histoire noire américaine et à ses différentes figures. Un seul bémol : l’auteur aurait dû faire figurer ses remerciements au début de l’ouvrage, ce qui aurait facilité la compréhension ultérieure des titres des chapitres du livre.
Croyez moi, il ne faisait pas bon être noir dans le Tennessee des années vingt. C’est en suivant l’histoire du jeune Sydney que l’on redécouvre la force de la haine des blancs pour les noirs. Il faut dire que c’est dans cet Etat que le Ku Klux Klan, société secrète terroriste suprémaciste blanche à vu le jour en 1866. Le scénario de départ s’il ne brille pas par son originalité (on retrouve un postulat similaire dans La ligne verte), reste efficace. L’injustice, la violence nous explose à la figure alors que Sydney accusé d’un crime qu’il n’a pas commis voit sa famille se faire massacrer, dans des conditions inhumaines, il en restera profondément traumatisé. Un des adjoints du shérif pourtant lui sauve la vie en lui évitant d’être lynché et comprendre pourquoi a été un de mes moments préférés du livre. L’histoire nous fait voyager jusqu’à New-York au cœur de Harlem quartier noir par excellence. Les personnages secondaires sont nombreux et sont le fil rouge de l’évolution de Sydney, on y croise Robert Abbott fondateur de l’hebdomadaire afro-américain Chicago Defender. Tout le long du livre j’ai eu le sentiment que Sydney pouvait être une bombe à retardement et que certainement, il n’y aurait pas de happy-end. L’auteur met en place, méthodiquement ses pions et le jeu comme dans une tragédie n’a plus qu’à se dérouler sans que personnes n’y puisse rien changer. Une écriture sans pathos alors que les évènements relatés sont parfois à la limite de l’insoutenable. Mais aussi des moments de poésie pure notamment lorsque l’on traverse les générations et que la voix des ancêtres se fait entendre. Tous cela sur fond de blues porté par la voix de Bessie Smith, ambiance rétro assurée. Un coup de cœur pour ce roman qui apporte une surprise en lien avec l’art dans les « remerciements », je n’en dis pas plus, juste que cela apporte un éclairage nouveau sur le titre des chapitres qui étaient restés une énigme pour moi. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2021/08/31/39111975.html
Ce qui m’a plu tout de suite dans ce roman dont le résumé m’attirait c’est la beauté d’un style très riche et poétique. J’ai très vite accroché au récit en grande partie grâce au style.
Nous sommes à Chattanooga dans le Tennessee en 1917, le lynchage des noirs est un spectacle exaltant auquel on assiste en famille. L'unique goutte de sang c'est une règle selon laquelle n'importe quel degré d'ascendance africaine suffisait pour classer la personne comme nègre .
Tout commence par le lynchage d'une famille de noirs. Le fils, Sydney, a fait l'erreur d'aider deux filles blanches. Elles ont dû expliquer pourquoi elles étaient rentrées tard chez elle, robe déchirée et souillée. Le coupable était trouvé.
Après le lynchage de sa famille, un seul survivant entre la vie et la mort : Syndney. Le shérif bien embarrassé demande à son adjoint, Whyte, d'emmener le survivant mourant loin pour éviter toute émeute. L'adjoint Whyte le mène à Memphis ou le docteur Campbell accepte de le soigner.
Au fur et à mesure de la prise en charge de Sydney, on découvre les racines de l'adjoint Whyte et ses motivations pour faire carrière dans la police puis celles du docteur Campbell que le père emmenait fièrement admirer les lynchages de noirs. Le docteur Campbell a pris sa revanche. Il accueille Sydney dans son hôpital, lui apprend à lire et lui donne le goût des journaux.
Sydney doit quitter l'hôpital du docteur Campbell. Il commence son périple par Chicago où il distribue des journaux pour Robert Abbott, défenseur de la cause noir. Il assiste aux émeutes de Chicago puis se rend à Harlem.
Durant son voyage, il rencontre des noirs au passé douloureux et sera à nouveau victime d'injustice.
Il y a un beau fil conducteur qui part d'un lynchage pour remonter le temps et les origines de Whyte et de Campbell, créer une toile et les lier à Sydney. On découvre tout d'abord les personnages secondaires dont le passé nous mène au personnage principal et à la manière dont ils vont l'aider.
C'est un livre bouleversant avec un personnage principal un peu perdu à l'image de son incompréhension du monde qui l'entoure, de la violence envers les noirs. Le contexte historique de tension entre blancs et noirs, des émeutes, lynchages, tensions maintenues par le Ku Klux Klan est bien exploité pour ancrer la belle et douloureuse quête de Sydney.
Un premier roman que je trouve très réussi.
Chronique de la page 100
Les explorateurs de la rentrée littéraire
Les premières pages de ce roman sont insoutenables. Je conçois qu'il peut y avoir un intérêt pédagogique à décrire l'horreur, mais lorsque l'on a déjà eu l'occasion de prendre conscience de toute l’abomination dont l'homme est capable, en rajouter n'est peut être pas nécessaire. J’ai abandonné pour les mêmes raisons Brasier noir de Greg Iles. J’avoue avoir survolé certaines pages pour m’épargner des souffrances inutiles.
Je vais poursuivre dans l'espoir que la suite sera consacrée à l'enquête et pourquoi pas me permettra de voir les méchants punis (en espérant que les détails seront éludés).
Mais c'est avec la nausée que je reprendrais la lecture.
Les explos 2021
Après l’horreur de premiers chapitres, récit détaillé de circonstances qui ont amené une bande d’énergumènes à torturer à mort la famille d’un jeune garçon accusé d’avoir agressé une fillette blanche, la lecture se poursuit la boule au ventre, avec l’angoisse de devoir faire face à d’autres scènes insoutenables. Et l’espoir aussi que si l’auteur a permis à Sydney, le gamin accusé à tort, de survivre, l’étendue des possibles lui réservera peut-être un avenir plus radieux.
Le sud est un espace maudit pour tous les descendants des cueilleurs de coton, même cinquante ans après l’abolition de l’esclavage, et Sydney, après une convalescence longue dans la seule clinique qui avait accepté de l’accueillir après son lynchage, grace à l’autorité du Dr Campbell, part pour Chicago, seul, pour tenter de retrouver ce frère putatif, cet ami imaginaire qui hante ses insomnies et l’accompagne lors de crises séquellaires.
Les maigres éléments issus de ce que le Dr Campbell lui a révélé des faits et les flashs de souvenirs évanescents le guident sur les pas d’ancêtres irlandais.
La description très réaliste des scènes d’horreur sur lesquelles s’ouvre le roman, certes utile sur le plan pédagogique pour prendre conscience de la barbarie humaine, est superflue quand on ne se fait plus d’illusions quant aux bas instincts de fanatiques avinés. Souffrance inutile.
Ce réalisme contraste avec le façonnage méticuleux de la langue, dont le lyrisme dépasse parfois le seuil de l’interprétable. D’autant que se mêlent les délires et les faits avérés sur le parcours de Sydney.
Passé la dernière page, subsiste une impression de nausée et une incertitude sur ce qu’il faut en retenir, d’autant que je ne suis pas certaine d’avoir tout compris.
Ce type de récit touche en moi des points sensibles et l’émotion est trop forte pour que je puisse apprécier les procédés littéraires et les qualités de la narration.
L’histoire commence avec deux jeunes filles blanches et un ado noir, Sydney, dans un état du sud ségrégationniste, dans les années 1920.
« Sydney avait grandi dès son plus jeune âge dans la peur du blanc. La bonne attitude était de se rendre absent du monde, de ne jamais regarder dans les yeux, d’être aussi insignifiant qu’une mule attachée à un piquet. C’est l’image que prenait son père pour lui faire comprendre que la soumission était la contenance la plus sûre pour éviter des ennuis. »
Pourtant les deux jeunes filles l’accusent à tort, de les avoir violées. Le lynchage est aussitôt organisé par le village et toute la famille de Sydney est massacrée. Sydney ne doit la vie qu’à l’intervention du shérif adjoint, Whyte.
Dès les premières pages, le lecteur est captivé par l’histoire de cet adolescent, le rapport avec la réalité historique, les motivations de Whyte. Pourquoi a-t-il sauvé Sydney alors que toute la meute était lâchée sur cette famille noire, y compris le shérif ?
Sydney n’a plus qu’un souffle de vie, il faut désormais trouver un hôpital susceptible de le soigner, de le ramener à la vie. Quête difficile et désespérée.
On ne soigne pas un noir : « Cet hôpital n’est pas le lieu approprié pour s’occuper de cette créature. »
Heureusement le docteur Campbell va le recevoir dans son unité et le guérir, malgré l’hostilité profonde de tous ceux qui l’entourent. Sydney recouvre la santé mais perd la mémoire de ce qui s’est passé.
Le périple du jeune homme se poursuit à Chicago, où le Docteur Campbell a préféré l’emmener. Le lecteur est plongé dans les émeutes de Chicago, les nombreuses rencontres de Sydney, où la violence est omniprésente envers les noirs qui petit à petit essaient de s’organiser.
Comment vivre après le choc qu’a subi Sydney ? Comment résister à la violence, à l’injustice subie ?
La menace est lourde pour tous, même pour les blancs qui savent qu’une goutte de sang noir, une ascendance africaine éloignée suffit pour rejoindre les exclus, les victimes ?
J’ai admiré la force de ce roman. On connait, on comprend tous, ce qu’est le racisme, sa dureté, sa profonde injustice, ce que sont les phénomènes de foule, qui peuvent provoquer la sauvagerie, la barbarie, le traumatisme souvent irréversible des victimes. Dans ce roman, on le comprend aussi avec son cœur, avec ses tripes.
Un roman dense et fécond qui suscite les questions, les réflexions. Impossible de le résumer en quelques lignes.
Lisez et relisez-le !
L’écriture est superbe, le vocabulaire riche et précis. Ils accompagnent parfaitement le souffle de l’histoire.
Un premier roman : un coup de maître. Une puissance de narration semblable à celle de Philippe Claudel dans « Le rapport de Brodeck. »
Un vrai coup de cœur !
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