Ce brillant roman d’Émilie de Turckheim imite à la perfection le contenant auquel il doit son nom. S’ouvrant en deux parties presqu’égales, il propose, dans la première, les douces saveurs légèrement acidulées de la vie de quartier dans une petite banlieue américaine proprette, avec ce qu’elle...
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Ce brillant roman d’Émilie de Turckheim imite à la perfection le contenant auquel il doit son nom. S’ouvrant en deux parties presqu’égales, il propose, dans la première, les douces saveurs légèrement acidulées de la vie de quartier dans une petite banlieue américaine proprette, avec ce qu’elle suppose de petits rituels, de petits ragots, de petits services rendus pour maintenir le sacro-saint « rapport de bon voisinage ». On y découvre Sarah, professeure de musique fantasque et adulée de ses élèves, offrant au collège bilingue dans lequel elle officie la brillante réputation de ses spectacles de fin d’année à nuls autres pareils, et à ses voisins sa participation au covoiturage organisé pour le dépôt matinal de leurs petits au pied des marches dudit collège. Le contenu de la seconde partie a le goût amer des regrets et la consistance insoluble, étouffante et indigeste des remords qui vous restent en travers de la gorge ou sur l’estomac, de cette lourdeur qui, dorénavant et pour toujours, entravera vos mouvements, pèsera sur votre vie. La charnière est si légère, pourtant, entre ce haut et ce bas, cet avant et cet après, ce délicieux et cet insupportable. Elle s’articule autour d’une poignée de détails, quelques secondes, un silence, un regard, une hésitation peut-être ? C’est le constat douloureux que feront Sarah et tous ceux qui, de près ou de loin, se coinceront les doigts et la mémoire dans cette pliure du temps par laquelle se referme celui de la légèreté. Et chacun aura beau se repasser le film, tenter de remonter l’histoire, de compter à rebours, rien n’y fera : une fois jailli hors de sa boîte, aucun diable n’y retourne
Quelle finesse dans l’art consommé d’écrire, de construire, de décrire cet insidieux sentiment de culpabilité qui traverse et entoure les drames. Quelle habileté à nous mener tous, personnages et lecteurs, au bord de l’abime, à cet endroit vertigineux où l’appel du vide est si fort que l’on sent monter un cri d’effroi à l’idée que la chute pourrait être la nôtre. Quelle grâce dans cette écriture à la fausse légèreté primesautière qui sonde les âmes jusque dans leurs recoins cachés pour y débusquer l’infernale certitude d’être coupable. Laissons le diable dans les détails, en ouvrant cette box-là, c’est tout le talent d’Émilie de Turckheim qui vous sautera au visage et vous marquera pour longtemps !
Merci Nicole pour cette chronique . Je vais noter ce roman dans ma PAL. Belles lectures . Prenez soin de vous