"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une toile de Gustave Courbet volée dans un musée, un peintre qui meurt avant même d'être interrogé par la police, un trafic de faux tableaux, une veuve troublante à bien des égards... Mensonges et faux-semblants, ce n'est plus une enquête, c'est un casse-tête ! C'est en boitillant que le fameux commissaire Morteau, aidé de son jeune collègue, tentera de remonter à l'origine du monde, non loin de la source de la Loue, pour essayer d'y découvrir l'origine du crime...
La maison Flamant noir s'étoffe : après des polars humoristiques, du réalisme, du jazz, des thrillers, voici un polar doubiste pointilleux, qui explore toutes les pistes méticuleusement ; il pourrait être qualifié de drôle parfois, de réaliste parfois. Pour l'apprécier, il faut savoir prendre son temps ; le lieutenant Fabien Monceau qui ne sait pas le faire est plus d'une fois remis à sa place par Bruno Morteau. Si vous connaissez Besançon, Ornans, les plats et les vins régionaux, vous ne serez pas perdus parce que Morteau est un amateur de bonnes tables et de plats roboratifs accompagnés de savagnin et/ou de poulsard et ne dédaigne pas une bière entre les repas -enfin, une ou plusieurs. Si vous ne connaissez rien à cette région, ne vous inquiétez pas, ne fuyez pas, au contraire, vous aurez très envie d'aller la visiter, je parle d'expérience.
Morteau est alcoolique, divorcé, seul, son âge n'est pas dit, mais il a dépassé la cinquantaine, amoureux de sa région, rien ne pourra l'en faire sortir, il se plaît à nous la faire visiter. C'est un laborieux qui explore toutes les pistes, qui est donc lent et ne se base que sur les faits et jamais sur des hypothèses, des suppositions. Un acharné des faits qui recadre sans cesse son lieutenant qui lui, part tout de suite dans des déductions hâtives : "Morteau haussa les épaules et préféra ne pas polémiquer. Il aimait bien Monceau, mais cette façon de vouloir sauter directement aux conclusions sans prendre le temps de les étayer l'agaçait." (p.132) Ça tombe bien, moi non plus je n'aime pas les flics -dans les livres ou les séries- qui échafaudent tout de suite des hypothèses, c'est souvent tiré par les cheveux et lorsque la solution est au bout d'une de leurs idées, on voit la grosse ficelle. Donc Morteau est à mon goût, un mix de Maigret, Colombo, Wallander, le Doubs en plus, l'alcool itou ; il roule en 404 lorsqu'il ose conduire, est un peu négligé, mal rasé, mal sapé, ... Bon, j'avoue un petit -tout petit- agacement dans les répétitions des hypothèses de son second et des "remises en place" du commissaire, ça devient presque un peu "too much", mais passé cela, ce roman policier est très bien.
Après avoir parlé des personnages, parlons de l'intrigue. Titré L'origine du crime, sous-titré Deux enterrements à Ornans, il ne vous échappera pas que ce polar fait référence à Gustave Courbet, enfant du pays, qui a peint L'origine du monde et Un enterrement à Ornans, entre autres. Trafic de tableaux, faux ou volés ou les deux en même temps, tous en référence au peintre. Si vous ne connaissez que peu Courbet, eh bien, c'est comme pour le pays, vous ressortirez de ce polar un peu plus initiés. C'est quand même vachement bien ces romans qui, sous le prétexte de nous divertir avec un flic peu conventionnel et une intrigue policière, nous instruisent -ou vice-versa. En plus, dans celui-ci, vous n'avez la solution qu'en toute fin, bien difficile à découvrir avant que le commissaire Morteau ne l'énonce. Alors, pourquoi se priver ? Apprendre en se faisant plaisir et en se distrayant, il n'y a rien de mieux.
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