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Dans Le Monde daté des 6 et 7 mai 2012 a paru l'article d'Alain Badiou titré : « Le racisme des intellectuels ». Il y expliquait que la montée de l'extrême droite, en France et en Europe, est d'abord le produit d'un discours intellectuel et gouvernemental qui, depuis trente ans, a entonné le refrain du nationalisme et de la xénophobie.
Il écrivait : « Comme toujours, l'idée, fût-elle criminelle, précède le pouvoir, qui à son tour façonne l'opinion dont il a besoin. L'intellectuel, fût-il déplorable, précède le ministre, qui construit ses suiveurs. [.] Ce sont eux qui doivent aujourd'hui rendre des comptes sur l'ascension d'un fascisme rampant dont ils ont encouragé sans relâche le développement mental. » De ce « développement mental » témoigne à sa façon la récente élection à l'Académie française d'un intellectuel dont les acrobaties ont, depuis une quinzaine d'années, suscité l'admiration de quelques-uns, l'indignation de quelques autres et l'étonnement de la plupart. Nommons-le : Alain Finkielkraut. Surnommons-le : l'intellectuel compulsif.
Au début des années 2000 Alain Finkielkraut animait une émission radiophonique hebdomadaire sur la Radio de la communauté juive (RCJ). Avec la montée d'un « nouvel » antisémitisme, l'homme était sur le qui-vive et d'humeur querelleuse. Le 29 novembre 2003, à l'antenne, il accusait Eyal Sivan, cinéaste israélien, d'être un acteur de l'« antisémitisme juif ». Il lui reprochait d'être le coréalisateur avec le Palestinien Michel Khleifi du film Route 181 qui avait été diffusé sur Arte cinq jours plus tôt :
Je dois dire que ce film [d'Eyal Sivan] est un appel au meurtre et j'accuse Arte de falsification et d'appel à la haine. [.] C'est, si vous voulez, l'un des acteurs de cette réalité particulièrement pénible, particulièrement effrayante, l'antisémitisme juif qui sévit aujourd'hui. [.] Il s'agit de les [les Juifs] tuer, de les liquider, de les faire disparaître pour permettre l'advenue justement, l'avènement de l'émancipation de tous les hommes. [.] Rien n'est plus douloureux pour les Juifs, qui en voient de toutes les couleurs aujourd'hui, que de subir l'assaut de cet antisémitisme juif.
L'année précédente avait paru un livre raciste d'Orianna Fallaci, La Rage et l'orgueil ; en 2003 Arte diffusait un film de Michel Khleifi et Eyal Sivan, Route 181. L'intellectuel compulsif avait fait l'éloge du livre raciste, parce qu'il y décelait une « vérité » jusque « dans son exagération », mais il condamna le film d'auteurs, parce qu'il y décelait un « appel au meurtre » des Juifs. Le paradoxe est saillant, peut-être abyssal. Il fallait s'y arrêter. Faire oeuvre d'historien.
Ce livre est un essai de micro-histoire contemporaine : on se saisit d'un fait saillant, significatif, symptomatique, on réunit une documentation, on en propose une analyse méthodique.
Quelle est la faute des auteurs de Route 181 ?
Sont-ils coupables d'avoir appelé au meurtre des Juifs ? Ou bien sont-ils coupables d'avoir proposé une autre vision du cinéma, de l'histoire et de la politique que celle de l'intellectuel compulsif et de ses semblables ?
Que le dispositif israélo-palestinien conçu par Khleifi et Sivan dans le film Route 181 ait été qualifié
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