"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Paulin rêvait de fuir le monde des adultes et toute la boue qui lui empoisonnait le sang. Il rêvait de partir loin de son petit village du Limousin, et de ne plus jamais revenir. Mais quand le rêve a rejoint la réalité, c'est devenu un cauchemar. Le dérapage incontrôlé de Paulin et ses copains les a entrainés jusqu'à Nimes dans un sillage de sang. Il y a des ornières qu'on ne peut quitter sans foirer toute sa vie.
Quelle ambiance les amis, quelle ambiance ! Pierre Willi décrit un hameau ravagé par l'inactivité, l'alcool, les armes et sans doute une certaine consanguinité qui ne donne rien de bon. C'est opaque, poisseux, noir, ça sent le purin, le lisier, les relents d'alcool que les parents des jeunes ingurgitent en grosse quantité et la poudre. La langue de Pierre Willi est âpre, hachée, argotique parfois, technique lorsqu'elle parle des armes, use de néologismes de francisations de termes anglo-saxons ; elle fait parler alternativement un narrateur omniscient ou Paulin qui n'est pas un Saint (j'ai essayé de l'éviter celle-ci, mais je n'ai pas pu, mes doigts ont surpassé ma volonté de donner une peu de tenue à cette chronique). Un bémol cependant, malgré tous mes compliments sur l'écriture de l'auteur, j'ai trouvé que le bouquin tardait à démarrer et que même lorsque le sang avait commencé de couler, il manquait du rythme, ce qui est paradoxal pour une fuite en avant. Peut-être trop de répétitions des doutes, questionnements de Paulin quant à sa capacité à protéger Nana ? Il tourne en rond Paulin, et je peux le comprendre, dans cette situation, j'imagine que je ferais pareil, mais là, j'aurais aimé qu'il avançât plus vite, peut-être en enlevant quelques pages ???
Bémol léger au regard de l'atmosphère qu'a su créer Pierre Willi, de ses saillies sur divers points comme la vie rurale traditionnelle qui se meurt au profit d'une vie plus moderne et totalement inféodée aux grandes entreprises et à la société de consommation : "J'entendais Raymond vitupérer devant notre téléviseur, puis grogner, puis seulement marmonner, soupirer et enfin pleurer silencieusement dans son verre. Pourquoi notre blé, il ne valait soudainement plus rien ? Personne n'en voulait plus de notre blé ! Et nos semences, pourquoi on n'avait plus le droit de les réutiliser ? Pourquoi fallait-il les racheter à des gangsters industriels ? Raymond, il se croyait défendu par le grand syndicat. Quand il a découvert que ce que voulait le grand syndicat, c'était une mégaferme par village et pas plus, quand il a enfin compris que les motivations profondes des grands chefs syndicalistes, c'était de faire plaisir aux industriels, d'engraisser les gros beaucerons et d'exterminer la petite paysannerie, ça lui a donné comme un coup de bâton derrière le crâne et il s'en est jamais remis." (p.71/72)
En résumé, si je ne suis pas super emballé par l'histoire, je le suis totalement par les personnages, les lieux, l'écriture qui sait décrire une ambiance glauque et pesante, un truc qui collera longtemps à mes synapses. Très visuel, très cinématographique. Très noir. Du vrai du bon polar qui tache avec des vrais morceaux de la vraie vie dedans.
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