Prix Goncourt 2018, Nicolas Mathieu nous confie sa bibliothèque idéale
Août 1992. Une vallée perdue quelque part à l'Est, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a 14 ans, et avec son cousin, ils s'emmerdent comme c'est pas permis. C'est là qu'ils décident de voler un canoë pour aller voir ce qui se passe de l'autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d'une vallée, d'une époque, de l'adolescence, le récit politique d'une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt, cette France de l'entre-deux, celle des villes moyennes et des zones pavillonnaires, où presque tout le monde vit et qu'on voudrait oublier.
Prix Goncourt 2018, Nicolas Mathieu nous confie sa bibliothèque idéale
Des livres qui ont fait l'actualité du mois et vous ont émerveillés
"J’essaie de parler de la vie, des gens et du monde en étant le plus juste possible"
Le palmarès de la rentrée littéraire 2018
Roman éponyme de Nicolas Mathieu prochainement au cinéma le 4 décembre 2024.
Chronique social Goncourt en 2018, récit initiatique et d'apprentissage se déroulant sur quatre été, une bande d'ados, une localité subissant une forte désindustrialisation, l'auteur nous plonge dans une fresque social et familial, l'écriture est puissante, sensible, sombre et lumineuse, une lecture qui ne nous laisse pas indemne. Les personnages sont attachants. Une oeuvre que je recommande.
"Les hommes parlaient peu et mouraient tôt. Les femmes se faisaient des couleurs et regardaient la vie avec un optimisme qui allait en s'atténuant. Une fois vieilles, elles conservaient le souvenir de leurs hommes crevés au boulot, au bistrot, silicosés, de fils tués sur la route, sans compter ceux qui s'étaient fait la malle."
"Il existait comme ça toute sorte de ruses pour surmonter le désert, cette étendue uniforme de temps qui vous attendait au saut du lit, et pour de bon, jusqu'à la retraite. Hacine avait compris ça. Son temps ne lui appartenait pas. Mais il était toujours possible de duper l'horloge. En revanche, il ne pouvait rien contre cette évidence : d'autres volontés que la sienne dictaient leurs règles à son corps. Il était devenu un outil, une chose. Il bossait."
Ludovic et Zoran Boukherma on adapté ce livre qui sort prochainement en salles obscure avec au casting, Ludivine Sagnier, Gilles Lellouche, Angelina Woreth et Paul Kircher. Gilles Lellouche devait réalisé ce film mais il préféra se consacré à une autre réalisation d'une autre adaptation avec L'amour ouf.
Anthony a quatorze ans lorsqu'il découvre le premier amour, le premier été. Celui qui déterminera le reste de sa vie. Nous grandissons à travers ce livre ainsi qu'au travers d'Anthony. On y retrouve certains souvenirs de nos vacances.
Ce livre nous fait beaucoup réfléchir sur la façon dont nous grandissons, si nous avons suivi les mêmes actes que nos parents et si en grandissant nous devenons comme eux.
Ce livre a été pour moi assez compliqué à lire. J'ai eu beaucoup de mal à m'y imprégner et à l'apprécier. Beaucoup de passages ont été selon moi compliqué à lire et à suivre.
En discutant de ce livre il y a quelques jours, le mot qui nous est venu est rude.
Cette histoire est rude, l’écriture ciselée de Nicolas Mathieu est rude, les personnages sont rudes, la vie de ces jeunes dans l’Est de la France dans les années 90 est rude.
Je comprends pourquoi ce livre a plu, de mon côté j’ai besoin de plus de douceur…
[..Rien qu’à la regarder Anthony se sentait mal. Ces femmes qui, d’une génération l’autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu’à assurer la persistance d’une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal…]
Leurs enfants après eux est une chronique de la reproduction sociale dans une petite ville de l’est de la France touchée par la désindustrialisation.
Comment s’extraire d’un destin trop prévisible [ ..licencié, divorcé, cocu ou cancéreux…] ?
Comment échapper au modèle de ses parents ?
On va suivre les personnages de 14 à 20 ans, durant 4 étés :1992, 1994, 1996 et 1998. Nous allons les découvrir adolescents et puis passer à l’âge adulte. Et voir leurs illusions se fracasser sur le mur de la réalité.
Nicolas Mathieu décrit de manière très subtile, et sensible, l’incandescence de la jeunesse, son violent désir de liberté, son rejet d’une vie au rabais. Et ensuite le désillement, l’impossible échappée de la toile d’araignée de son hérédité sociale.
Ce récit m’a émue, remuée, parce-qu’il m’a renvoyée à mon propre parcours, au point de départ très semblable à celui des personnages de ce roman.
Je l’ai trouvé particulièrement juste.
La critique d'un Prix Goncourt ne se fait pas à la légère, surtout quand on trouve l'auteur sympathique et qu'on sait qu'il traîne sur les réseaux sociaux, et pourrait donc lire cette critique…
Commençons par la fin du roman : il n'y a justement pas vraiment de fin, c'est un peu dommage. Au lecteur d'imaginer. Est-ce pour faire une suite ? Ou pour qu'un producteur fasse une série qui imaginerait la suite ?
Pour le reste, et bien nous avons là une oeuvre type L'assommoir moderne. J'ai pensé à Zola tout au long du livre. D'abord car c'est bien un roman sur le peuple, sur une classe. L'opposition des classes y est décrite. Mais surtout, j'ai reconnu le style de Zola, à peine modernisé, et le style des Enfants me semble bien la grande affaire de ce roman de Nicolas Mathieu. L'auteur a travaillé son écriture, pour un rendu qui devrait ravir les adeptes de l'auteur des Rougon-Macquart et les professeurs de français nés dans les années 40. C'est un compliment attention, et il doit expliquer l'attribution du prix Goncourt, enfin j'imagine.
Comme chez Zola, le description du décor participe au récit, explique la marche des événements. Les lieux semblent parfois comme décrits par les personnages eux-mêmes, on entendrait presque leurs intonations. Ainsi à la Zup : « le ciel était pris dans la mâchoire que dessinaient les tours (…) les fenêtres creusaient des yeux étroits, des bouches malades ». On est chez Zola encore lorsque nous est décrit un enterrement, puis la fiesta qui va avec ; on reverrait presque le repas de mariage de Gervaise. Les mots de Nicolas Mathieu pour décrire les scènes prennent le langage de ses personnages (quand le père lave son fils au jet d'eau : « le père insista sur la nuque, la tête, que ça lui éclaircisse les idées »).
On imagine aisément un cours de français sur les types de discours (indirect libre, etc…), avec distribution d'un extrait comme celui-ci :
Elles rirent. Est-ce que Steph comptait le voir ?
— Jamais de la vie.
On aimerait être dans la salle pour indiquer que cette intervention finale au style direct fait penser pour le coup aux Microfictions de Jauffret. Nicolas Mathieu n'a pas oublié d'être moderne !
Sinon, pour faire découvrir le livre à un jeune public, il faut peut-être chercher du côté du chapitre 7 de la deuxième partie, quand Steph découvre comment s'en sortir via les études, qu'on découvre ses techniques de révision et que la narration emprunte le discours de la jeune fille : « Dans sa filière, toutes les matières comptaient, même la philo. La République de Platon, sérieux ? Mais qui étaient les instigateurs de ces programmes lunaires ? ». Personnellement, je suis sous le charme d'une telle écriture, et même tellement admiratif que je conseille aux autres auteurs d'arrêter d'écrire. Nicolas Mathieu peut désormais suffire à la littérature !
Un dernier mot sur l'objet livre lui-même. En format poche, Babel, l'ouvrage de 550 pages est vendu 9.90 euros. Il y a là un abus évident pour un livre de poche. Les 1000 pages des Microfictions de Jauffret sont vendues 12.50 euros chez Folio…
C'est chaussée de mes New Balance, donc déjà prête à déguerpir à toutes jambes si besoin était, que je me lance dans cette chronique...
Ce roman chorale s'étale sur 4 étés, de 1992 à 1998. Leurs enfants après eux.
On est à l'Est, les hauts fourneaux ne brûlent plus. le désir oui. On a quatorze ans, les hormones s'emballent, on aimerait bien en faire autant avec les filles.
On pourrait s'arrêter là.
Mais à fresque sociale, étendue de personnages. C'est grand une fresque, hein, on va pas chipoter, sur toile ou sur papier.
Anthony a quatorze ans. Son père est alcoolique, même qu'il fout sur la gueule de la mère parfois. Entre le boulot de merde et les crédits. le chômage, les copains au café du coin. La mère qui pardonne, une fois, dix fois, bah quoi, c'est pas très original les gnons d'où qu'on vient.
Alors Anthony, forcément, il fuit son quotidien. Et fuir le quotidien, pour lui, c'est l'alcool (ah oui tiens, comme papa), les copains, la vitesse, le shit, la baise.
J'en ai d'autres comme ça.
426 pages de clichés mal cadrées. A ne surtout pas encadrer ! Stéréotype de la fille de bourges qui s'ennuie, écarte un peu trop les cuisses, mais papa et maman sont occupés, papa s'improvise politicien, maman, maman elle fait comme toutes les mamans des milieux cossus, du shopping et de la déco. Pas le temps pour voir la gamine déraper. Et se rattraper à la première *bip* qui passe.
L'arabe de quartier. Qui vend son shit. Se fait defoncer la gueule par son père quand ça commence à sentir la zonzon. Pas grave, on retourne au bled, on s'essaie au go fast. Et puis là aussi, la jeunesse s'emmerde, n'espère rien. Picole.
Les personnages se noient, dans l'ennui. Dans l'alcool surtout. Décidément, on ne peut plus rien pour eux, c'est ça qu'il nous raconte Nicolas Mathieu. La France crasse, désindustrialisée. Qui a enfilé son gilet jaune.
J'ai tenu bon. Même sur le fil !
Son écriture nerveuse, affûtée, féroce parfois, sauve un peu le fond.
C'est un espace vaste comme le monde qui sépare le Goncourt 2018 du Goncourt 2021. Vaste comme la vacuité de l'avenir des jeunes de l'Est de la France. Apparemment...
En cet été 1992, à l’ombre des hauts fourneaux d’Heillange éteints depuis belle lurette, une bande d’adolescents vit ses premiers émois, ses premières douleurs, ses premiers échecs. Ils ont quatorze ans à peine, viennent de milieux différents, mais ont déjà, chevillée au corps, l’idée bien arrêtée que leur vie est ailleurs, loin de cette ancienne cité sidérurgique qui meurt lentement dans le gris et l’ennui de l’Est de la France. Les fils de prolétaires ont vécu la déchéance de leurs pères acculés au chômage, noyant dans l’alcool les regrets d’un temps béni où leurs mains étaient encore utiles. Les fils d’immigrés contemplent avec rage une société qui n’a jamais laissé leur place à des hommes venus du Maroc ou d’Algérie, des rêves d’or plein la tête. Les enfants de notables dénigrent leurs parents parvenus qui se croient les rois du monde alors qu’ils se bercent d’illusions en imaginant un avenir meilleur pour cette région sinistrée et définitivement morose.
Ainsi va la vie d’Anthony, Hacine, Stéphanie et les autres, lors de cet été fondateur qui scellera leur destin. On les retrouvera, toujours en été, en 1994, 1996 et 1998, avec leurs projets, leurs désirs, leur entrée dans l’âge adulte, leurs renoncements aussi.
Des rêves qui se fracassent contre une réalité immuable, une jeunesse vouée à reproduire encore et toujours un destin lié à sa classe sociale, la France d’en bas qui cherche une ligne de fuite obstruée par des hauts fourneaux éteints depuis longtemps. Nicolas Mathieu nous raconte avec un réalisme brut et brutal, cette France périphérique qui vivote entre l’ANPE, le bistrot, le loto, la télé, le crédit sur trente ans pour accéder à la propriété, l’espoir de voir les enfants s’élever un peu grâce à l’ascenseur social qu’on leur a tant vanté.
Mais à Heillange comme dans tous les territoires abandonnés, les fils de prolos finissent à l’usine, les filles de notables vont à la fac et la deuxième génération d’immigrés deale aux pieds des immeubles.
La vision de l’auteur est certes un peu caricaturale mais elle est dénuée d’angélisme, de démagogie, de faux espoirs. Parfois, vouloir s’en sortir ne suffit pas…On reproduit malgré soi les atavismes de sa classe, on reste attaché à l’endroit où l’on a grandi, aux rues que l’on connait par cœur, à l‘ennui héréditaire des villes en déclin.
Leurs enfants après eux n’est pas un roman optimiste et guilleret, mais c’est un grand roman. La dernière page tournée, il laisse un goût amer, celui de la défaite…
Ca faisait longtemps que je voulais lire ce roman de Nicolas Mathieu, je ne me souvenais même plus qu'il avait reçu le prix Goncourt 2018 (heureusement peut être! )
A la lecture de la quatrième, je m'étais dit que cette histoire me parlait, les années 90 étaient bien ancrées dans ma mémoire et les quelques chapitres aux titres de chansons m'interpellaient et je trouvais cela prometteur.
Mais j'ai été déçue, beaucoup trop long, très redondant et il ne se passe pas grand chose dans ces 426 pages de roman.
L'écriture est certes fluide, limpide, claire, très descriptive de ce paysage minier de Lorraine, on s'y voit. On a l'impression de reconnaitre des personnes croisées dans nos vies, mais les protagonistes ne sont pas attachants, pas intéressants. On se lasse de leur histoire de beuverie, de vols, de baise. On n'en peut plus de les voir boire leur bière, fumer leur cigarette : fils, tante, cousin, parents, jeunes filles de la bonne bourgeoisie... On attend qu'il se passe quelque chose de grandiose car la tension est là. Mais non, tous les 2 ans, on les retrouve en été mais on a l'impression qu'ils n'ont pas changé.
Leurs enfants après eux feront la même chose : plus de 400 pages pour nous raconter cela, peut être que ça ne méritait pas autant. Dommage.
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