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À quoi servent l'Histoire et son enseignement ? À ne pas recommencer les mêmes erreurs, dira-t-on par principe. Tirant profit des expériences réalisées à leurs dépens par nos devanciers, nous pouvons éviter de retomber dans les ornières où ils se sont enlisés.
Ainsi la réforme de 2008 cherchait-elle à rehausser le rôle du Parlement. On sait son abaissement des 50 dernières années. On juge nécessaire de rendre sa dignité et son rôle à la représentation nationale. Et on n'y parvient pas. Le public ne s'y trompe guère.
Chère à Auguste Comte, la volonté affichée de prendre en compte les leçons du passé, se donne le nom savant d'empirisme organisateur. L'école maurrassienne en fit son étendard. Mais, pour fonctionner vraiment, les recettes induites d'une telle inspiration devraient s'articuler à leur tour sur un certain nombre d'autres règles. Et parmi celles-ci l'indépendance d'esprit et de pratique des historiens se révèle indispensable pour couvrir de son aile émancipatrice un ensemble de vertus scientifiques connexes.
On prend donc plaisir, aujourd'hui encore, à relire Beau de Loménie, voire à le découvrir. Au gré de ses livres, on fréquente l'un des esprits les plus libres, et l'un des critiques les plus courageux, fécond lui-même, impitoyable et, la plupart du temps, pertinent.
On parcourt ainsi avec lui avec lui les pistes souvent amères des deux derniers siècles de la France. Oh certes cet auteur ne méconnaissait pas le bilan, globalement négatif, de la Révolution de 1789. Mais, contrairement à tant d'autres, il ne s'en tenait pas là : sa critique porte plutôt sur les gens et les choses qui ont succédé à la Terreur jacobine. Car elles ont persisté à tracer leur courbe, implacablement descendante pour ce pays diminué, de génération en génération, non seulement du poids de leurs accaparements économiques, mais aussi sous l'influence des mensonges de leurs alliés idéologiques.
À larges traits, définissons sa thèse central. Elle sert de canevas à son immense fresque des "Responsabilités des dynasties bourgeoises". Rédigée et publiée de manière échelonnée, depuis les années 1940 jusqu'aux années 1970, cette Histoire non-conformiste ne s'enferme heureusement pas dans une thèse unique. On la sent frémir sourdement tributaire des passions de chaque période de son écriture.
Mais l'éclairage initial, - et disons-le : génial, - mérite un rappel. Les détournements frauduleux des acquéreurs de biens nationaux et autres profiteurs des guerres et bouleversements de la révolution et de l'empire ont prospéré, impunis, sous ces régimes successifs du XIXe siècle, que le pays a subis, plus qu'il ne les a véritablement suscités. Ces énormes fortunes se sont révélées stérilisantes, plus coûteuses encore que les privilèges les plus frivoles associés à l'Ancien régime.
Or, leur survie, puis leur capitalisation a supposé des habiletés, en fait des compromissions permanentes de la bourgeoise, autoproclamée progressiste, avec ce qui s'est appelé successivement le centre gauche, l'alliance démocratique, appoint négocié des radicaux-socialistes d'autrefois, et qu'on nomme aujourd'hui la gauche caviar.
Dans "les Pollueurs de l'Histoire" on trouve dès lors un aspect significatif de ce système : le rôle qu'y joue le parti intellectuel. Il sert aussi bien d'éteignoir de la pensée que d'auxiliaire politique de cette dictature inavouée.
Ayant lui-même subi les persécutions mesquines des fabricants de mensonges, des cuistres de Sorbonne et des faux chercheurs du CNRS, Beau de Loménie leur rend coup pour coup, avec élégance.
Habile parmi les habiles, tenant du titre devrait-on dire, le maître actuel de l'exécutif semble tenté aujourd'hui de recommencer, hélas, les erreurs classiques du bonapartisme. Or, on veut trop souvent oublier que les deux régimes plébiscitaires issus de cette filiation ont conduit à Waterloo en 1815 et à Sedan en 1870. Ceci devrait les condamner sans appel dans la mémoire nationale. Or toute la tradition ultérieure qu'on qualifie de "gaullienne", reprend ce nuisible fond de commerce, hérité du boulangisme.
On déplore de la sentir toujours vivace, quoi qu'on ait pu espérer de la "rupture" promise en 2006.
Les leçons de l'histoire s'imposent donc, quoi qu'il advienne, dans leur nécessité.
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