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II est minuit. Dans la double obscurité de l'heure et de la pierre de lave dont La Ville est construite, deux fenêtres restent allumées, deux consciences veillent, deux gentlemen aiguisent leur couteau, se demandent s'il n'y a pas encore un coup à jouer avant de se débrancher pour la nuit. Les hommes de pouvoir ne dorment jamais que d'un oeil.
PRÉFACE.
Certains se souviennent, avec plaisir, de la pièce Le Souper, créée en 1989 et adaptée au cinéma par Molinaro. À partir d'une rencontre historique secrète entre Talleyrand et Fouché - après la seconde abdication de Napoléon, en 1815 - l'auteur, Jean-Claude Brisville, imaginait un dialogue succulent entre ces deux monstres sacrés de la politique, penchés sur le devenir de la France. Mutatis mutandis, Allen François Lederlin s'adonne à un semblable exercice de style.Talleyrand et Fouché sont remplacés par François Michelin, PDG de la multinationale clermontoise, et Roger Quilliot, maire socialiste, à la tête de la municipalité de la capitale auvergnate. Leur souci commun et constant est l'avenir de leur cité, longtemps surnommée 'Bibendumville' et soumise à une impérieuse mutation.Les échanges ne fusent pas au cours d'un repas mais lors d'une conversation nocturne et téléphonique, présentée comme une partie de bataille navale. Le ton, agréablement familier, est d'autant plus drôle que 'Roger'et 'François' n'avaient pas, dans la vraie vie, gardé les cochons ensemble. Leurs origines, leurs parcours et leurs idéologies les séparaient objectivement. Le Destin, friand de promiscuités insolites, a pourtant réunis, à Clermont, ces deux fortes personnalités, respectées dans leurs domaines, semblables par une droiture reconnue, par un dégoût du luxe et, malgré les divergences politiques, par un souci du bien-être de leurs administrés.L'auteur du dialogue fictif qui suit a vécu à Clermont pendant huit ans : tous les faits et toutes les allusions que, grâce à lui, distillent nos deux interlocuteurs sont véridiques. Pour avoir vécu cette époque, je témoigne de la valeur historique de ce texte qui, sous des allures fantaisistes, se révèle juste et juteux. Pour être plaisamment décalé, l'auteur est, en fait, assez calé sur la vie clermontoise de la fin des années 90 et suivantes, sur l'évolution contrastée de l'urbanisme (la rue du Port anémiée, le quartier de Jaude vivifié, l'emplacement de l'usine d'Estaing promis à la construction d'un hôpital...). Il évoque des ombres préoccupantes mais aussi des lumières (du point de vue culturel, pour prendre un exemple parmi d'autres, l'Opéra Municipal accueillant La Dispute de Patrice Chéreau a laissé un souvenir coruscant).Le lecteur devrait apprécier le sens des formules de l'auteur ('La bave du crapaud n'atteint pas la noire Kléber-Colombe' fait-il dire à 'François'), sa façon naturelle de convoquer des écrivains anciens et modernes et son art d'accommoder à sa sauce piquante certaines citations témoignent d'une culture vivante qui agrémente le témoignage vérid
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