"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ils ont la fuite chevillée au corps, le sens de l'esquive comme un instinct de survie. Il leur arrive de délaisser leur famille, sac au dos et clope au bec. Jacob a fini par prendre une échappatoire, qui ne mène nulle part. David, son fils, en trouvera une plus radicale, au fond d'une bouteille d'insecticide. Reste Joseph, le petit-fils, qui grandit sans père et avec un oncle qui pratique la marche à pied et l'art de la tangente.
Mais quelles que soient les trajectoires que l'on prend, les routes finissent toujours par se croiser.
Dans la famille Hintel, ne pas confondre avec la famille Untel ou Intel, les mâles sont volatiles pusillanime, rien de supers héros.
Jacob, le grand-père s’est carapaté laissant femme et enfant se débrouiller seuls. La moquette dans le salon, le pavillon identique à celui du voisin, ce n’est vraiment pas pour lui. Pourtant, homme sans passion, il n’a rien construit ailleurs. Je peux comprendre Jacob ! « Les jeunes époux quittent le pavillon des parents pour un pavillon identique. Même moquette à longs poils bouclés, mêmes doubles-rideaux en velours ». Il y a vraiment de quoi fuir. D’ailleurs, ces fameuses moquettes, je m’en souviens. Je trouvais ça tellement moche, ringard, cucul la praline !
David, le père, semblait heureux avec Esther et son magasin d’informatique, jusqu’a ce qu’un cahier oublié lui fasse rencontrer Jeanne. Le destin a voulu que la belle décède dans un accident de voiture. David avale un insecticide et rejoint la nouvelle élue de son cœur dans les limbes.
Simon, lui, se réfugie dans le sport, la marche rapide à un niveau national et c’est le vide sidéral depuis qu’il a dû arrêter. « On ne biffe pas si facilement vingt saisons de ravitaillements en eau ou en gels…. Vingt saisons d’interclubs et d’étirements, de coups de feu ou de panneaux jaunes ». Même la sémillante Marie n’y arrive pas.
Le petit dernier Joseph, geek, hacker actif et doué semble être le seul à avoir une passion, à être vivant, même s’il passe tout son temps enfermé dans sa chambre avec son ordinateur. Son travail, son plaisir ? Saboter les sites d’extrême-droite
Récit de quatre vies très communes, ordinaires, presque ennuyeuses. C’est tout l’art d’Arnaud Dudek d’en faire un livre qui n’est ni pleurnichard, ni plombant, de nous rendre attachant ces quatre hommes. L’humour, la malice, voire la légèreté et l’amour de ses personnages, la fluidité dans l’écriture, un vocabulaire choisi, des mots qui n’ont rien de fuyants en font une lecture parfaite. Une fois de plus, Arnaud Dudek a fait mouche avec la lectrice que je suis.
Que "Les Fuyants" commence par un générique où lesdits fuyants sont listés par ordre d'apparition ne manque pas de sel ! On peut dire que le ton est donné d'emblée et place la fiction sous le signe de l'ironie tendre, de cette sorte d'humour qui a l'élégance de faire sourire juste là où l'on pourrait s'attrister. Car finalement Jacob, le grand-père qui a laissé sa famille pour courir l'aventure a de quoi se désoler : en fait de larges horizons et d'odyssées extraordinaires, le voilà factotum dans un collège de province jusqu'à sa retraite qui commence justement demain. David, le père, a lui choisi la seule fuite dont on ne revient pas : un flacon d'insecticide et le voilà parti pour les verts pâturages de pissenlits à déguster par la racine. Joseph, le fils de David, s'échappe dans les manipulations informatiques, belle excuse pour le mutisme que lui reproche sa mère. Quant à Simon, l'oncle, il fuit Marie et le mariage qu'elle lui propose, il fuit le temps qui passe et les responsabilités qui pourraient ralentir sa course vers...? Mais lorsque Joseph découvre que son père a vécu une histoire d'amour tragiquement terminée, il fait le premier pas vers tous les retours possibles.
Ils ne sont pas fuyards ces hommes aux prénoms bibliques, ni lâches, ni déserteurs. Mais fuyants comme du sable, comme de l'eau, comme tout ce qui est par nature insaisissable. L'alternance de leurs histoires, en brefs chapitres, l'écriture vive, concise, donnent au roman le rythme d'une course contre la montre, d'une fuite en avant, en quelque sorte. Arnaud Dudek tisse avec le lecteur une connivence espiègle qui laisse filtrer le voile d'une subtile mélancolie : celle du bonheur qu'on frôle sans pouvoir s'en satisfaire, celle de la vie qui passe malgré toutes les échappées plus ou moins belles que l'on tente, celle de ses personnages un peu agaçants, un peu puérils, toujours en quête d'autre chose, mais tellement émouvants et attachants qu'on ne peut que les considérer avec une tendre indulgence.
J'ai lu ce roman très vite, curieuse de savoir où toutes ces lignes de fuite conduisaient Jacob, Simon et Joseph et de quelle manière se renoueraient les fils de leur filiation. Mais, une fois le dénouement (ou le renouement ?) connu, j'ai continué à y penser, à m'interroger sur tout ce qu'il exprimait des hommes, des gens, de ceux qui fuient comme de ceux qui restent. Et je me suis dit que ces Fuyants-là m'entraînaient bien plus loin que leur seule histoire.
Difficile de dire ce que je pense de ce roman.
Trois générations d’hommes qui fuient, qui disparaissent, et puis Joseph, le dernier fils qui tente de remonter le cours des absences.
Et dans tous ces chapitres qui s’imbriquent (et où l’on se perd un peu), s’impose ce drame de la filiation non aboutie, de tous ces pères « fuyants ».
Il y a quelque chose dans cette écriture, c’est indéniable.
Alors je me demande pourquoi je n’ai pas accroché plus que ça.
Trop décousu peut-être, trop morcelé.
Pourtant on sent que l’auteur est fait pour écrire. Il a vraiment une « patte »
Le style est agréable et contemporain, les personnages très crédibles.
Je tenterai certainement son autre titre « Rester sage »
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