"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lorsque Jean Detrez, qui travaille à la Commission européenne, a commencé à s'intéresser de manière professionnelle à l'avenir, il s'est rendu compte qu'il y avait une différence abyssale entre l'avenir public et l'avenir privé. La connaissance, ou l'exploration, de l'avenir public, relève de la prospective, qui constitue une discipline scientifique à part entière, alors que la volonté, ou le fantasme, de connaître son propre avenir relève du spiritisme ou de la voyance. Mais a-t-on toujours envie de savoir ce que nous réservent les prochains jours ou les prochaines semaines, a-t-on toujours envie de savoir ce que nous deviendrons dans un futur plus ou moins éloigné, quand on sait que ce qui peut nous arriver de plus stupéfiant, le matin, quand on se lève, c'est d'apprendre qu'on va mourir dans la journée ou qu'on va vivre une nouvelle aventure amoureuse ou sexuelle dans les heures qui viennent ? Le sexe et la mort, rien ne peut nous émouvoir davantage, quand il s'agit de nous-même.
Le moment est donc venu de dire un mot de la vie privée de Jean Detrez.
"À croire que la prospective ne nous est d'aucun secours dans les affaires de coeur - ou qu'en amour, il n'y a pas de méthode."
En quatrième de couverture, il était indiqué que ce roman s’inscrivait dans un cycle et qu’il en constituait le second opus.
Pas de panique, cependant, cet ouvrage peut se lire indépendamment.
Un ami m’avait parlé de l’ensemble romanesque M.M.M.M. ( Faire l’amour, Fuir, la Vérité sur Marie, Nue) qui , acheté en seconde main, m’attend dans mon armoire à lire ;-)
J’ai rencontré ce volume dans les rayons de la bibliothèque et c’est donc avec lui que je découvre l’univers de Jean-Philippe Toussaint.
D’emblée, j’ai apprécié son style, son écriture. Son roman à trois temps, comme une valse.
Valse des émotions.
Le roman s’ouvre sur une rupture et le ressentiment qui y est lié.
Nous y savourons la joie d’une rencontre, la tristesse de l’au revoir.
L’auteur aborde l’architecture de Bruxelles, l’histoire de son urbanisme, il évoque aussi le Berlaymont, son désamiantage, sa reconstruction et cet aspect a énormément pesé dans mon coup de cœur pour ce roman.
Les aspects politiques sont abordés de manière très réaliste et avec une analyse très fine.
Les émotions par contre sont abordées de manière très discrète, pudique et cela cadre parfaitement avec le personnage du narrateur, toujours affairé, en route et ne disposant que de peu de temps pour l’introspection.
Un mouvement central : le décès du père et la rupture avec sa deuxième épouse. Tristesse, nostalgie, souvenirs.
La crise de l’Eyjafjöll occupe le troisième temps, ce que l’auteur dit de la place de l’aviation par rapport aux politiques ne m’a guère enchantée quant à la manière dont les élites dirigent nos sociétés et aux choix qui les préoccupent.
Il faut parfois un roman pour mesurer combien le monde dans lequel nous vivons peut nous peser.
Enfin le roman se clôt sur une rencontre volcanique et sur l’énumération des six émotions suscitées par Pilar Alcantara.
Appréciation modérée pour le contenu de ce roman… qui, paradoxalement semble contredire son titre par une certaine froideur.
Rappelez-vous dans La clé USB, Jean-Yves Detrez haut fonctionnaire de la Commission européenne rentrait de Chine où il s'était fait embarquer dans une sombre histoire de bitcoins (d'autant plus sombre que j'ai complètement oublié l'intrigue mais c'était vraiment très très bien…) Bref, nous le retrouvons ici dans différents lieux. Tiens, d'ailleurs, si vous cherchez un sujet de thèse (ça arrive tous les jours, hein, de chercher un sujet de thèse ...), en voici un : « Espace public/espace privé dans l'oeuvre de J.P Toussaint ». En effet, ce qui nous est donné à voir dans le deuxième opus de cette future trilogie, ce sont des lieux (publics surtout) où s'inscrit une histoire intime, celle du narrateur.
En effet, outre la Commission européenne (le chantier du Berlaymont) que nous explorons lors d'une visite guidée de l'architecte Pierre Detrez, frère du narrateur, nous découvrons le château d'Hartwell House (belle demeure datant en partie du XIe siècle, située dans le Buckinghamshire au nord-ouest de Londres) pour un séminaire autour de la prospective (eh oui, certains sont payés pour lire dans une boule de cristal afin d'élaborer des scénarios plus ou moins plausibles…), nous déambulons aussi bien entendu dans les rues de Bruxelles, rue de Belle-Vue, avenue Émile Duray, place du Châtelain… (Tiens, finalement, il y aurait bien un petit côté modianesque dans ce roman…) En tout cas, nous est donnée à explorer une véritable géographie toussaintienne (?) tout à fait passionnante...
En effet, ce qui peut sembler paradoxal, c'est que les émotions naissent et s'épanouissent dans un espace public qui, par définition, est organisé, structuré, codifié, et c'est notamment en franchissant légèrement les limites de cet espace public que surviennent lesdites émotions (notamment à travers des rencontres amoureuses) : on court dans les sous-sols labyrinthiques de la Commission européenne, on marche la nuit tombée dans les sous-bois de Hartwell House, on se caresse la main sur un coin de table de la cafétéria de l'Eurocontrole en pleine crise de volcan islandais en furie.
En revanche, l'espace privé est étroitement lié à la mort de l'amour - c'est le lieu où l'on étouffe, où on ne supporte plus la promiscuité des corps - mais aussi à la mort tout court, celle du père, au coeur même du roman. On observe ainsi une espèce d'inversion : le sentiment tire son origine et sa force dans un espace où il n'a pas lieu d'être (l'espace public). Au contraire, il s'affaiblit et finit par s'évanouir totalement dans un espace où il aurait a priori tout pour se fortifier (l'espace privé). On a l'impression que chez Toussaint l'espace public porte en lui des promesses, un avenir possible contrairement à l'espace privé (la chambre, la salle de bains) qui pousse vers la destruction, le néant. En effet, l'appartement du couple subit une inondation… Tout prend l'eau. Et d'ailleurs leur première union intime a lieu dans une baignoire de salle de bains (ce qui n'est pas vraiment bon signe chez Toussaint.) Tout se passe comme si l'espace confiné, retiré du monde, l'espace pascalien s'autodétruisait de lui-même, comme s'il lui manquait une ouverture pour respirer, de la place pour s'épanouir et se développer...
En tout cas, comme le fait remarquer le narrateur, englué dans ses histoires de prospective ou de volcan islandais Eyjafjöll provoquant un blocage de tout l'espace aérien européen qu'il faut choisir de prolonger ou non, « si dans ma vie professionnelle, j'avais une maîtrise incontestable de l'avenir, je me rendais compte que, depuis quelques temps, je ne maîtrisais plus rien dans ma vie privée. »
Il y a donc un espace que l'on maîtrise (celui du travail) et un espace qui nous échappe (celui du coeur). Et Toussaint joue des contrastes entre ces deux espaces, notamment lorsqu'ils se télescopent lors d'une rencontre intime dans le cadre du travail, d'un coup de fil privé au bureau ou bien lorsque l'émotion privée s'empare d'un haut fonctionnaire tandis qu'il fait un discours public.
Si l'on peut (j'ose l'espérer) tirer quelques bénéfices de la prospective publique, elle semble totalement inefficace lorsqu'elle touche le domaine privé (même si la rencontre avec sa femme Diane a commencé sur un « - Comment ? » qui annonçait déjà une communication un peu compliquée...)
Encore une fois, chez Toussaint, l'humain échappe aux codes, aux grilles de contrôle, aux tableaux de prospective. Il est inattendu, surprenant, souvent imprévisible, parfois indéchiffrable, n'obéit ni aux codes ni à la raison encore moins à la logique. Et surtout, il est capable de créer un espace de liberté précisément là où c'est interdit. D'ailleurs les corps semblent parfois agir sans aucun sens du rationnel, de la cohérence ou de la sagesse, ils ne se plient à aucune loi, échappent à tout commandement, à la moindre prévision. Ils sont le vacillement, le mouvement, le pas de côté (n'oublions pas que la racine d'émotion est « movere » qui signifie « mouvoir »).
Hors du temps et hors de l'espace, ils sont un espace à eux tout seuls, retranchement ultime où il est peut-être encore possible d'accéder au bonheur... Une dernière forme de romantisme désespéré (comme chez Houellebecq), espèce de bouée de sauvetage hélas, déjà percée...
Par ailleurs, au coeur même du roman, la mort du père, homme public, européen convaincu, viscéralement humaniste, intervient précisément au moment où les sphères publique, politique, sociale, religieuse s'écroulent, se fracassent : 2016, le referendum du Brexit, l'élection de Trump, la brutale montée des populismes, les attentats. Les émotions publiques grossières, vulgaires et « dangereuses » s'emparent de la raison : on crie, on tweete, on s'insulte, on se frappe, on tue… Elles envahissent l'espace public mais elles ne sont que la caricature des vraies émotions qui « sont intimes et silencieuses », extrêmement ténues, fugaces, si fragiles et si précieuses.
Le père meurt parce qu'il n'a plus sa place dans un monde sans repères.
Juste deux mots encore : Toussaint est bien le seul auteur avec Carrère (on pourrait d'ailleurs les rapprocher sur bien des points) à être capable de me passionner avec des histoires de blockchain, de bitcoin ou de prospective… S'il y a du Carrère dans Toussaint, on y respire aussi Proust parfois au détour d'une phrase sur le temps… C'est vraiment un très grand conteur parce que, quand même, (tenez bon, ce sont les derniers mots), quelle écriture, quelle magnifique et incroyable fluidité …
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Jean Detrez travaille à la Commission européenne à la prospective. Fils de commissaire européen, petit-fils d'architecte, il appartient à ce que l'on peut nommer l'élite. Travailler à la prospective, c'est échafauder des lendemains possibles, absolument pas faire de la divination. Jean Detrez est un professionnel consciencieux et averti, il s'est rendu compte que l'avenir public qu'il envisage est très loin de l'avenir privé. Lorsque le premier est une discipline scientifique, le second relève de la voyance et c'est sur ce dernier qu'il est temps pour lui de s'arrêter un moment.
Je me suis aidé de la quatrième de couverture pour ce rapide et succinct résumé, les livres de Jean-Philippe Toussaint me posent toujours un souci pour dire en quelques courtes lignes ce qu'ils contiennent et tout le bien qu'ils font. Les émotions est le deuxième roman d'un nouveau cycle romanesque entamé avec La clé USB (relu en diagonale dans un aller Nantes-Paris, tandis que Les émotions fut très largement entamé sur le retour). Dans le premier la part belle était faite à la profession de Jean Detrez au détriment de sa vie privée. Cette fois-ci, JP Toussaint laisse davantage de place à la vie personnelle, aux désirs, amours, séparations, questionnements de son héros. Confronté à une séparation douloureuse d'avec sa seconde épouse et au décès de son père, Jean Detrez n'est pas au mieux. La période n'est pas non plus propice à la liesse, puisque nous entrons, selon lui, dans un monde populiste, un monde où chacun doute de tout et des autres et se défie des gouvernants.
La chose qui surprend -qui m'avait déjà surpris dans le roman précédent et également dans le cycle romanesque précédent consacré à Marie-, c'est que tous les personnages de JP Toussaint sont des élites, des gens vivent très bien, voyagent aisément sans se poser de questions, œuvrent aux prises de décisions en haut lieu et, pour Jean Detrez, travaillent à la Commission européenne, ce qui fait quand même un peu double peine pour intéresser un lectorat assez large. Et c'est une gageure que l'auteur dépasse aisément. Si l'on peut se sentir éloigné de son personnage principal, on peut aussi ressentir les mêmes doutes et questionnements.
La grâce de l'écriture, l'élégance, même dans les situations les plus triviales parviennent à nous passionner pour les vies des plus favorisés et également pour le travail de la Commission européenne, qui est souvent représentée comme le repaire des eurocrates et bureaucrates les plus purs, ceux très éloignés de nos vies quotidiennes. JP Toussaint montre le contraire et l'on pourrait se fendre d'une envie d'en connaître davantage sur cette Commission et sur l'Europe en général. Un autre écrivain écrirait sur les mêmes thèmes avec les mêmes personnages, que je n'ouvrirais sans doute pas son livre, mais JP Toussaint c'est pas pareil...
«Il y a, dans la vie, des instants décisifs, certaines journées ou certaines heures qu’on ne pourra jamais oublier. Stefan Zweig, dans son livre Sternstunden der Menschheit, parle de certains alignements d’étoiles qui font qu’à des instants précis de l’histoire s’accomplissent des moments d’une grande concentration dramatique qui sont porteurs de destin, où il arrive qu’une décision capitale se condense « en un seul jour, une seule heure et souvent une seule minute.» Jean-Philippe Toussaint nous offre quelques superbes variations de ces moments qui changent la vie dans ce superbe roman.
Ceux qui ont lu «La clé USB» seront très vite ici en terrain connu, car même si ce roman peut très bien se lire sans avoir connaissance de l’œuvre ou du précédent roman de l’auteur, il pourrait fort bien composer un dyptique, puisque l’on reprend l’action au moment où Jean Detrez, le personnage principal, de retour du Japon apprend que son père est décédé, mettant en quelque sorte un point d’orgue a une année qui aura vu sa femme le quitter (juin 2016), le Brexit être voté (23 juin 2016), et Donald Trump accéder à la présidence des États-Unis Trump (8 novembre 2016).
Nous voici donc en décembre, au moment des obsèques de son père, événement chargé d’émotion, mais aussi propice à l’introspection. Les souvenirs affluent, ceux qui ont marqué la vie de son père, fonctionnaire européen comme lui, mais aussi tous ces moments qui ont provoqué chez lui ces émotions qui donnent le titre du roman et dont l’intensité va déterminer le souvenir bien davantage que la chronologie. Les femmes, ou plus précisément les émois amoureux formant alors la matière première d’un récit qui, bien que très factuel, fait précisément partager au lecteur les battements de cœur et l’exaltation de ces moments où la vie s’illumine, où on sent que quelque chose se passe…
Comme lors de ce colloque international de prospective qui tente de tracer l’avenir de l’Europe sans le Royaume-Uni et qui se tient précisément à Hartwell House, dans le sud de l’Angleterre. Alors que les intervenants s’écharpent sur la pertinence de leur méthode de prospective stratégique en quatre phases – scoping, ordering, implications, integrating futures – l’attention de Jean va être détournée par Enid Eelmäe. Pour faire connaissance, les participants ont été invités à un exercice, baptisé Tell the story of your names. C’est ainsi qu’après avoir expliqué que les Detrez étaient originaires du Nord de la France et que le grand-père paternel avait disparu durant la Première Guerre mondiale, il apprit que Eelmäe voulait dire
«première montagne» ou «avant-montagne» en estonien, mais aussi que ce patronyme, avant l’estonisation des noms, était Eiffel, comme le constructeur de la Tour Eiffel. Ajoutons que la seule personne appelée Enid de leur connaissance les renvoyait tous deux à leur enfance et à la lecture du Club des cinq et du Clan des sept d’Enid Blyton. Il n’en fallait guère davantage pour tomber sous le charme de belle venue de Baltique. Au fil des heures, ils vont devenir très complices. Jusqu’à ce tête-à-tête dans la bibliothèque: «J’avais envie de déposer ma main sur son bras, mais je n’osais entreprendre le moindre geste. Il y a toujours un moment, dans les relations amoureuses, où, même si on sait que nos corps vont finir par se rapprocher, qu’une étreinte va survenir, qu’un baiser ne va pas tarder à être échangé, on demeure dans l’attente, et rien ne se passe si on ne prend pas la décision d’agir. Même si on sait l’un et l’autre que quelque chose de tendre est susceptible de survenir à tout instant, il y a un dernier cap à franchir, qui peut sembler minuscule, et dont on peut même se rendre compte, a posteriori, en se retournant pour revoir la scène dans son souvenir, que ce n’était en réalité qu’un tout petit gué tellement aisé à traverser, mais qui, tant qu’il n’est pas franchi, tant qu’on ne l’a pas passé, demeure un obstacle insurmontable.»
Bien entendu, ce sont les détails de ces moments qui donnent toute sa saveur à ce roman, comme si Jean-Philippe Toussaint à la manière d’un cinéaste, décidait de passer d’un plan général à un gros-plan, de se focaliser sur ces moments de grâce.
On passe ainsi des couloirs du Palais de Berlaymont, bâtiment emblématique de l’Union européenne où se retrouve tous les thèmes du livre, l’Europe aujourd’hui à la croisée des chemins, mais aussi le fils et son père, tous deux fonctionnaires européens, mais aussi l’architecture puisque la rénovation du bâtiment est confiée à son frère qui a suivi les pas de son arrière-grand-père, Pierre De Groef, qui a construit beaucoup d’immeubles à Bruxelles au début du XXe siècle. Et, comment pourrait-il en être autrement, les femmes. D’abord Diane, sa seconde épouse dont il se sépare, mais dont il nous raconte avec tendresse et sans doute nostalgie la rencontre dans ce temple de la technocratie. Puis sa course effrénée avec Pilar Alcantara lors de l’éruption du volcan Eyjafjöll en 2010. L’occasion aussi de nous faire découvrir un mystérieux souterrain.
Remontant dans le temps, nous irons aussi en Toscane au moment où Jean rencontre Elisabetta, sa première épouse. Contrairement à Diane, elle sera présente aux obsèques avec son fils Alessandro. Encore une occasion de constater combien restent vivaces les émotions. Et d’exprimer des regrets que l’on peut aussi prendre comme un conseil d’ami: «J’aurais peut-être dû faire davantage d’efforts pour essayer de sauver notre amour et prendre le risque d’entamer avec Elisabetta une longue relation suivie, la relation d’une vie, un amour au long cours, quitte à ce qu’il y eût des hauts et des bas, des orages et des disputes (et, sur ce point, je pouvais faire confiance à Elisabetta), mais j’aurais pu ou j’aurais dû avoir cette ambition pour nous, plutôt que, au premier accroc, à la première infidélité, céder à la facilité de nous séparer, abdiquer sans combattre.»
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