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Chesterton (1874-1936) sort de Dickens et de Stevenson. Il a abjuré leur protestantisme de naissance et leur luciféranisme, car il avait la cervelle théologique, et il est revenu à tire-d'aile vers l'Angleterre médiévale et catholique de Chaucer et de Falstaff. Comme Stevenson, on a parfois l'impression qu'il écrit de préférence virginibus puersique. Ses histoires sont au fond des romans de chevalerie et d'aventure. Il nous les donne comme des remèdes contre la modernité, cette culture de mort, son ennemie jurée. Les Contes de l'Arbalète, au nombre de huit, sont autant de travaux herculéens s'imbriquant les uns dans les autres. Ils ont pour héros des personnages qui se sont
donné pour tâche de relever un défi : accomplir une chose réputée impossible. Le proverbe est le point de départ de l'histoire, et le narrateur nous tient en haleine comme Shéhérazade tenait le sultan en suspens. C'est ainsi qu'au Moyen Âge, une dame n'accordait sa main qu'au chevalier qui avait réussi à triompher d'un certain nombre d'épreuves. Ces personnages forment à leur insu une autre table ronde, une société secrète de conspirateurs contre les puissances établies de la Banque et de la City. Ils sont tels les dieux d'Homère auréolés d'une protection spécifique qui tient à la fois du cérémonial et de la magie. Insensibles aux fatigues de tant d'aventures où les jette inlassablement leur créateur, ils semblent infiniment dispos pour de nouveaux jeux. La fantaisie la plus échevelée y est bridée par une armature théologique thomiste des plus orthodoxes. C'est ainsi qu'enchaîné, l'oiseau peut voler.
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