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Membre fondateur d'un réseau bancaire d'où dérive le groupe BNP Paribas, Meyer Joseph Cahen (1804-1881) adopta le « d'Anvers » au moment de son établissement à Paris, en 1849. Né à Bonn, d'une famille ashkénaze, il fit fortune dans la ville belge à laquelle il lia son nom et il poursuivit son chemin dans l'Hexagone. Naturalisé français, il fut anobli par le roi d'Italie Victor-Emmanuel II en 1866. Grâce au soutien économique offert à l'Unification italienne, ce banquier qui était déjà le propriétaire du château de Nainville (Essonne) et du Petit Hôtel de Villars (Paris), put se prévaloir d'un titre comtal.
Dix-neuf ans plus tard, le roi Humbert Ier dépassa son prédécesseur et éleva le fils aîné de Meyer Joseph, Édouard (1832-1894), au rang de marquis de Torre Alfina. Si ses frères et soeur - Emma (1833-1901), Louis (1837-1922), Raphaël (1841-1900) et Albert (1846-1903) - lièrent leurs parcours à la capitale française, l'aîné vécut entre Florence, Naples et Rome : il fut l'un des grands responsables de l'aménagement urbain de la capitale italienne, après la chute de la papauté.
En France, tout comme en Italie, l'art, et notamment l'architecture, servirent à légitimer la noblesse récente d'une famille qui souhaitait exprimer la plénitude de ses droits civils. Cibles de la presse antisémite, les Cahen d'Anvers vécurent les conséquences de l'Affaire Dreyfus et les horreurs des lois raciales. Avant ces dernières, ils adoptèrent ce que l'on pourrait définir comme un « modèle d'intégration par le haut ». C'est sur ses mécanismes et sur son développement que cette thèse se concentre. Après avoir retracé les origines du patriarche, elle analyse les politiques matrimoniales de la famille et se poursuit par une exploration des « choix » opérés par les Cahen d'Anvers dans le vaste domaine de la culture. Dans leurs salons, les lecteurs croiseront les pas de Guy de Maupassant, de Paul Bourget, de Marcel Proust et de Gabriele D'Annunzio, ou encore d'Auguste Renoir et de Léon Bonnat. Manifestations de la puissance économique acquise, les douze demeures dont nous présentons une étude se firent porteuses d'un éclectisme historiciste qui visait à représenter les propriétaires comme une nouvelle phalange de l'ancienne noblesse. Si le manoir de Forge-Philippe (Wallonie), le chalet de Gérardmer (Vosges) et la Villa della Selva (Ombrie) exprimèrent une certaine ouverture aux nouveautés du XXe siècle, les espaces dont les Cahen d'Anvers furent locataires (Hôtel du Plessis-Bellière, Paris ; Palazzo Núnez-Torlonia, Rome ; château de la Jonchère, Yvelines) et les deux propriétés de Meyer Joseph, ou encore l'hôtel particulier de la rue de Bassano (Paris) et les châteaux de Champs (Seine-et-Marne), des Bergeries (Essonne) et de Torre Alfina (Latium) vêtirent de motifs d'Ancien Régime des espaces propres aux XIXe siècle. Forts de leur connaissance du passé, les architectes Destailleur, Giuseppe Partini et Eugène Ricard, ou encore les paysagistes Henri et Achille Duchêne surent plier la « grammaire » du Moyen Âge, de la Renaissance et du XVIIIe siècle au goût et aux ambitions de leurs commanditaires.
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