Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
À la fin du XIe siècle, dans les Flandres maritimes, Isentraud tient d'une main de fer le château de Gisphild et ses sujets. Poussé par cette dernière, son fils Arbogast ne voue plus, en raison de ses origines étrangères, que haine à sa jeune épouse Goda et la condamne à l'isolement. Insidieusement, le mal des Ardents, que rien ne semble pouvoir ralentir, envahit la région. D'une légende médiévale, Nadine Ribault fait un rêve enfiévré où la description de chaque sensation, chaque lieu, chaque sentiment invite à retrouver son écriture ciselée. Le lecteur plonge dans l'ardeur de l'histoire amoureuse qui, mêlée à celle des guerres, sur fond de siècle lointain, a tout à voir avec notre époque.
Que j'aime lorsque la littérature revêt les atours de légende médiévale !
Surtout lorsque le talent de l'auteur en convoque tous les codes et figures attendus dans une partition moderne et personnelle. Nadine Ribault s'est inspirée d'une légende belge catholique du XIème siècle née d'un drame païen.
Et il est bien là, ce Moyen-Âge , sous toutes ses facettes, tour à tour poétique, grotesque, sanguinaire, empreint de magie et merveilleux, empli de sorcellerie et superstitions, peuplé de personnages extraordinaires haut en couleurs : Isentraud, la cruelle châtelaine qui fait régner la terreur sur sa seigneurie de Gisphild en Flandres maritimes ; Arbogast, son fils, veule et violent, sous la coupe de sa terrible mère qui le pousse à répudier et reclure sa toute jeune épouse ; Goda, l'épouse pure rejetée, dont le martyre confine à la sainteté ; le chevalier Bruny, loyal et fidèle à son maitre et ami Arbogast, mais bousculée dans ses certitudes par une passion qui décille ses yeux ; Abrielle, l'amoureuse de Bruny, femme libre et puissante, magicienne, sorcière, fée des bois, on ne sait plus mais elle éclaire tout le récit et on sent très vite que c'est elle qui accélérera les événements à venir ; son mentor, Baudime, l'ermite malade qui fait office de sage.
Comme une malédiction, le mal des Ardents s'abat sur Gisphild, suivi d'un autre fléau, la guerre. le mal des Ardents ou ergotisme, appelé aussi feu de saint Antoine, se développe : la gangrène des extrémités démembre les malades qui sont dévorés de la sensation d'intenses brûlures. Cela donne lieu à des descriptions tout à fait saisissantes, comme lors de ce charivari au cours duquel les Ardents sont comme pris de folie, de frénésie, crient, s'accouplent comme ils peuvent avec leur infirmité, souffrent et meurent.
L'énorme point fort de ce roman, au-delà de tout cet imaginaire médiéval convoqué, c'est la langue, absolument magnifique, qui interpelle dès les premières lignes et demande un effort pour s'adapter à son phrasé et son rythme, avec au bout un bonheur de lecteur intense : une prose très travaillée, aux phrases amples, longues, mélodieuses, utilisant un vocabulaire soutenu, souvent très lyrique, souvent éminemment poétiques. Chaque ligne éveille la sensorialité du lecteur et l'immerge puissamment, laissant à voir, sentir, entendre, goûter, toucher ce récit incarné par des personnages tous forts et une nature magnifiée, métaphore des tourments et vices humains :
« Un vent lugubre hurlait et de longues cordelles de brouillard couchaient, nuit et jour, dans les fossés, au pied du château. Cet hiver prenait les allures d'une fin et transperçait les êtres de sa violence tandis que la mer, à ce point grondante, luttant du pied de ses vagues contre le gel qui la voulait prendre, donnait l'impression que, sous peu, elle bondirait par-dessus les dunes et viendrait se blottir dans la lande, croyant ainsi échapper au froid. »
La réflexion est également stimulée, notamment par la police d'écriture qui met en lumière certains mots en les mettant en italiques, attirant ainsi l'attention sur ce qu'il représente : dérives du pouvoir, résistance, passage à l'acte quasi révolutionnaire, peur de l'autre, Amour avec une majuscule, autant de thèmes forts qui surgissent derrière le tableau médiéval.
La construction avance par tableaux, un peu comme dans Gaspard de la Nuit de Aloysius Bertrand, des ellipses, des parenthèses et puis le retour aux événements, jusqu'à un dénouement très beau qui laisse une nouvelle fois l'imagination s'envoler.
Un très beau texte, porté par une prose incandescente.
PS : très belle couverture, un photomontage réalisé l'auteure, avec le château "cathare" de Peyrepertuse, de mon Aude natale !
Etrange, beau, dans cet entre monde puissamment légendaire, ce récit fantastique est atypique. Nous sommes en plongée dans un Xième siècle où les êtres sont courbés tel le roseau sous le vent dans une ambiance de conte toute de dualité. Les croyances, les diktats sont un copier-coller d’un XXIème siècle empreint d’un racisme latent pour l’étranger (ère). L’incipit : « L’hiver avait détérioré le château de Gisphild. » dévoile le devenir d’une trame aérienne, solaire et donnante. L’écriture est un honneur car souveraine. On ressent d’emblée par le brillant du style la teneur ésotérique d’un conte à plusieurs lectures. L’ambiance est sombre, voire ténébreuse, le lecteur apprécie ce temps de replis dans une histoire dont l’atmosphère est dévoilée à l’extrême. On est dans le centre du sujet, en écoute des mots de l’auteure, dans la langueur des pages qui se tournent en délectation. Ici tout est magie, mystères, drames. Captivante et surprenante mêlant les frissons, les craintes, les espoirs, les surprises, les rebondissements. Le summum est là. Les Flandres deviennent la chevelure de Goda répudiée par son mari Arbogast, étrangère, indésirable aux Flandres, à l’espace des Ardents, isolée, en proie aux loups métaphoriques dont les mâchoires sont de haine et de fiel. On déteste Isendraud femme altière, dévoreuse de beauté, cruelle et mesquine, belle-mère de la belle Goda. Goda la lumineuse, la pure l’emblématique, celle par qui l’entrelac de la sérénité s’épanche et s’agrandit dans cette osmose de pureté et de paix. Goda et sa voix perlée de bonté et de magnanimité. « Que ma maison vous soit un asile. » On aime les prévenants, les veilleurs, ceux qui savent, tel sire Bruny. L’ampleur magnifiée d’une histoire qui semble née depuis des millénaires. Dans cet espace d’une littérature aboutie, Goda la métaphorique remporte la palme. Les Ardents vont se venger. Ces maîtres vont détruire cette région des Flandres, le maléfique parabolique va advenir. Cette légende est une habile mise en garde. « Apprendre à toujours se méfier » comme le disait Prosper Mérimée. On ne peut refermer « Les Ardents » sans quitter des yeux Goda. Nadine Ribault est une conteuse, une éveillée, une donnante. « Les Ardents » est à lire au coin du feu, à l’orée d’une forêt, dans le sombre d’une nuit tempétueuse. C’est un grand livre, une épopée imaginaire mais pas que. Subtil, intuitif, « Les Ardents » est ce que le jour doit à la nuit. Publié par Les majeures Editions « Le Mot et le Reste » .
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