"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Aux aguets perpétuels, je suis tout ce que je vois et pas seulement les autres lorsque l'oreille plaquée au tronc d'un arbre par grand vent, j'entends ses craquements, des gémissements, des douleurs, preuve qu'il souffre comme n'importe qui. » Dans l'immense demeure pleine d'enfants et de domestiques, la mère jette l'argent par les fenêtres et le père ferme les yeux. Elle est fantasque, il est insomniaque. Rien n'échappe au narrateur, le benjamin de leurs fils, qui allie des capacités d'observation exceptionnelles à une imagination puissante.
Armé de ces talents, il passe tout au crible de ses visions : scènes de la vie familiale, moments d'amitié, admirations cinématographiques, souvenirs d'une scolarité houleuse, rêves d'aventure et tendances anarchistes. Les tableaux vivants qui en résultent nous plongent tour à tour dans l'intime et le sauvage, dans l'histoire et les désordres de l'humanité, et contribuent à construire un roman d'apprentissage foisonnant.
Les lecteurs de Gérard Lefort retrouveront avec bonheur son style si personnel, très littéraire, son humour et sa profondeur. Et son extraordinaire sens de l'image: tout est plus intense, comme au cinéma.
L’auteur, journaliste puis rédacteur en chef au quotidien Libération, raconte à la première personne les souvenirs d'enfance d’un jeune garçon. Cette autofiction se présente sous forme de courts chapitres qui se lisent comme des nouvelles.
Le narrateur est un enfant solitaire, en marge de cette famille bourgeoise qui vit en province dans une vaste demeure. Le personnel y est nombreux, au service de « La maman » mère fantasque et entichée de mondanités. Elle ne s'embarrasse pas de sentiments maternels et confie son fils malade aux soins de la bonne afin de se consacrer à sa "garden party".
Le narrateur est cet enfant affabulateur qui se réinvente un monde parce que celui où il vit ne lui plaît pas. Il dissimule sa vraie personnalité pour mieux se faire oublier dans un monde hypocrite et méchant.
« ...je passe beaucoup de temps à dissimuler mon cas, à faire semblant d’être un bon garçon comme un autre, souriant et gracieux, qui ne pense qu’à ses études et le soir, à faire ses devoirs. C’est indispensable, c’est crucial. S’ils savaient, les pauvres ! »
J'ai suivi les divagations échevelées d'un garçon imaginatif qui se réinvente un monde bien différent de celui où il vit. Observateur narquois, il se joue de cette famille qu'il aurait sans doute souhaitée plus aimante et plus conforme à celles de ses copains. Il épingle les travers de ses parents qu’il nomme « Le papa » et « la maman » ainsi que ses deux frères, jamais nommés, et la petite sœur Coco « au prénom à la noix »
Son humour caustique lui permet de supporter les difficultés.
Il y a aussi quelques passages poétiques quand il est question de bord de mer, de tempêtes et de nature sauvage.
Ces souvenirs d'enfance sous forme de courts chapitres se lisent avec facilité. Chaque chapitre « le polio », « les amygdales » ou « le camarade » raconte une histoire différente. Le lecteur rentre facilement dans l'ambiance de cette famille bourgeoise et dans l’univers, réel ou rêvé, du jeune garçon.
L’auteur a un vrai talent d’écrivain. Il décrit avec délectation les personnages et des paysages naturels, réels ou rêvés.
L’intérêt de ce roman est aussi son aspect sociologique, car l’auteur brosse le portrait d'une famille bourgeoise dans les années 50-60, ainsi que l’école secondaire et l’internat.
Malgré ses qualités d’écriture indéniables et le plaisir de la lecture, ce roman ne m’a pas fait grande impression.
Le jeune héros, jamais nommé, vit en province dans une grande maison ostentatoire avec ses parents, bourgeois en parfaite adéquation avec leur demeure. Bien sûr, il n'est pas fils unique (enfin quoââ), deux frères plus âgés et une jeune soeur, Corinne, la seule nommée même si le prénom est à la noix. (ça c'est le narrateur qui le dit...), complètent cette fratrie pas mal dépareillée. Vont se succéder des chapitres qui pourraient être presque des nouvelles, relatant différentes anecdotes de cette enfance qui a la politesse de ne pas jouer sur la corde sensible et gnangnan du moment le plus merveilleux de la vie ( vous savez ces clichés bien pensants auquel on peuvent s'ajouter celui du mariage et de la naissance du gosse).
La facilité du livre aurait été de rester sur la description de ce milieu bourgeois de province. La mère, personnage grandiose, ridicule et haut en couleur, figure hautement comique et croquée avec une acidité réjouissante pouvait nous réjouir sur 200 pages sans problème. Pas maternelle pour deux sous, on a des enfants parce que ça fait bien dans le cadre et pour le voisinage, sa préoccupation première sont ses mondanités. La progéniture doit bien se tenir et surtout se faire oublier. Ca tombe bien pour le jeune narrateur c'est dans ces interstices ainsi libérés par cette envie de vivre selon un rang, qu'il va appréhender la vie, ses dangers, ses expériences, ses joies. Ainsi le roman va prendre des chemins plus ambitieux, mêlant souvenirs croquignolets et peinture de ces instants d'ennuis où l'on s'invente des mondes et des histoires dans la tête. Tel un petit rebelle silencieux, l'enfant non nommé va se glisser hors de la sphère familiale, assez toxique faut bien le dire, pour découvrir un monde pas plus rassurant. Prêtre exhibitionniste, camarades de classes tortionnaires dans le pire des cas, moqueurs dans le meilleur. Il découvrira que la différence qu'il pressent est et sera dure à vivre. Il découvrira le mensonge mais aussi quelques amitiés, souvent des égarés des normes en cours comme lui. Et indispensables bulles de survie il va, comme tous les enfants, jouer, jouer à inventer des mondes et des histoires. Il sera tour à tour passager héroïque de premier classe sur le Titanic ou un brillant ingénieur spécialiser en hydraulique déjouant le fureur des eaux s'attaquant à un barrage. C'est ce va et vient entre rêve et réalité qui fait le sel de ce roman qui lui donne ce caractère assez original qui l'éloigne des sempiternels souvenirs de jeunesse. Mais c'est également l'écriture très acidulée de Gérard Lefort qui fait mouche, évitant tout pathos, tout effet larmoyant ou sirupeux, préférant brosser un portrait d'enfant extraordinairement réaliste, admirable mélange de spontanéité, de réserve et de perfide rouerie face aux adultes.
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