"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Chronique précédemment parue sur le blog www.sambabd.net
Qu’on aime Libé ou non, ce journal fait partie de l’histoire récente de notre paysage culturel et politique (je parle pour les lecteurs français de ce blog… désolé les amis belges… En même temps, vous, vous avez Raoul pour vous amuser…). C’est donc avec un certain plaisir que j’ai pu parcourir cette BD même si je ne suis pas particulièrement fan des pages cultures des médias (dont sont issus les 2 scénaristes), qu’ils soient généralistes ou spécialisés. Mais il faut bien avouer que les auteurs, Marie Colmant et Gérard Lefort, ont su synthétiser ces fameuses années folles dans un ouvrage qui se lit très facilement. En dehors d’eux mêmes (oui, ils s’y mettent en scène), on y retrouve des personnages connus, comme Serge July, Lionel Jospin, Marguerite Duras ou encore Clint Eastwood et Tintin, ainsi que des évènements qui ont fait cette fin de XXème siècle : Tchernobyl, l’arrivée de la Gauche au pouvoir en France ou enfin l’apparition du SIDA…
Le dessin de Pochep est toujours bien senti et la façon dont il croque ses personnages est saisissante. Bien sûr, la ressemblance est frappante et on les reconnait au premier coup d’œil, et même si c’est un minimum, ce n’est pas toujours le cas chez tous les dessinateurs de ce style. Mais, en plus, il semble capter l’essence même de leurs caractères, et ça, ce n’est vraiment pas donné à tous le monde. Les caricatures de Duras et July en sont 2 excellents exemples.
D’ailleurs, en parlant du personnage de Serge July, on apprend pas mal de choses insolites à son égard et c’est évident que lorsqu’on a ce genre de patron pendant une quinzaine d’années, c’est une vraie mine d’or en termes d’anecdotes…
En tout cas, si la vie culturelle et politique française des années 80/90 vous intéresse, ne passez pas à côté de cette très bonne chroniques de ces 2 décennies.
Ce roman graphique, pour qui lit depuis des décennies ce journal et qui plus est a dévoré les chroniques de Marie Colmant et Gérard Lefort, possède un parfum de madeleine évident. Reviennent donc les souvenirs des années 80 avec le fantastique supplément de l'époque ( un peu évoqué dans cet album) "Sandwich" avec ses dizaines de pages de petites annonces de rencontres sexuelles de tout genre à faire passer les Tinder et Grindr d'aujourd'hui pour de petites rosières bien timides et guère inventives.
Si j'évoque cet encart du samedi, c'est que les auteurs ont débuté à cette époque et ont incarné par leurs papiers drôles et piquants le parfait contrepoint journalistique cet esprit libre et frondeur.
Quarante après, restent les souvenirs. Un peu de nostalgie parcourt le récit, teinté d'humour bien sûr mais contant l'histoire des plus belles années de ce journal de gauche. Et comme nos deux larrons auteurs travaillaient au service culture ( cinéma et mode) on a droit à quelques anecdotes autour de stars mortes ( ça évite les remarques ou les procès) comme Belmondo, Montand,... mais font pudiquement grâce de pas mal de leurs éclats critiques qui firent hurler le monde du cinéma et de la mode.
Ceux qui n'ont pas connu cette époque ne seront nullement largués ou ne feront pas la fine bouche, car, c'est un peu "les belles histoires de tata Marie et tonton Gérard" qui nous sont contées en courts chapitres thématiques, émaillés de portraits hommages des figures emblématiques du journal. Les seize années évoquées ici, retracent avec bonheur toute une époque d'une bulle, certes parisienne, fort libérée et inventive, mais qui fit face aussi à l'épidémie du SIDA qui, ici, et peut être plus qu'ailleurs, faucha pas mal de membres de l'équipe.
Cependant, grâce à l'humour des deux confrères et au dessin franchement réussi de Prochep ( Ah... Marguerite Duras !!!), le sourire et le rire l'emportent largement sur la tristesse. Anciens lecteurs ou pas, jeunes ou plus matures, cinéphiles ou pas, cette BD hommage est un pur régal.
L’auteur, journaliste puis rédacteur en chef au quotidien Libération, raconte à la première personne les souvenirs d'enfance d’un jeune garçon. Cette autofiction se présente sous forme de courts chapitres qui se lisent comme des nouvelles.
Le narrateur est un enfant solitaire, en marge de cette famille bourgeoise qui vit en province dans une vaste demeure. Le personnel y est nombreux, au service de « La maman » mère fantasque et entichée de mondanités. Elle ne s'embarrasse pas de sentiments maternels et confie son fils malade aux soins de la bonne afin de se consacrer à sa "garden party".
Le narrateur est cet enfant affabulateur qui se réinvente un monde parce que celui où il vit ne lui plaît pas. Il dissimule sa vraie personnalité pour mieux se faire oublier dans un monde hypocrite et méchant.
« ...je passe beaucoup de temps à dissimuler mon cas, à faire semblant d’être un bon garçon comme un autre, souriant et gracieux, qui ne pense qu’à ses études et le soir, à faire ses devoirs. C’est indispensable, c’est crucial. S’ils savaient, les pauvres ! »
J'ai suivi les divagations échevelées d'un garçon imaginatif qui se réinvente un monde bien différent de celui où il vit. Observateur narquois, il se joue de cette famille qu'il aurait sans doute souhaitée plus aimante et plus conforme à celles de ses copains. Il épingle les travers de ses parents qu’il nomme « Le papa » et « la maman » ainsi que ses deux frères, jamais nommés, et la petite sœur Coco « au prénom à la noix »
Son humour caustique lui permet de supporter les difficultés.
Il y a aussi quelques passages poétiques quand il est question de bord de mer, de tempêtes et de nature sauvage.
Ces souvenirs d'enfance sous forme de courts chapitres se lisent avec facilité. Chaque chapitre « le polio », « les amygdales » ou « le camarade » raconte une histoire différente. Le lecteur rentre facilement dans l'ambiance de cette famille bourgeoise et dans l’univers, réel ou rêvé, du jeune garçon.
L’auteur a un vrai talent d’écrivain. Il décrit avec délectation les personnages et des paysages naturels, réels ou rêvés.
L’intérêt de ce roman est aussi son aspect sociologique, car l’auteur brosse le portrait d'une famille bourgeoise dans les années 50-60, ainsi que l’école secondaire et l’internat.
Malgré ses qualités d’écriture indéniables et le plaisir de la lecture, ce roman ne m’a pas fait grande impression.
Le jeune héros, jamais nommé, vit en province dans une grande maison ostentatoire avec ses parents, bourgeois en parfaite adéquation avec leur demeure. Bien sûr, il n'est pas fils unique (enfin quoââ), deux frères plus âgés et une jeune soeur, Corinne, la seule nommée même si le prénom est à la noix. (ça c'est le narrateur qui le dit...), complètent cette fratrie pas mal dépareillée. Vont se succéder des chapitres qui pourraient être presque des nouvelles, relatant différentes anecdotes de cette enfance qui a la politesse de ne pas jouer sur la corde sensible et gnangnan du moment le plus merveilleux de la vie ( vous savez ces clichés bien pensants auquel on peuvent s'ajouter celui du mariage et de la naissance du gosse).
La facilité du livre aurait été de rester sur la description de ce milieu bourgeois de province. La mère, personnage grandiose, ridicule et haut en couleur, figure hautement comique et croquée avec une acidité réjouissante pouvait nous réjouir sur 200 pages sans problème. Pas maternelle pour deux sous, on a des enfants parce que ça fait bien dans le cadre et pour le voisinage, sa préoccupation première sont ses mondanités. La progéniture doit bien se tenir et surtout se faire oublier. Ca tombe bien pour le jeune narrateur c'est dans ces interstices ainsi libérés par cette envie de vivre selon un rang, qu'il va appréhender la vie, ses dangers, ses expériences, ses joies. Ainsi le roman va prendre des chemins plus ambitieux, mêlant souvenirs croquignolets et peinture de ces instants d'ennuis où l'on s'invente des mondes et des histoires dans la tête. Tel un petit rebelle silencieux, l'enfant non nommé va se glisser hors de la sphère familiale, assez toxique faut bien le dire, pour découvrir un monde pas plus rassurant. Prêtre exhibitionniste, camarades de classes tortionnaires dans le pire des cas, moqueurs dans le meilleur. Il découvrira que la différence qu'il pressent est et sera dure à vivre. Il découvrira le mensonge mais aussi quelques amitiés, souvent des égarés des normes en cours comme lui. Et indispensables bulles de survie il va, comme tous les enfants, jouer, jouer à inventer des mondes et des histoires. Il sera tour à tour passager héroïque de premier classe sur le Titanic ou un brillant ingénieur spécialiser en hydraulique déjouant le fureur des eaux s'attaquant à un barrage. C'est ce va et vient entre rêve et réalité qui fait le sel de ce roman qui lui donne ce caractère assez original qui l'éloigne des sempiternels souvenirs de jeunesse. Mais c'est également l'écriture très acidulée de Gérard Lefort qui fait mouche, évitant tout pathos, tout effet larmoyant ou sirupeux, préférant brosser un portrait d'enfant extraordinairement réaliste, admirable mélange de spontanéité, de réserve et de perfide rouerie face aux adultes.
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