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En 1994, Emmanuel Guibert, alors en vacances, rencontre par hasard Alan Ingram Cope, un américain retiré sur l'île de Ré. C'est le début d'une profonde amitié entre ce retraité de 70 ans, et le dessinateur âgé d'alors 30 ans. Très vite, Alan, en fabuleux conteur, se met à raconter sa vie à un Emmanuel Guibert émerveillé.Après La Guerre d'Alan, consacré aux périple du jeune soldat Alan durant la seconde Guerre Mondiale, Emmanuel Guibert s'attache à retranscrire ses souvenirs d'enfance. L'Enfance d'Alan est aussi un formidable témoignage sur la vie quotidienne aux Etats-Unis avant-guerre. On y découvre la vie d'une famille ordinaire, humble, et l'éveil d'un enfant à l'existence. Dans la description des jeux avec les enfants du voisinage, des moments vécus en famille, ce travail de mémoire touche à l'universel. Le talent de conteur d'Alan, et la grâce du dessin d'Emmanuel Guibert, apportent à ce témoignage une douceur pleine de l'innocence de l'enfance, et de la joie du souvenir.
Après avoir lu et beaucoup apprécié La Guerre d’Alan 1, 2 et 3, racontée et dessinée par Emmanuel Guibert, rencontré aux Correspondances de Manosque 2021, j’ai appris qu’ensuite, ce même auteur et dessinateur talentueux avait publié L’enfance d’Alan, toujours à L’Association. Alors, il fallait que je poursuive l’aventure avec ce retour en arrière dans la vie de cet homme né en 1925 et mort en 1999.
L’enfance d’Alan est un album graphique très intéressant car il offre des instantanés de vie durant l’entre-deux guerres, aux États-Unis. Pour commencer, après une belle photo de classe sur laquelle je reconnais aussitôt Alan Cope qui doit avoir une bonne douzaine d’années, Emmanuel Guibert propose plusieurs pleines pages où le bleu se marie bien avec l’ocre, le noir, le jaune et l’orangé d’un beau coucher de soleil. C’est la Californie d’aujourd’hui avec autoroutes, voies aériennes, immeubles et voitures alors qu’Alan rappelle que, dans son enfance, la vie était complètement différente.
Il a bien compté, Alan. Enfant, il a vécu dans quatorze maisons successives et voilà qu’il tente de faire remonter ses souvenirs à la mémoire. Ainsi, il parle de son père, de sa mère qui mourra hélas alors qu’il n’avait que 11 ans, des suites d’une opération chirurgicale. Alan, très proche d’elle, lui en voulait tellement de la voir partir pour l’hôpital qu’il lui avait hurlé : « Eh bien, vas-y ! J’espère que tu vas mourir ! » Difficile de s’en remettre…
De Santa Barbara à Alhambra où sont les grands-parents Cope, puis au nord de Pasadena, à Altadena, les anecdotes ne manquent pas et le dessin accompagne toujours très justement ce qu’Alan raconte à Emmanuel Guibert.
En famille, ils sortent, vont à la plage et même dans le désert où un serpent à sonnette a failli abréger brutalement la vie d’Alan qui fut sauvé par son père.
Deux grandes parties sont consacrées aux familles de ses parents. D’abord, la famille Hanson, celle de sa mère. Ses grands-parents maternels vivaient à San José, au sud de San Francisco, à cinq cents kilomètres de chez eux, une véritable expédition pour y aller en voiture ou en en train, comme pour les noces d’or de ses grands-parents George et Lady Baham qui ont eu huit enfants. Fait nouveau ici, plusieurs photos sont insérées dans le récit et elles sont détaillées par Alan qui parle aussi de ses oncles.
L’histoire de la famille Cope est aussi étonnante car elle est venue de Caroline du Nord en Californie en passant par la Pennsylvanie. La lecture foisonne de remarques, d’anecdotes, d’instants de vie d’un gosse qui joue dans les rues de sa ville, fait du patin à roulettes, découvre l’horrible goût des olives crues et voit au cinéma la première bobine couleur ! Il faut dire qu’il vivait près d’Hollywood.
Je reviens sur le terrible événement qui marque ses onze ans car Alan Cope confie là ses sentiments profonds sur la vie avant d’offrir une très belle page du livre d’Auguste Rodin (L’Art), en guise de conclusion.
L’enfance d’Alan est un album graphique émouvant, drôle par moments, riche d’instantanés d’une vie qui s’en est allée mais qui, grâce au talent d’Emmanuel Guibert, se poursuit et touche beaucoup de lecteurs comme ce fut le cas pour moi. Je précise que les dessins sont toujours de grande qualité comme cette image d’une pièce sous les toits ou cette magnifique table du petit-déjeuner chez le grand-père Hanson, image qui occupe une double page, sur un fond noir.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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