Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/01/09/lecrivain-national-serge-joncour/
Si L’écrivain national n’est pas mon roman préféré de l’auteur, mon rendez-vous avec S. Joncour fut encore un moment unique, un voyage littéraire à travers la campagne, une immersion dans la...
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Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/01/09/lecrivain-national-serge-joncour/
Si L’écrivain national n’est pas mon roman préféré de l’auteur, mon rendez-vous avec S. Joncour fut encore un moment unique, un voyage littéraire à travers la campagne, une immersion dans la nature, l’apprivoisement d’un lieu, d’un microcosme et la familiarisation avec des personnages humains et touchants que seule son écriture enveloppante sait prodiguer.
A l’initiative de libraires, Michel et sa femme Marie, Serge est attendu à Donzières, petite ville du centre de la France, où il investit une résidence d’auteur. Difficilement remis d’un divorce inévitable mais essentiel, l’auteur envisage ce séjour comme une relâche, un moment suspendu qui lui fera prendre du recul. C’est sans compter sur un article de la presse locale qui retient son attention dès son arrivée. Envoûté par le regard d’une jeune hongroise impliquée dans une affaire criminelle d’une ville voisine, il s’acharnera à enquêter sur l’affaire et se rapprocher de cette femme.
La frontière entre réalité et fiction est quelque peu nébuleuse et Serge, surnommé « écrivain national » par le maire de Donzières, a des traits communs avec l’auteur : même prénom, même métier voire même amour cornélien pour la ville ou la campagne.
Détective à la déroute, Serge-personnage se révèle gauche, rêveur, passionné, maladroit et souvent en retard. D’abord hospitalier, le milieu qui l’accueille son complexifie et trahit une hostilité à l’égard de l’écrivain qui remue des terrains (au sens propre comme au figuré !) dans lesquels sa présence n’est pas souhaitée.
Si l’intrigue policière est la trame du roman, elle est un agréable prétexte pour peindre une fresque juste, amusante et délicieuse d’une bourgade de France.
Serge Joncour maitrise cet univers et rend compte à merveille du caractère des habitants, des relations qui existent entre eux, de ce microcosme replié sur lui-même, mû par les superstitions, les rumeurs et ragots, aux réactions parfois brutes, parfois bourgeoises.
L’écriture est fine, juste et railleuse. Les situations sont vraies et l’humidité de l’automne pluvieux, l’accent hongrois de Dora, l’odeur des forêts ou le tumulte du marché se ressentent, se sentent et s’entendent à travers les lignes.
Les personnages et leurs caractères sont bruts et pluriels et l’auteur n’hésite pas à user de dérision, se jouant des autres et de lui-même ce qui rend ce monde terriblement attachant.
Si cette immersion rurale est passionnante, le livre permet également à l’auteur de se confier sur sa vie d’écrivain. A travers des situations telles que des réceptions, des lectures, des dédicaces ou des ateliers d’écritures, il amène son lecteur à s’interroger sur l’écriture, l’inspiration, la limite entre fiction et réalité, le regard des autres et de ses lecteurs sur sa propre image.
Enquête, analyse humaine et sociale, réflexion sur l’écriture, l’amour et le libre-arbitre… une fois de plus, Serge Joncour m’a transportée.
« La réalité dépasse souvent la fiction, le problème c’est qu’elle est bien moins bavarde, bien plus dissimulée. Qu’on ne me jette pas la pierre, qui n’est pas attiré par les faits divers ? Qui ne lance pas un œil dans le journal sur ces histoires invraisemblables où l’impensable se confond avec le quotidien, le sensationnel avec le banal, des histoires souvent bien plus folles que celles inventées. Au-delà de l’indéniable voyeurisme, le fait divers distrait de l’actualité conventionnelle, on y éprouve les affres d’un bien intime spectacle auquel on se sent soulagé de ne pas participer. Il y a une vertu expiatoire à plonger dans ces paragraphes aux titres incandescents, ces chroniques terribles qui entraînent vers une tout autre histoire que la sienne et qui la rend chanceuse par comparaison. Et puis c’est un bon exercice pour l’imaginaire, au point que parfois, quand les articles sont approfondis, les enquêtes plus fouillées, je les lis avec le sentiment d’une élucidation, une évidence qui ne serait pas apparue aux enquêteurs, comme si avec le recul, j’arrivais à en savoir plus qu’eux. »