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Le vent de la lune

Couverture du livre « Le vent de la lune » de Antonio Munoz-Molina aux éditions Points
  • Date de parution :
  • Editeur : Points
  • EAN : 9782757827956
  • Série : (-)
  • Support : Poche
Résumé:

Le 20 juillet 1969, l'homme marche pour la première fois sur la Lune. Dans la petite ville andalouse de Mágina, un adolescent vit cet événement avec une passion d'autant plus grande que, pour lui, la vie s'écoule au rythme monotone de la récolte des olives, des querelles de famille, et du... Voir plus

Le 20 juillet 1969, l'homme marche pour la première fois sur la Lune. Dans la petite ville andalouse de Mágina, un adolescent vit cet événement avec une passion d'autant plus grande que, pour lui, la vie s'écoule au rythme monotone de la récolte des olives, des querelles de famille, et du collège religieux. Tout cet univers pauvre et archaïque devient étranger à ce jeune garçon qui assiste à la naissance d'une nouvelle époque.

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Avis (1)

  • Il n’y a pas de vent sur la Lune, mais gardons cela pour plus tard.
    Ce 20 juillet 1969, cinquante ans bientôt, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins ne se doutaient pas qu’ils embarquaient dans leur aventure un garçon solitaire, pauvre et rêveur qui les suivait passionnément depuis ...
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    Il n’y a pas de vent sur la Lune, mais gardons cela pour plus tard.
    Ce 20 juillet 1969, cinquante ans bientôt, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins ne se doutaient pas qu’ils embarquaient dans leur aventure un garçon solitaire, pauvre et rêveur qui les suivait passionnément depuis la petite ville d’Andalousie assoupie où il était né treize ans plus tôt. Antonio Munoz Molina nous fait revivre l’événement à travers ses yeux d’enfant, dans la chaleur de l’été andalous.
    Le récit alterne entre ce qui se passe dans la fusée, dans le module de commandement, dans le module lunaire, dans la tête des astronautes : « Tu attends avec impatience et avec crainte une explosion qui aura quelque chose d’un cataclysme quand le compte à rebours arrivera au zéro… »
    …et ce qui se passe à Magina (Ubeda) dans la tête de l’auteur : « Enfermé dans ma chambre par un après-midi de juillet, j’écoute les voix qui m’appellent, les pas pesants qui montent à ma recherche par l’escalier de la maison… » Il est aussi solitaire et isolé que l’astronaute qui attend la mise à feu des moteurs.
    On connait la qualité de l’écrivain (personnellement c’est mon troisième roman) qui fait encore merveille ici. Il nous fait partager l’angoisse des héros, bien présente aussi soigneusement dissimulée soit-elle. Il nous rappelle qu’Apollo XI était une mission à très haut risque, ce qu’en raison du succès nous avions oublié, et n’omet pas de prêter à Aldrin un regard de jalousie envers son collègue qui a été « le premier ». Pourquoi lui et pas moi ? On saisit le moment où tous deux prennent conscience qu’ils n’auront pas le temps de savourer leur « marche lunaire », d’admirer la vue unique sur la planète bleue car il leur faut travailler dur ; celui, très émouvant, où ils réalisent que plus jamais ils ne reviendront. Jamais plus est une idée terriblement douloureuse, chacun de nous en a fait l’expérience, quelque soit le moment de bonheur et de plénitude qu’il concerne et l’écrivain qui nous le rappelle fait mouche.
    La solitude de celui qui est resté en orbite et qui se demande s’il va revoir ses deux compagnons est à mettre en parallèle avec la solitude de l’enfant pauvre dans le collège où il ne connait personne car tous les enfants de sa classe sociale ont déjà arrêté l’école. Et tandis que les cosmonautes s’arrachent à l’attraction terrestre grâce à la fusée Saturne, l’enfant tente de s’arracher, grâce à ses lectures, à l’influence de la religion ainsi qu’à l’avenir immuable qui l’attend dans les champs, lui le fils de paysan, petit-fils de paysans, descendant de paysans depuis la (grande) nuit des temps.
    Les pages consacrées aux lectures constituent un bel hommage à la science fiction mais aussi aux récits d’exploration et de découvertes tout comme sont admirables celles qu’il consacre au froid mordant de l’hiver dans une maison sans chauffage, à l’eau courante qui ne court que dans le seau qu’on transporte à bout de bras du puits vers la maison ou à l’éprouvante et harassante cueillette des olives. C’est aussi le temps des séances de cinéma en plein air avec la découverte de l’attraction des actrices à laquelle un adolescent n’a aucune chance de s’arracher, celui de l’apparition des premiers téléviseurs et des premiers touristes… C'est enfin, à travers l'agonie de Baltasar le voisin jadis brutal et redouté, la maladie qui, débutant cette année-là, finira par abattre le caudillo et le franquisme.
    Alors ce vent de la Lune ? Qui est-il, s’il n’est pas lunaire, s’il est incapable d’effacer les pas des deux astronautes imprimés à jamais dans la poussière de la Mer de la Tranquillité? Je crois que c’est le vent qui emporte nos illusions, nos souvenirs et nos êtres chers, celui qui fait se vider le sablier du temps qui passe. Soixante-neuf est bien loin même si à l’époque l’enfant se demandait « Comment serai-je, moi, si je suis vivant, en mille neuf cent quatre-vingt, en mille neuf cent quatre-vingt-cinq, à la fin du siècle, en deux mille, qui ne me semble pas être une date possible du réel mais un repère aussi fantastique dans le temps que la colonisation des planètes…qui abondent dans les histoires de science-fiction, ainsi qu’aux actualités ? Comment sera-ce d’avoir quarante-quatre ans, trois de plus que n’en a mon père aujourd’hui, mon père dont les cheveux sont déjà devenus blancs. Soudain ce futur resplendissant de prédictions scientifiques me devient sombre quand je pense qu’en l’an deux mille mon père sera un homme de soixante-douze ans, que ma mère en aura soixante-dix et que mes grands-parents seront probablement morts. »
    Les deux dernières pages sont aussi éclairantes que sublimes : « Il y a quelques minutes j’avais treize ans et je rentrais de la bibliothèque municipale de Magina avec un livre d’astronomie sous le bras et maintenant, dans la glace de la salle de bains, je suis un homme aux cheveux gris, égaré soudain dans un futur plus lointain que celui de la majeure partie des histoires d’anticipation que je lisais à l’époque. (..) Maintenant, dans les rêves que je me rappelle chaque fois que j’ouvre les yeux, l’ombre fragile et distante de mon père se détourne de moi quand je veux m’approcher d’elle. C’est ainsi que me fuient et m’entourent les autres fantômes logés dans les chambres désertes, dans les armoires fermées, dans les maisons vides de la place, chacun avec son visage et son nom, avec une voix qui m’appelle.
    Bien que je sois si loin, ils ont su me trouver. »
    C’est un magnifique et très émouvant roman, bel hommage aux rêveurs, aux aventuriers et aussi à son père « Il est mort presque aussi discrètement qu’il s’était tant de fois levé en pleine nuit, tâchant de ne réveiller personne. »
    D’ici quelques semaines, vous n’échapperez pas aux commémorations de l’événement. Lisez sans plus tarder Le Vent de la Lune, pour passer un excellent moment et briller un peu en société.

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