Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
J'avais emprunté ce roman en bibliothèque. Je ne connaissais pas l’auteur mais la quatrième de couverture semblait prometteuse.
Les premiers chapitres m’ont paru indigestes, trop chargés de référence, je ne parvenais pas à trouver pas la ligne directrice de l’écriture.
Après trois-quatre chapitres, je m’habituais à la plume de l’auteur, je prenais plaisir à la lecture ; des liens s’établissaient, des lignes de force se dégageaient.
L’accroche ne s’était pas faite immédiatement mais elle était puissante.
Quand un ouvrage me fascine, il me suit dans tous mes déplacements, le moindre petit instant qui pourrait être perdu devient prétexte à avancer dans ma tâche de lectrice.
Lors d’un trajet en train, le livre se trouvait donc dans mon sac posé dans la coursive…hélas, à l’arrivée, le sac avait pris son envol. Il fallait se rendre à l’évidence nous avions été victime d’un larcin…
Commande de l’ouvrage en librairie, attente et puis je reprends la lecture au point zéro…en pleine conscience que l’écriture de l’auteur s’était révélée passionnante, addictive.
Je flâne donc comme sur un chemin que je sais agréable, prenant plaisir à grappiller références musicales, littéraires, géographiques, touristiques. Savourant ces nouveaux mondes que l’auteur nous offre à découvrir en toile de fond de son roman.
Car cet écrit est dense, puissant, il pousse à la réflexion et chaque référence, chaque indication sert à construire la trame du récit…et, parfois, j’ai découvert en fin de lecture, le sens profond d’une référence livrée dans les premières pages.
Nombre de réflexions pertinentes s’intègrent au roman de manière naturelle, le lecteur doit pouvoir savourer les chemins de traverse, être nonchalant alors que le récit gonfle , enfle et s’enrichit de nombreuses ramifications.
Plusieurs récits sont tressés, entremêlés et constituent l’architecture qui m’avait un peu perturbée à la première lecture pour me ravir par la suite.
Dans les premières pages, il y a une alternance stricte entre les chapitres qui parlent de James Earl Ray et ceux tissés autour de l’auteur et la construction du roman. Ensuite l’auteur rompt ce rythme et laisse de plus en plus de place à ce qui tient le lecteur en haleine : l’errance de l’assassin, sa fuite…et sa chute.
Il y a la longue fuite de James Earl Ray, assassin de Martin Luther King après qu’il ait commis son crime.
L’auteur tente d’imaginer et de nous restituer l’univers mental de l’assassin.
On comprend mal pourquoi il a tué.
Et, à mots couverts, Antonio Munoz Molina explore la piste de l’humiliation. (Et cette grille de lecture, je la dois à un ami que je salue : merci m’sieur Jean)
Je m’explique.
James Earl Ray a grandi dans un univers misérable, sa proie est un américain, noir de peau, bien habillé, brillant, maniant la rhétorique, leader charismatique enflammant les foules et se déplaçant en Cadillac blanche avec chauffeur.
De plus, au moment des faits, James Earl Ray ne mesure pas l’importance de sa cible, il est persuadé de son impunité…le meurtre d’un noir reste insignifiant à ses yeux dans le contexte de l’époque.
En parallèle l’auteur se raconte au fil de deux voyages à Lisbonne qui ont nourri son roman et marqué sa vie.
La ville est un personnage.
Elle sert un thème très symbolique dans cette histoire : le contraste entre emprisonnement et ouverture, les lignes de fuite étant constituées par le fleuve, les avions, les bateaux.
Lorsque l’auteur parle de lui, il aborde aussi une réflexion sur l’écriture, pourquoi et comment commence-t-on un roman, quelles répercussions l’écriture a-t-elle sur la vie de l’écrivain ?
Comment nomme-t-on ses personnages et pourquoi le choix des patronymes est important, comment il crée la vraisemblance.
Il s’interroge aussi sur la consommation d’alcool, de nicotine en période de création. Et sur ce point, il établit également un parallèle avec le comportement de l’assassin lors de sa longue errance.
Enfin mettre un pont final à l’écrit, sortir du récit qui a alimenté son univers, ses fantasmes constitue aussi un dilemme.
C’est dans le regard que le narrateur pose sur l’auteur des faits que grandit, s’étoffe le personnage ; les non-dits, les indices livrés au lecteur vont germer dans l’esprit de ce dernier pour construire le l’identité de l’acteur principal.
L’identité est d’ailleurs un thème autour duquel l’auteur se livre à de nombreuses digressions, examinant notamment la facilité avec laquelle tout un chacun livre son identité réelle et combien il est ardu de devoir jongler avec plusieurs personnalités fictives, décliner son identité devenant alors un exercice périlleux.
Lorsque j’ai refermé ce livre, ses personnages ont continué à me hanter, les différents thèmes abordés menaient encore une petite danse dans mes neurones et, maintenant, ils pourraient m’empêcher de mettre un point final à cette chronique.
Je reviendrai à cet auteur et peut-être à ce roman, persuadée que je trouverai encore d’autres pistes de lecture, que je lèverai.
« Je me suis installé dans cette ville pour y attendre la fin du monde ». Ainsi commence le dernier roman de l'écrivain espagnol.
Pour fuir New York et sa folie de l'après-11 septembre Cecilia et Bruno décident de s'installer à Lisbonne pour y vivre la fin du monde « paisiblement ».
Cecilia étant accaparée par ses recherches tentant de supprimer les « souvenirs atroces de la mémoire de soldats souffrant de stress post-traumatique » et Bruno ayant été congédié d'un job qu'il détestait, c'est ce dernier, flanqué de sa chienne Luria, qui arrive en éclaireur et aménage leur nouvel appartement qui ressemble étrangement au précédent.
Commence alors l'attente de celle qu'il aime, attente qui tourne à l'obsession et glisse progressivement vers la folie.
« Tes pas dans l'escalier », à la fois récit apocalyptique, plongée dans l'intimité d'un homme dans le déni qui se détache de la réalité, immersion vertigineuse dans le fonctionnement de la mémoire, dégage un charme envoûtant qui enveloppe le lecteur dans un cocon empli de chimères et de faux-semblants.
https://papivore.net/litterature-hispanophone/critique-tes-pas-dans-lescalier-antonio-munoz-molina-seuil/
Un couple quitte New York après les attentats du onze septembre et décide de s’installer à Lisbonne… pour attendre tranquillement la fin du monde.
Un couple ? D’abord lui, qui profite de sa retraite anticipée pour meubler et décorer le nouvel appartement. Elle viendra ensuite, lorsque tout sera prêt. En attendant, brillante chercheuse en neurologie, elle parcourt le monde de congrès en symposiums médicaux. Il attend son arrivée en compagnie de leur chienne…
Il attend, nous attendons… Il sort le chien, aménage leur nouveau cadre de vie à l’image de celui qu’ils viennent de quitter. Le lecteur plonge dans ses pensées, ses souvenirs. Ses idées passent de New York à Lisbonne, on s’y promène avec le chien et on s’y perd un peu, lui aussi semble hésiter. Il s’égare et peu à peu le temps et l’espace lui deviennent flous. Elle va le rejoindre, aujourd’hui. Plutôt demain… Il la guette à la fenêtre et bientôt il entendra ses pas dans l’escalier…
Quand arrivera-t-elle ? Je ne divulgache pas plus.
Disons simplement qu’il est question de retraite, temporelle et géographique, du temps qui passe et des souvenirs qui s’effilochent jusqu’à ce que les symptômes de la terrible maladie que chacun redoute commencent à apparaître.
Ennuyeux ? Un peu. Déroutant ? Complètement. Bien écrit ? Absolument. Faubert rêvait d’écrire un roman sur rien, Molina l’a peut-être réussi ? A vous de juger…
Bruno, le narrateur, s’est installé à Lisbonne « pour y attendre la fin du monde », mais pas seul : il attend aussi sa femme Cecilia, dans cet appartement qu’ils viennent d’acheter. Retraité, Bruno s’est occupé du déménagement de leur appartement de New York vers le Portugal et, pendant que Cecilia règle les détails de son transfert professionnel en Europe, il aménage leur nouveau foyer. A l’écart du bruit et de la fureur des grandes villes et du reste du monde qui court à sa perte (des feux de forêt font rage au même moment en Californie, en Australie, en Allemagne), Bruno prépare minutieusement l’appartement – couleurs de peinture, distribution des pièces, emplacement des meubles – pour qu’il soit le calque parfait de celui de New York. Pourquoi ce besoin de reconstituer aussi fidèlement un endroit familier ? Besoin de sécurité, de repères, de continuité, comme si rien n’avait changé, comme si tout était comme avant malgré leur retour sur le Vieux Continent ? Est-ce la peur de la nouveauté, du changement ? Et si oui, qui a peur, qui est fragile au point d’être perturbé par l’emplacement différent de telle lampe ou de tel ustensile de cuisine ? Bruno, Cecilia, les deux ? Autant de questions que le lecteur rationnel se pose pendant le premier tiers du roman, tant cette manie de Bruno apparaît obsessionnelle et surtout, à ce stade, inexpliquée. Pendant ce temps, le flux de conscience de Bruno nous dévoile l’histoire du couple, deux Espagnols travaillant à New York, fortement marqués par le 11-Septembre, le métier prenant de Cecilia, neuroscientifique renommée qui se livre à des expériences sur le cerveau et la mémoire de rats pour tenter d’en extraire le sentiment de peur, avec pour objectif de « déterminer s’il est possible de supprimer des souvenirs atroces de la mémoire de soldats souffrant de stress post-traumatique ».
Au fil des pages tout en introspection, le temps s’étire, se dilate, se distend entre New York et Lisbonne, entre souvenirs et projection, avec la certitude inébranlable de Bruno que les jours à venir couleront heureux et doux avec sa chère Cecilia. Mais le temps passe, ou semble passer, et un voile de confusion entoure l’arrivée toujours aussi indéterminée de Cecilia.
Suspense psychologique hypnotique, « Tes pas dans l’escalier » embarque le lecteur dans une histoire très simple au départ, qui glisse imperceptiblement vers quelque chose d’inquiétant et mystérieux, au fil de l’accumulation de petites entorses à la rationalité. On se perd en conjectures sur ce qui a pu se passer au sein du couple, avant de le découvrir dans les dernières pages.
C’est la première fois que je lis A. Muñoz Molina, et je découvre un écrivain au style impeccable et maîtrisé, qui excelle ici dans l’installation d’une ambiance floue d’inquiétude et d’oppression diffuses. Dans ce roman sur l’attente, il explore, en profondeur et sinuosités, la mémoire, la raison, la peur, la fragilité des murs qu’on se construit face à l’âpreté de la vie.
En partenariat avec les Editions du Seuil via Masse Critique de Babelio.
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