"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Le silence selon Manon» peut être lu comme un "prequel" de «La Transparence selon Irina.» Dans les années 2025, le monde occidental se caractérise par une montée de l'agressivité sur les réseaux sociaux et en particulier des cas de cyber harcèlement, au point qu'une unité spéciale de la police, dirigée par le commissaire Sébastien Mille, a dû être mise en place. Sébastien Mille s'intéresse de près aux manoeuvres des groupes masculinistes en France. L'Amérique du Nord avait déjà connu dans les années 2010 des attentats dont les auteurs se réclamaient du mouvement "incel" (pour «involuntary celibate) »autrement dit des célibataires forcés qui conçoivent une haine des femmes et de la société contemporaine qu'ils jugent trop favorable au féminisme. A Paris, le groupe de musique hardcore Significant Youth, qui défend des valeurs humanistes et féministes dans ses chansons, est agressé lors d'un concert par une poignée de masculinistes qui fréquentent un forum dédié; Yvan, le leader est pris à partie et son frère Simon ainsi que sa compagne sont blessés dans la bagarre qui s'ensuit. Cet épisode n'est que le prélude à un attentat beaucoup plus violent qui va bouleverser la vie des deux frères et de leur entourage. Il faudra à Sébastien Mille une obstination hors du commun pour s'approcher des coupables, d'autant plus insaisissables qu'ils se cachent sous maintes identités, dissimulés par la grande Toile protectrice d'Internet... A travers ce polar aux personnages ambigus et pervers qu'on croirait sortis de l'univers de Patricia Highsmith, Benjamin Fogel poursuit son exploration de notre cyber monde. Le crime n'a plus lieu dans les ruelles sordides des villes ou dans les caves des banlieues, il rode sur la Toile de manière d'autant plus insidieuse que ses auteurs savent être furtifs.
J’avais découvert la plume de Benjamin Fogel, en 2019, lors de la parution de son précédent roman « La transparence selon Irina ». Ce livre avait déjà pour thème les dérives d’Internet et des nouvelles technologies. Une fois encore, par son dernier livre « Le silence selon Manon », il tente de mettre en garde ses lecteurs contre les effets néfastes du monde virtuel. En fait, ce second bouquin est en quelque sorte le préquel du précédent.
Alors que nous étions précédemment en 2058, nous sommes ici plus près de chez nous puisqu’on fait un bond de 4 ans pour ce roman qui – à la fois – s’apparente à un roman noir mais aussi d’anticipation. Toujours en lien avec Internet, on plonge ici dans le cyber-harcèlement, dans ses formes les plus violentes. Il est aisé de faire un parallèle avec notre quotidien puisque, chaque semaine, les médias font état de suicides de jeunes filles mais aussi de jeunes hommes, souvent poussés à ce geste extrême par des trolls se cachant lâchement derrière leurs écrans.
En plus de ce thème, ce livre traite également de l’opposition entre les incels, des célibataires involontaires qui se complaisent à déverser leur haine de la Femme et les partisans du groupe de musique des Significant Youth, défenseurs féministes de l’écologie. Se livrant une lutte sans merci, dont la violence monte crescendo, le combat fera de nombreux dégâts.
Alors que j’avais déjà beaucoup aimé « La transparence selon Irina », j’ai encore plus apprécié celui-ci. J’ai trouvé que l’écriture est encore mieux travaillée, l’intrigue finement ciselée et que cela donne un extrêmement bon livre à la fois cohérent mais encore plus effrayant de réalisme. L’absence de longueurs improductives fait qu’on est directement plongé dans le propos traité avec beaucoup de subtilités et d’adresse.
Chaque chapitre est énoncé par la voix d’un des personnages principaux et ils alternent ainsi avec des similitudes mais aussi des différences de perceptions intéressantes selon les protagonistes. Traitant de thèmes très actuels comme le féminisme, l’écologisme, les attentats venant de tous les extrémistes, cela pousse indubitablement à la réflexion.
Ce qui fait la force de ce roman est qu’on se rend vite compte que la réalité n’est jamais très loin de la fiction. L’introduction de l’auteur y indique d’ailleurs le vrai du faux. Une fois refermé, tout ce dont vous aurez envie, sera de vous couper des réseaux sociaux, des médias, d’Internet, bref de toutes technologies et d’aller vous abriter au fin fond de l’Alaska où aucun réseau ne passe.
A vite le prochain romain de Benjamin Fogel!
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