"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sur fond de punk rock pur et dur, puissamment porté par un dessin aussi froid qu'un coup de scalpel, Le Muret est une histoire poétique, forte et poignante qui entraîne le lecteur dans les méandres obscurs d'une adolescence ravageuse. 1988, dans la grisaille d'une petite commune ordinaire, Rosie, jeune fille de 13 ans, se retrouve seule. Sa mère est partie vivre avec un autre homme et son père se plonge dans le travail. Rongée par un quotidien morne et vide, Rosie perd pied. Elle assiste, comme impuissante, à la transformation de sa personnalité, tantôt effrayée, tantôt déterminée face à cette noirceur qui l'envahit et trace sa nouvelle vie.
Nous sommes en 1980 dans une petite commune calme et sans histoire. Rosie a 13 ans, ses parents sont séparés et sa mère vient de s'installer à Dubaï avec son nouveau compagnon. Son père ne vit plus que pour son travail et est toujours absent et les parents de sa meilleure amie ne veulent plus qu'elles se voient. Esseulée, sans repères familiaux et livrée à elle-même, Rosie va petit à petit perdre pied, sécher les cours et noyer son chagrin et sa solitude dans l'alcool fort puis les drogues. Sa rencontre avec Jo, paumé lui aussi, va lui remettre un peu de baume au coeur et elle va se sentir enfin exister entre ses bras. Mais Rosie n'a que 13 ans... Un événement va venir bouleverser son émancipation incontrôlée et trop précoce. Lui fera-t-il retrouver le chemin de la raison et de la sagesse ?
Une BD sombre et aux dessins bruts qui nous plonge dans la chute d'une ado au travers de scènes de la vie quotidienne.
Le muret est un très bel album sur l’adolescence et ses dérives, juste avant l’âge adulte. Ce passage est symbolisé par le muret sur lequel Rosie, 13 ans, se pose parfois, le soir venu. Rosie vit en Belgique. Sa mère est partie avec un autre homme à Dubaï, son père est souvent absent et la laisse se débrouiller seule. Elle traîne son mal être dans les rues et recherche souvent la compagnie de Nath, son amie d’enfance. Dans sa maison, elle s’endort avec la télé allumée. Petit à petit, elle se trouve piégée par la solitude dans laquelle elle se retrouve…
Le muret
Cette BD nous plonge dans cette période trouble de l’adolescence, aux cotés de Rosie qui se débat comme elle peut, sans parent pour la soutenir, ni amis véritables. Dans ce contexte, il est facile de faire de mauvaises rencontres, même si ici Rosie croise la route d’un marginal plutôt intéressant mais paumé lui aussi.
L’intérêt de cet album ? Des histoires sur l’adolescence, sur la difficulté de ce passage, il en existe pas mal mais ici l’union d’une histoire très bien menée à des planches très travaillées, tirant profit de toutes les possibilités du noir et blanc, fait merveille.
Céline Fraipont, scénariste, et Pierre Bailly, dessinateur, prennent le temps de raconter cette histoire. Nous suivons la jeune Rosie dans ces années 80 au fil des pages dans lesquelles sont insérées fréquemment des pages vierges noires, comme des silences dans le récit. Plusieurs illustrations en plein page incitent le lecteur à prendre du recul sur l’histoire, ce qui m’a fait penser à un découpage incluant des chapitres. Et c’est bien vu, car on a besoin de souffler, de reprendre ses esprits, tout comme Rosie. On se trouve ici au cœur d’un roman graphique, publié par Casterman dans la collection Ecritures, qui contient quelques pépites en BD comme Olympe de Gouges de Catel et José-Louis Bocquet (et aussi Kiki de Montparnasse que je n’ai pas encore lu) ou encore Quartier lointain de Jirô Taniguchi et tant d’autres.
J’ai aimé également la fin, sombre mais porteuse d’espoirs, ce qui m’inciterait à conseiller cet album à des adolescents mais pas seulement, les adultes peuvent aussi y trouver leur compte.
Histoire somme toute banale d'une dérive adolescente, "Le muret" parvient à attraper le lecteur et à ne pas le lâcher. Le récit tout en douceur, sans aucun jugement, tisse sa trame délicate, sans aucune surenchère mais avec une attention toute particulière à son héroïne. On la suit, on l'observe, on l'écoute, on découvre les vertus euphorisantes et chaleureuses du whisky, on ressent les vibrations apportées par les Ramones ou les Sonic Youth, on épouse petit à petit son mal être. Et le récit devient suspens, car moi, lecteur, je n'ai pas envie qu'elle plonge, Rosie. Je veux bien l'accompagner sur ce muret où elle noie son chagrin mais aussi où elle rencontre la vie et ses tentations faciles, mais je n'ai aucune envie qu'elle passe totalement de l'autre côté. Ce muret devient, en filigrane, le symbole du passage : basculera-t-elle ou pas ?
C'est tout l'enjeu de ce récit, qui, appréhende avec une formidable acuité, cet âge de fragilité qu'est l'adolescence, terreau de toutes les expériences qui enracinent toute une vie. Une jolie réussite !
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