Pavel Kiriline, ethnologue spécialiste des civilisations boréales, a beaucoup vécu. Sans compter ses incarnations précédentes, sous différentes formes animales, il a, au cours de son existence officielle, écrit des livres, dirigé une revue, exploré les terres arctiques.
Il a aimé avec passion plusieurs femmes, cheminé avec un elfe dans les landes de l'Écosse, et reçu la visite de la Vierge. Il vit dans le souvenir de son frère Platon, mystérieusement disparu, un soir d'hiver, dans les marécages de Sibérie.
S’il est un livre lumineux, transcendant, telle une clairière imprévisible après une longue marche. Une source saluée en plein désert. Le monde entre les mains, telle une mappemonde qui enseigne l’édénique. C’est « Le Livre de Pacha » pas soudainement, mais inscrit dans la pierre depuis la nuit des temps.
La majestueuse écriture de Véronique Sales, essentielle , vibrante qui conte « Le Livre de Pacha », litanie spéculative et enchanteresse. L’impression fulgurante d’atteindre le macrocosme littéraire.
Ce livre d’atmosphère, d’ambiance, d’intériorité et des grandes importances, est le défilé des vies. Il fusionne d’emblée avec son auditoire. On écoute, on ne lit plus ce chant bleu nuit, regain et phénoménal. Ce serait comme une voix qui délivre l’histoire de vie de Pavel Kiriline, chaman et ethnologue aux mille et une vies. Les entrelacs sont d’une beauté infinie, rémanence et arc-en-ciel, presque surnaturels, comme un lac insondable qui s’accorde aux mystères. Le petit frère de Pavel disparu. Ici, les couleurs et les âmes, les formidables prières au temps, les farandoles avec les ours, les pêches dans un torrent initiatique. Le chaman Pavel est un mythe réalisé. « Il n’y a plus de place pour l’onirique et l’impalpable, disparus avec la discrétion et la célérité des rêves qui ont dit ce qu’ils avaient à dire et n’y reviendraient pas. »
Pavel dont les images pavloviennes encensent ses souvenirs. Ce qui fût de ses expériences, ses périples, ses amours, ses femmes et ses milliers d’enfants. La féérie d’une trame spéculative. Dans le crépuscule de ses jours, condamné à perdre la vue, « est-ce qu’on oublie, demande-t-il finalement, ceux que l’on a aimés, et plus particulièrement, définitivement, sans recours, lorsqu’on y voit plus ?…. Tacha, nous allons te faire roi, tous les peuples se plieront à ta volonté. »
Lui, le chaman aux multiples visages, aux fleuves pour chevelure, aux étoiles pour mémoire, lui, l’ethnologue universel. Il laisse l’épars fuir subrepticement.
« Tout était merveilleux et périssable, du sable entre les mains, le va-et-vient de la mer, le doux bruit de la pluie. »
On aime se perdre exprès dans cette trame où palpite l’intrinsèque et ce qui dépasse tous les entendements des normalités. Comme une échappée en plein galop dans le labyrinthe du méconnu pour le commun des mortels. On aime les murmures, les prières douces, « Le Livre de Pacha » cloches qui carillonnent en haute-montagne et au plus profond des consciences.
La magie précise et rigoureuse, patiente, dont la ténacité est musique et chant et siamoise avec Pavel Kiriline dont on aime le nom de toutes nos forces. Ethnologue, l’amour pour l’humanité, encore pour longtemps sur ses yeux endormis de silence et opacité.
Ce livre d’une douceur infinie est une jachère fleurie. Une cabane dans la forêt mystique. Une littérature allouée à l’essentialisme. Cette fresque métaphorique est grandiose. Conte parmi les contes, Melchior le mage, Pavel, Pacha, Platon, « tout est lisible et persistant... »
L’invocation, « Le Livre de Pacha » intemporel, la marche du monde. À noter une magnifique couverture de Henri-François Serres Cousiné. Publié par les majeures éditions Vendémiaire. En librairie le 6 janvier 2023.
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