"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quand on lui demandait pourquoi il voyageait, Montaigne répondait : «Je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.» Mais même celui qui sait ce qu'il cherche ignore ce qu'il va trouver car voyager, c'est toujours s'ouvrir à l'inconnu en multipliant les possibilités de rencontres.
La scène se passe à Calcutta, en février 1987. Un homme est assis par terre dans le parc de Maidan. Entouré d'enfants qui le regardent fascinés, il est en train de jouer au bonneteau. Cet homme s'appelle Dennis. Originaire des États-Unis, il parcourt le monde depuis plusieurs années. S'il n'a rien d'un gourou, aller à sa rencontre n'est pas sans péril. Clochard céleste planté sur deux béquilles, il risque de faire vaciller les valeurs auxquelles vous croyiez avant de le connaître.
Avec le Joueur de bonneteau, Marc Pirlet nous livre un récit initiatique qui entraîne le lecteur sur les routes de la liberté.
Murmure des soirs est une maison d’édition belge que je connais depuis quelques années. J’y ai suivi Paul de Ré avec la Pierre au cœur (T1 & T2), Mademoiselle de chez ces gens-là et Les secrets du bastidon bleu, François Tefnin avec Est-ce que tu as la clé ? ou encore Michaël Lambert avec Mad ou Pierre Höffelinck et Les héritiers de Portavent. Je poursuis la découverte d’auteurs belges aidés par cette maison avec Marc Pirlet et Le joueur de bonneteau. Une belle découverte vécue grâce à Murmure des soirs Babelio que je remercie.
Le personnage central de ce roman écrit à la première personne. Privilège d’un auteur de tenir la plume qui raconte un autre ou de faire porter à son héros un costume qui, en vrai, est le sien ? On ne le saura pas avec certitude et on n’a pas à le savoir. Qu’il soit autobiographique ou non, le récit nous parle d’aventures, de rencontres, de recherches de soi en passant par les autres. Un chemin de liberté et d’humanité.
Dennis, américain d’origine, est un nomade. Grands voyageurs, lui et sa paire de béquille, sillonnent le monde, celui des chemins de traverse, celui où les pauvres et les délaissés du monde se croisent, s’assoient par terre et partagent le temps et la vie dont ils restent maîtres. Peu importe le pays, les habitants vrais, forts et droits sont hors des sentiers touristiques. Dennis ne fait pas exception. Il est joueur de bonneteau. Ci et là, à la sauvette, il est prêt à pigeonner le touriste naïf et à se faire quelque argent pour poursuivre son voyage et, en grand seigneur, assis dans un parc de Calcutta, il offre une démonstration de son habileté aux enfants émerveillés qui n’arrivent pas à suivre la pièce sous ses trois godets. Là, comme partout, il est de passage.
Quand le narrateur se lie avec lui, il ne sait pas encore que ce clochard devant l’éternel est, en fait, un sage qui bouscule bien des façons de voir et d’appréhender la vie. Ses valeurs sont celles d’un bout de route partagée, de la certitude que le chemin est plus important que la destination et que les vraies rencontres sont celles qui ne retiennent jamais l’autre prisonnier.
Avec une écriture très fluide, rythmée par des phrases courtes, Marc Pirlet nous offre des tranches de vie qui épousent le temps qui passe sans jamais vraiment jeter l’ancre et se laisser retenir à un seul endroit. Son livre s’ouvre, on y entre, on y vit de belles rencontres et on le referme prêts à rebondir vers un ailleurs, un autrement. Le monde n’a pas changé. Mais, plus riche de l’avoir lu, sans avoir l’impression d’en dépendre, le lecteur peut apercevoir autrement le mouvement du monde et ses pauses. Il invite à l’essentiel, notre lien à nous-même et aux autres. Libres !
« Je n’ai aucun conseil à te donner. Ni moi ni personne. Interroge-toi et trouve ta réponse. Tu es le seul à savoir ce qui est bon pour toi. »
« Qu’est-ce qu’un routard ? Un sac à dos, un jean élimé, cet air de ne tenir à rien que donne la liberté ». C’est par ces mots que Marc Pirlet nous invite à le suivre à travers ce récit, qui sera, à ce que j’ai compris, plus qu’un récit de voyage. C’est une rencontre, une amitié, qui mènera vers d’autres rencontres et amitiés. Ce petit livre très court, écrit à la manière d’un journal, décrit des pays, des villes, des gens, bien souvent miséreux, dans cette Inde mystérieuse où le narrateur posera son sac à dos. C’est là qu’il rencontrera et qu’il suivra Dennis, cet autre routard, plus aventurier et téméraire. D’aventures en aventures, ils apprendront à se connaître et à se raconter.
J'ai aimé la sobriété du style, tout en pudeur. Marc Pirlet, à travers son histoire, nous raconte le destin d'autres que lui, qui, épris de liberté, ont décidé un jour de tout plaquer pour vivre la vraie vie, celle d’un ailleurs, où tout est possible. Citant Baudelaire pour qui « Tout homme qui n’accepte pas les conditions de sa vie vend son âme », il fera le choix de cet ailleurs. Une belle découverte, aussi bien de l’auteur Marc Pirlet que de cette maison d’éditions Murmure des soirs, que je remercie ainsi que Babelio de m’avoir permis de les découvrir.
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