Des conseils de lecture pour faire le plein de découvertes
« Prénom ? Roman, Romain, Romouchka, Émile.Nom de famille ? Kacew, de Kacew, Gari, Gary, Ajar, Sinibaldi, Bogat. Lieu de naissance : Wilno, Koursk, Moscou, steppes russes, en 1914, en mai, en décembre, dans l'après-midi... » Difficile de mettre de l'ordre dans la biographie hors norme de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur. Homme célèbre qui s'est suicidé en 1980 après une carrière littéraire fulgurante. Mystificateur. Enfin, illusionniste qui jonglait avec les faits et les inventions, avec ses histoires et celles qu'il entendait, créateur infatigable de son opus magnum : sa propre biographie.
Seule Agata Tuszy ska, l'autrice de Wiera Gran l'Accusée et de La Fiancée de Bruno Schulz pouvait relever ce défi ! Elle se met en scène, enquête pour chercher la vérité, tente de dévoiler les nombreux portraits de son personnage et engage avec lui un dialogue tout en essayant de résoudre les mystères de l'identité juive de l'auteur de La Promesse de l'aube - et de la sienne. Elle évoque sa mère dominatrice et fascinante, Nina Owczy ska, leur séjour de plusieurs années à Varsovie dans les années 1920, la route pour Nice, les deux mariages tempétueux de l'écrivain (dont celui avec la star de Hollywood Jean Seberg), sa carrière artistique et celle de diplomate. Elle raconte sa faiblesse pour les pseudonymes, les destins parallèles et le jeu. Dans Le Jongleur, Agata Tuszy ska peint un portrait unique de Romain Gary, et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines. Jongler devient ainsi la métaphore de l'art.
Traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski
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Toute sa vie, Romain Gary aura brouillé les pistes, reconstruisant sans cesse son personnage, accumulant les affabulations, se dédoublant en multiples identités, faisant en définitive de son existence un véritable matériau créatif, malléable, sublimable jusqu’à l’oeuvre d’art. Jusqu’à s’y perdre aussi, pris à son propre piège. L’universitaire, journaliste et écrivain polonaise Agata Tuszynska, connue pour ses biographies et ses récits d’inspiration autobiographique, évoque le parcours de ce « jongleur » d’exception, aviateur et Compagnon de la Libération, diplomate et écrivain aux deux prix Goncourt, dans un récit documenté où se mêlent des éléments de sa propre histoire.
Roman Kacew, Romain Gary, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat, Emile Ajar : le romancier s’est si bien démultiplié pour mieux se réinventer qu’il a fini par se retrouver menacé par son propre double. Bien avant ce summum de la mystification, il n’avait cessé de réécrire ses différents rôles, se choisissant une ascendance tartare et une filiation avec le comédien et réalisateur russe Ivan Mosjoukine, s’affirmant demi-juif seulement et fils unique sans père. D’ailleurs, qui ne connaît l’amour follement fusionnel, au coeur de La promesse de l’aube, qui l’unit si exclusivement à sa mère ? Pourtant, l’écrivain avait bel et bien des demi-frères et sœur, dont il ne parla jamais : Walentyna et Pawel, issus des secondes noces de son père Leïb Kacew et morts adolescents en déportation, mais aussi Josef, enfant d’un premier mariage de sa mère Mina, et qui, lorsque Roman avait huit ans, vécut un an sous leur toit, à Wilno en Pologne – aujourd’hui Vilnius en Lituanie.
Rendue particulièrement sensible, par ses propres origines et par les silences de sa mère rescapée du ghetto de Varsovie, au vécu du jeune Roman, sauvé quant à lui par leur départ pour Nice, sa mère et lui, en toute fin des années 1920, Agata Tuszynska a fouillé les archives, parcouru les lieux sur les traces de l’enfant, du jeune homme, puis de l’homme et des siens. Avec autant de méthode que d’empathie et de finesse, elle lève les zones d’ombre, rectifie les mensonges et les omissions tous révélateurs de vérités psychologiques profondes, reconstitue dans toute sa complexité la personnalité de Gary, ses formidables ressorts en même temps que ses failles et blessures. Loin de la biographie distanciée, son récit la voit s’impliquer personnellement, s’adresser à l’écrivain comme si elle lui tendait le miroir qui le dévoilait conteur de son propre mythe, enfin en dresser un portrait sans concession, débarrassé de sa sublimation romanesque. Toujours, dans cette narration, le parcours de Gary apparaît marqué à l'encre indélébile de l'Histoire, plus précisément, - et c'est là que le vécu de l'auteur contribue à sa perspicacité - à jamais infléchi par la déflagration de la Shoah et par ses répercussions sans fin sur la mémoire et la manière d’être des survivants et de leurs descendants.
A la fois très personnel et solidement étayé par un important travail d’enquête et de documentation, le regard hautement empathique d’Agata Tuszynska fait place nette des idées reçues pour un portrait réaliste, en tout point fascinant, d’un homme qui, non content de son destin déjà exceptionnel, s’attacha constamment à le réécrire.
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