"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
1792, les Jacobins ont pris Paris et fait tomber le roi. La France est en révolution, autant dire en plein chaos. Lyon, cité marchande qui se découvre rebelle, va se trouver propulsée en travers de l'Histoire.
Du pays entier, et en particulier du Forez, tout un peuple y afflue, gardiens improvisés d'une nouvelle Troie. Trahisons, sensualité, honneur des combats et sauvagerie de la guerre civile : on est emporté dans cette fresque comme dans un brasier, et les trajectoires des familles Pierrebelle et Conche nous tendent un miroir où se reflète la destinée de la France.
Jean, Camille, Sophie, Rambert... Dans la cité à vif, au long du « fleuve guillotine », personne ne sera épargné.
Sous la plume d'Antoine de Meaux, les trajectoires fulgurantes d'une poignée d'individus entraînent le lecteur dans le tourbillon de cette période où s'affrontent deux visions irréconciliables. Le basculement, dans la douleur, d'un monde vers un autre.
Voilà un primo-romancier qui n'a choisi ni la facilité, ni l'air du temps, mais pris le parti de nous replonger dans l'une des périodes les plus mouvementées de notre histoire : la Révolution. Il le fait avec talent et surtout une belle maîtrise. D'un coup, le lecteur se trouve comme transporté dans le temps, au milieu du bruit et de la fureur, d'un monde en train de disparaître dans des flots de sang. On pense un peu à La Religion de Tim Willocks pour la science du récit des affrontements, mais en beaucoup plus fin et bien mieux écrit.
De la Révolution Française, à moins d'avoir étudié la période de bout en bout, on connaît surtout les grandes phases, les événements parisiens, ainsi que les épisodes vendéens qui ont fait l'objet de nombreux livres et films. Beaucoup moins la façon dont la contre-révolution a été matée à Lyon et dans sa région alors que des gentilshommes fidèles au roi même après son exécution et surtout désireux de ne pas céder à la terreur - ni aux diktats parisiens - auront résisté jusqu'à la mort. Antoine de Meaux s'est donc glissé dans les pas de la noblesse lyonnaise et plus particulièrement de la famille de Pierrebelle dont quelques membres ont assisté le 10 août 1792 à la prise du Palais des Tuileries, prélude à la chute de la famille royale. Charles de Pierrebelle y a laissé la vie, sous les yeux de son frère Jean alors qu'accompagnés de leur beau-frère Louis du Torbeil, ils faisaient face aux hordes de révolutionnaires déchaînés. Rentrés à Lyon, ils réussissent dans un premier temps à reprendre la ville même si le temps joue contre eux. Car alentours, dans les campagnes, le peuple gronde, la machine est lancée et elle ne s'arrêtera pas.
Sous la plume de l'auteur, la fureur est palpable, le sang coule, les cris et les chants accompagnent les exécutions et les assassinats, les visages sont déformés par la haine. "Toute cette affaire, au fond, n'était pas compliquée. La nation sécrétait en son sein un corps étranger. Afin d'assurer l'ablation de cette tumeur, il fallait charcuter. Le sang giclerait, çà et là. Il serait toujours temps, plus tard, de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie, entre ceux qui, par niaiserie, s'étaient laissés entraîner, et les meneurs, qui connaîtraient bientôt le glaive de la nation, ou plutôt son rasoir". Dans la famille Pierrebelle, chacun est engagé à sa manière dans les combats. Les chocs sont rudes et bientôt, il ne faudra plus songer qu'à sauver sa peau...
Ce qui est remarquable dans ce roman, c'est la façon dont il parvient à inscrire les destins individuels de quelques personnages dans une Histoire en marche et un collectif. Tout est groupe, armées, hordes, files de condamnés. Même les fosses sont communes car au rythme où l'on exécute, il n'y a plus le temps de penser aux sépultures. Là où nombre de livres nous accrochent aux basques de héros porte-paroles, celui-ci s'attache à nous donner une vision d'ensemble, comme un immense tableau figurant des combats où l'on pourrait soudain reconnaître l'un ou l'autre des personnages. Ils sont tous des témoins. Mais ils ne vivront pas tous suffisamment pour le raconter.
Pas de méchants ni de gentils, le propos est ailleurs à montrer un monde qui bascule et des individus pris dans la tourmente. Une fresque historique enthousiasmante et ambitieuse, servie par un récit enlevé et passionné. Bluffant.
"68 premières fois", l'exploration des premiers romans de la rentrée d'automne. Egalement sur motspourmots.fr
Oui ! beaucoup aimé ce roman historique qui raconte la résistance et le siège de Lyon en 1793 par l'armée des soldats de la Nation.
Beaucoup aimé parce qu'il place le lecteur dans l'intimité des consciences, prises par l'hébétude, le trouble ou au contraire fraternellement engagées contre une Révolution qui disloque la société entière, au sens propre..
Qu'on se retrouve aussi au plus près des corps, dans la description des sensations, souvent terrifiantes ou étranges des odeurs, visions inconcevables, dans celle des émeutes, combats, exécutions ... un peu d'amour et de (bonne) chère aussi de temps en temps.
Une vraie découverte, sombre sombre... mais portée par un souffle et une complexité salutaires !
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