Basil Zaharoff, puissant homme d'affaires et légendaire marchand d’armes
Magnat de la presse, de la finance et du pétrole, ami et complice de tous les chefs d'Etat, mais également mécène de toutes les causes, son influence sur le monde a été aussi néfaste qu'invisible.
De la boue des tranchées aux hôtels de luxe à Monaco, de la répression des grèves à l'assassinat de Jaurès, de Cuba à la Namibie en passant par les Balkans, il a profité de tous les conflits armés et sociaux.
Jusqu'à son dernier souffle, il a manoeuvré sans éthique et sans remords pour nourrir la guerre.
Basil Zaharoff, éminence grise des grandes puissances, légendaire marchand d'armes du XXe siècle, est ce diable qui parle toutes les langues.
Basil Zaharoff, puissant homme d'affaires et légendaire marchand d’armes
Le personnage central de cet histoire est au début du roman âgé et mourant. On pourrait presque pendant quelques pages éprouver une sorte d’empathie pour lui et son triste sort d’humain en bout de course. Mais en découvrant à qui on a affaire, le regard évolue. C’est l’histoire d’un homme qui a réussi, si tant est qu’accumuler une fortune colossale, être décoré de multiples médailles et affublé de titres honorifiques est un signe de réussite. Or derrière le personnage public et le mécène, se cache un marchand d’armes opportuniste et peu scrupuleux, se nourrissant à tous les râteliers pourvu que, grâce aux transactions, l’or s’entasse.
Un deuxième personnage avide l’accompagne et même le guide dans ce commerce occulte, son épouse Pilar.
Au milieu de toute cette abjection, on fait connaissance avec sa fille, qui l’assiste dans ces moments qu’elle sait être les derniers, et la jeune fille s’efforce de compenser les méfaits de son père par de multiples actions humanitaires, de racheter la conduite paternelle, d’autant que ce qu’elle découvre dans les écrits qu’il lui a laissés est encore au delà de ce qu’elle imaginait.
L’homme en fin de vie ne regrette rien, tente même de justifier ses faits et gestes, parce que si ce n’avait été lui , un autre l’aurait fait…Sans jamais prendre en considération les millions de morts qu’il devrait avoir sur la conscience.
Un talent immense pour le commerce, mis au service des actions les plus viles des décideurs pris au piège d’une boulimie d’un vain pouvoir.
C’est très instructif sur le plan historique, sur cette période qui couvre la fin du dix neuvième siècle et le début du vingtième. Un bel effort de documentation. et un personnage si détestable, qu’on reste marqué par ce roman.
Dans « Le diable parle toutes les langues », Jennifer Richard nous livre les derniers moments de la vie de Basil Zaharoff, homme d’affaires puissant ayant bâti son colossal empire, regroupant organes de presse, sociétés d’investissement et groupes pétroliers, sur la vente d’armes et son paradoxal corollaire, la création de fondations et l’octroi de généreuses donations. Une façon de se racheter une conscience ou de paraître en être doté ?
Né en 1849 dans une famille de commerçants grecs installée à Constantinople, le petit Basil comprend très vite les rouages du commerce, domaine dans lequel il excellera sa vie durant, ainsi que le fonctionnement de la société au sein de laquelle il grandit et évolue. En effet, à cette époque, l’Empire Ottoman, vacillant, malgré tous les efforts déployés pour demeurer une puissance régionale stratégique, s’essouffle et vit ses derniers instants. Comme dans tout empire en proie à la dislocation, les premiers à payer le prix de l’imminente chute font partie des minorités, nombreuses au sein de ce vaste territoire.
Basil Zaharoff, dès son plus jeune âge, intègre le fait qu’il appartient à l’une d’entre elles en même temps qu’il appréhende les rapports de force régissant son environnement et régulant la marche du monde. Il se fait alors une promesse : issu d’une minorité opprimée, statut qu’il rejette, il accèdera aux cercles restreints des élites oppressantes, pour finir par dominer ces dernières en se rendant indispensable auprès d’elles. Celles-ci, avec une hypocrisie à peine dissimulée, n’hésiteront même pas à le décorer des honneurs les plus distinctifs, presqu’à l’élever au rang de héros, lui qui aura entraîné la mort partout sans jamais avoir foulé la terre d’aucun champ de bataille.
Cette promesse solennelle l’amènera à convoler avec les dirigeants d’Etats de l’époque en jouant sur tous les tableaux sur lesquels il pouvait avancer ses pions, vendant ses armes à tous les camps belligérants, surpassant même ses concurrents, n’ayant d’autre intérêt que la rentabilité de ses activités mortifères.
Cependant, l’ironie du sort voulut que Sir Basil Zaharoff, qui, par ses juteux contrats, avait scellé le destin de milliers d’innocents, se retrouva pétri d’angoisse face à sa propre mort, hanté par les fantômes de sa vie passée, qui ne le laisseront jamais reposer en paix.
Par une volonté d’expiation, par souci de repentance ou simplement mû par le désir de s’expliquer et de laisser une trace, Zaharoff confie ses mémoires à l’une de ses filles adoptives, Angèle, qui, par son sens moral irréprochable, constitue le juge idéal de la figure paternelle. Loin d’être dupe sur l’origine de la richesse familiale, elle découvre entre les lignes de son père un homme froid, calculateur et d’un cynisme sans précédent, comme l’on peut s’y attendre, mais aussi un petit garçon cherchant, à n’importe quel prix, à impressionner celle qui fût son grand amour, en la personne de Pilar, sa propre mère, qu’elle découvre sous un jour beaucoup plus sombre et cruel que l’image qu’elle s’en était forgée.
En donnant la réplique au personnage de Sir Basil Zaharoff, figure de premier plan des conflits qui ont ravagé la fin du XIXème et le début du XXème siècle, étrangement absent de nos livres d’Histoire, Jennifer Richard nous emmène dans un dialogue père-fille où s’affrontent sans relâche la droiture et l’immoralité les plus tranchées. Enfin, l’auteure nous offre le spectacle du déclin d’un homme, autrefois entouré des plus puissants, s’apprêtant à mourir seul, torturé par ses démons, dans l’indifférence générale et la désapprobation d’une des seules personnes qui ait réellement compté pour lui.
Les guerres sont souvent une source d’inspiration pour des romans. J’ai plutôt lu des livres sur des personnages qui la mènent ou la subissent.
Avec le diable parle toutes les langues, on découvre celui qui y trouve son compte et qui la nourrit. Enfin, comme il dit, lui ne tue pas, il vend des armes. Basil Zaharoff vend des armes mais il ne se limite pas à ce commerce, pour étendre son influence il détient la presse aussi, la banque, se lance dans le pétrole, la banque. Bien sûr, pour être au sommet de tout cela, il créait les bonnes relations dans les hautes sphères.
On découvre son histoire à travers son journal qu’il donne à sa fille adoptive. C'est écrit à la 1ere personne essentiellement mais aussi avec la présence d'un narrateur extérieur qui décrit les derniers jours de Basile.
C’est un personnage assez détestable, égoïste, froid, intéressé, manipulateur mais le ton du livre est comme neutre. Pour Basil, tout son succès est une évidence.
L’histoire est captivante, ce personnage qu’on aime détester est impressionnant dans ses convictions, calculateur, décrit comme infaillible un peu à l'image des photos de l'homme que j'ai trouvées le menton haut, le regard sévère. Enfin le style est sobre et entraînant.
« Plutôt que d’asseoir ma supériorité à coups de canne, j’ai toujours préféré ôter mon chapeau devant la personne que je dépouille ».
Cette phrase ne peut résumer le dernier livre de Jennifer Richard « Le diable parle toutes les langues » mais illustre littéralement le personnage de Basil Zaharoff, plus Méphisto que le maître des enfers et qui a soudoyé des centaines de Faust avides non pas de jeunesse éternelle mais de pièces sonnantes et trébuchantes, peu importe si elles avaient les marques de sang.
D’origine probablement grecque, ce marchand de canons est né dans l’Empire Ottoman, à Mugla. La famille s’est exilée mais sa terre restait Constantinople. De son vrai nom Vasilios Zacharias, avant qu’il ne lui donne des accents russes, avait probablement au fond de son esprit une triade qu’il n’a cessé de développer : la corruption, l’art de jouer les pays les uns contre les autres pour vendre des armes et la création d’argent par le crédit. Un côté Raspoutine en mode XXL.
L’autrice Jennifer Richard – qui a signé un remarquable précédent ouvrage Il est à toi ce beau pays, a puisé son inspiration à la fois dans les écrits autobiographiques de Zaharoff et les biographies existantes, biographies plus ou moins fantaisistes. Là, point de compassion ou d’oublis, ce Satan belliqueux apparait dans tout son cynisme manipulateur.
Quelques semaines avant son trépas, Zaharoff réalise que la Grande Faucheuse va l’emporter lui aussi et que la vieillesse est un naufrage. Lui, comment est-ce possible ? Le bienfaiteur de l’humanité qui s’amusait à passer pour un philanthrope à coups de billet pour les associations caritatives – Charity business avant l’heure – et à collectionner médailles et autres hochets de glorification. Décider des guerres – sans mettre un pied sur les terrains minés – est la plus juteuse source de richesse et de reconnaissance aveugle. Devant le constat de sa déchéance physique il remet à se fille Angèle – qui n’était en réalité que sa belle-fille – ses mémoires. Mémoires qui ont le goût d’une confession mais noyée dans l’âme noire de celui qui s’est pris pour un démiurge de l’univers.
Mais il avait un mauvais génie. Sa compagne – épousée tardivement – la princesse Pilar, femme d’un grand d’Espagne avec une raison enfouie dans les profondeurs des démences, dissimulait sous son charme et sa beauté un appétit cruel pour le luxe et la célébrité. Un couple baroque dans son sens le plus péjoratif.
Derrière les perversions machiavéliques de Zaharoff, c’est tout un portrait des profiteurs de la misère humaine qui est peint à coups de plume trempée dans les veines des maîtres de guerre : ceux qui investissent dans la technologie pour tuer plus vite, plus en nombre tout en invoquant – déjà au dix-neuvième siècle – le bienfait des conflits pour apporter de l’humanité face aux territoires menacés. Mécanisme impitoyable entre machines d’acier et de plomb, pouvoir politique et haute finance internationale.
Un roman aussi déconcertant que captivant, non dénué d’humour noir, mais avec une histoire hélas toujours d’actualité ; les hommes aimant s’enrichir et affirmer leur existence sur les fracas des balles et les effluves numéraires.
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