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« La plupart des acteurs et des metteurs en scène aujourd'hui n'ont rien vécu ; ils ne connaissent même pas Gilles de Rais(...) Il n'y a plus de culture, merde.! » (Gérard Depardieu) Etre acteur ou Français ? Même combat ! Même épuisement du mythe derrière les répliques, les protestations qu'on est soi, les effets voulus de la « French touch »... Et cette parodie du parodique, qui mieux l'incarne sinon Gérard Depardieu ? L'homme passé à l'Est pour causes fiscales, devenu citoyen russe après avoir endossés tous les rôles, avoir tout digéré d'une immense fatigue du « jeu » : du « je » français.
Richard Millet scrute la filmographie mais aussi le personnage qui s'est créé au fur et à mesure que la dérision, mais aussi la révolte, grandit en Depardieu. « Qu'est-ce que Depardieu aujourd'hui pour les Français ? Un héros ? Les héros sont morts avec les saints. Un miroir ?
Une projection ? Chacun peut se reconnaître dans ce corps aujourd'hui monstrueux, nourris de tous nos excès et de nos désillusions... » Ne le reconnait-on pas à ce formidable refus d'être fondu, enterré vivant dans la masse : « il est le corps français, éructant, pétant, humant, vomissant, et riant aux éclats, comme on le fait dans la province française, où le rire est souvent un viatique. » Refus d'être américanisé, fait notable chez pareille star : « cette résistance se manifestant également par la production de films de Satyajit Ray et l'achat des droits de l'oeuvre de John Cassavetes pour les rendre de nouveau visibles en France ainsi que les longs métrages du fils, Nick Cassavetes, dont Décrocher les étoiles, où il joue avec Gena Rowlands. En cela, il est politique » Si Gérard Depardieu sait « jouer » la France, c'est pour en ouvrir les entrailles sans concessions et nous forcer à regarder en face la vérité des régressions et des pertes. Exemples célèbres : le mensonge du devoir de jouissance prôné par Mai 68, quasi à égalité avec le devoir de mémoire, dénoncé à travers Les Valseuses (B. Blier, 1974), l'épreuve de forces, jouée de manière unique et sans fard, radicalement à contretemps des modes, dans Sous le soleil de Satan ( M. Pialat, 1987) pour désigner la réalité mystique, chrétienne, désormais reniée, et jusqu'au saisissant rabaissement de l'homme politique français révélé par son DSK de Welcome to New York (A Ferrara, 2014) en passant par la navrante recette muséologique des films historiques (Cyrano de Bergerac de JP Rappeneau, 90).
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