"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une histoire en 2 tomes
Montpellier, 1976 : Angelita prend le train en urgence pour rejoindre sa mère hospitalisée à Barcelone où, pourtant, elle avait juré de ne plus jamais revenir. Fille de réfugiés espagnols, Angelita a perdu son père à l'âge de 8 ans. Il fut l'un des prisonniers du tristement célèbre convoi des 927 vers Mauthausen, parti de Perpignan et d'Angoulême où les autorités françaises avaient parqué les réfugiés espagnols. Séparée de son père lors de son arrivée en France, Angelita n'en sait pas davantage que ce que l'administration a bien voulu leur délivrer comme informations, à sa mère et elle, en 1945, à la fin de la guerre. Mais elle va découvrir que ce qu'elle a toujours tenu pour acquis (la mort de son père en déportation) pourrait bien s'avérer un mensonge.
S'inspirant de l'histoire de la propre famille du dessinateur Eduard Torrents, Denis Lapière nous entraîne avec lui dans les heures sombres de l'histoire européenne du XXe siècle, levant le voile sur un épisode peu connu de l'histoire de la guerre d'Espagne et de la collaboration française avec les nazis. Quand destins individuels et histoire collective s'entrechoquent au sein d'une même famille... La perte, mais aussi les retrouvailles et la vie au-delà des drames.
Voilà une période de notre histoire récente qu’il faut continuer à sortir de cet oubli bien confortable : l’accueil réservé par la France aux Espagnols fuyant la dictature de Franco en 1939 et une guerre civile sans pitié pour les Républicains en train de céder.
Récemment, j’ai vu l’excellent film d’animation signé Aurel : Josep, hommage au dessinateur Josep Bartoli, lui aussi interné au camp d’Argelès, près de Perpignan. Là, je termine le la première partie de la BD signée Eduard Torrents et Denis Lapière : Le Convoi.
Un même sentiment mêlé de honte et de gêne me gagne en suivant la petite Angelita et ses parents fuyant les bombardements italiens sur Barcelone. Et oui, la République espagnole attaquée par le général Franco était bombardée par les avions envoyés par Mussolini. D’autres l’étaient par Hitler, comme à Guernica ! Il faut ajouter à cela les fournitures d’armes et bien d’autres soutiens obligeant les Républicains et les Brigades internationales à reculer.
Bref, je ne veux pas retracer une histoire bien complexe mais m’attacher aux pas d’Angelita qui vit à Montpellier. Nous sommes le 18 novembre 1975. Soudain, elle est appelée depuis Barcelone où sa mère, Julia, qu’elle croyait en Auvergne, vient de faire une crise cardiaque.
Avec René, son beau-père, le second mari de sa mère, elle part au chevet de celle-ci. Dans le train, René lui demande de raconter ce dont elle se souvient car Angelita avait huit ans lorsqu’ils ont tout laissé pour gagner notre pays où l’accueil a été absolument ignoble.
La frontière franchie après des heures d’attente, c’est la séparation des hommes d’avec leur femme et leurs enfants et le camp d’internement à Argelès, sans le moindre bâtiment. Il faudra plus d’un an pour que les conditions de vie s’améliorent… mais quelle indignité !
La lecture de cette bande dessinée de facture classique est aisée. Les dessins de Eduard Torrents sont soignés, bien mis en couleurs par Marie Froidebise ; Denis Lapière assurant un scénario bien construit. J’ai été impressionné par les expressions de visages, soulignant une souffrance terrible, celle de l’arrachement à sa ville, à son pays natal. J’ajoute qu’une énorme surprise m’attendait à la fin du premier tome et cela fait que je me plonge sans délai dans le second.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Dès les premières pages, on fait connaissance avec une jeune femme Angelita, au petit accent espagnol, qu'on devine mal dans sa peau. Nous sommes en 1975, à Montpellier. Voilà qu'un coup de fil de son beau-père René lui apprend que sa mère Julia qui devait se trouver avec un groupe d'archéologues en Auvergne vient d'être hospitalisée à Barcelone. Ils prennent aussitôt le train pour s'y rendre. Durant le voyage, son beau-père, René, lui demande de lui parler d'elle. "De maman ? - Oui. Comment vous êtes arrivés en France ce que vous avez vécu dans les camps et la... la disparition de ton père... Elle ne m'a presque rien raconté de tout ça. Elle n'aime pas en parler."
Et Angelita se met à raconter comment début 1939, à l'âge de huit ans, elle a dû partir avec ses parents pour fuir Barcelone bombardée presque chaque jour, même si son père aurait voulu rester et trouver des volontaires pour rejoindre les brigades et essayer de défendre la ville. À un moment leur bus est stoppé et ils doivent avec les autres fugitifs continuer à pied dans le froid et la neige pendant deux jours et deux nuits. Arrivés à la frontière, ils sont dirigés vers la gare où les hommes sont séparés des femmes et des enfants. Pour Angelita : " la séparation d'avec mon père fut un anéantissement". Elle apprendra à la fin de la guerre, le décès de son père au camp de Mauthausen. Avec sa mère Julia, elles sont conduites au camp d'Argelès : "C'était un enfer qui nous attendait."
Le Convoi nous plonge dans ce drame que fut "la Retirada", un épisode encore méconnu de l'histoire contemporaine. Trois années de guerre civile espagnole (1936 - 1939) opposent les Nationalistes aux Républicains, Franco finit par s'emparer de Barcelone et les républicains espagnols se pressent alors vers la frontière. De l'autre côté des Pyrénées, ils sont dirigés vers des camps improvisés et insalubres, dans un dénuement total. Certains seront même déportés dans les camps de concentration nazis.
En partie basée sur des souvenirs familiaux d'Eduard Torrents, le dessinateur, Le Convoi s'appuie sur des faits réels survenus dans de nombreuses familles catalanes. Cette bande dessinée est d'autant plus bouleversante qu'elle n'est pas imaginaire. Elle nous questionne fortement sur notre sens de l'humanité car c'est la nature humaine dans tous ses travers qui nous est présentée là.
Les derniers jours à Barcelone, le questionnement lors de l'arrivée à la frontière, la séparation et la découverte de leur camp d'accueil sont particulièrement bien réussies au niveau dessin et couleurs. Ces évènements encore trop peu connus sont particulièrement bien présentés et de façon très claire.
Un premier album fort réussi, au terme duquel, un fait bouleversant nous incite et nous oblige à découvrir sans tarder le deuxième !
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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