"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Des veaux assassinés à coups de serpe, Francis Cabrel, un intermittent de l'étable et une pétulante légiste, un cimetière abandonné de Dieu, un puits où l'on puise du vin, Prévert, des champs d'escargots, des druides et des Magdaléniens, des rognons au xérès, Lovecraft, Bordeaux, un loup qui hurle à la lune, Pierre Desproges, une visite à Brocéliande, Verlaine et Rimbaud, Rouffignac-de-Sigoulès et Mauvezin-sur-Gupie, des coyotes et des dealers...
Voilà ce qui attend Zelda et Louis Nicolas en vacances dans le Sud-Ouest... Et ce n'est pas tout.
Je viens de dévorer le deuxième roman de Bertrand Boileau et j’ai eu l’impression qu’on m’avait servi un délicieux plat sucré-salé agrémenté d’une sauce aigre douce. Excellent !
Louis Nicolas et Zelda, plus amoureux que jamais, préparent leurs vacances qu’ils veulent reposantes, calmes et made in terroir du sud-ouest :
« Zelda y était déjà, elle jouait à la fermière, cueillant les tomates avec une échelle, trayant le bouc… »
Mais à peine touchent-ils du doigt l’ambiance bucolique que déjà elle disparaît : Gastounet, le petit veau est retrouvé mutilé, la chambre d’hôte n’a rien à voir avec l’annonce sur le site, le cimetière de Roufignac-de-Sigoulès est profané, le village abrite une étrange communauté,….
Louis Nicolas comprend alors que « les emmerdes » commencent…
Dans ce livre-là, l’auteur alterne en permanence entre le plaisir et la dure réalité. Leur vie n’a rien d’un long fleuve tranquille et pourtant le couple de tourtereaux réussit à repeindre chaque situation avec amour, humour, philosophie et détachement.
Leur spécialité : se retrouver mêlés à des situations ubuesques, ridicules, qu’ils vont tourner en dérision avec brio.
L’ambiance est mystérieuse et enveloppante malgré l’intrigue.
Je soupçonne Boileau de s’amuser énormément en écrivant et la contagion opère.
Ses personnages sont drôles voire fous dingues, un brin démodés parfois (ou vintage !), complexes et parfaitement adaptés à sa plume fluide et osée, poétique ou crue, tour à tour provocatrice, enfantine ou charmeuse.
Louis Nicolas et Zelda entretiennent une relation tendre, gaie, loin des prises de tête des couples « classiques ». Ils ont mis en place, sûrement inconsciemment, une sorte de système pour évacuer les galères, les meurtres, les peurs : plein de mots tendres, un partage de tout, les bons repas, le sport, les blagues, et même une séance quotidienne d’étude des figures de style de la langue française !
Voilà deux créatifs fascinés autant par les oxymores et les hyperboles que par les histoires de sacrifices angoissants, d’artefacts, ou de nécropoles…
Chaque personnage, chaque lieu, chaque animal ou chaque situation en prend pour son grade, un peu comme on osait le faire dans les années 80.
–Les gendarmes : « Sympathiques, toujours plus assistantes sociales que criminologistes ».
– Le groupe des trois jeunes : « Ils étaient trois vilains, pas comme ces méchants petits conards qui avec la puberté deviennent des cygnes. » ou « De vrais petits mâles humains au pire moment de leur agitation hormonale. »
–La région : « Tous les guides sérieux étaient formels : Le Lot-et-Garonne est en ceci un endroit remarquable qu’il n’y a rien de remarquable. »
–La fermière : « Elle était comme beaucoup de ces femmes agricultrices du Sud-Ouest, en forme de pot à tabac, les doigts cornés et noirs de cicatrices mal lavées… »
–Paroles du médecin : « Quand je me suis installé ici, au début, ils sont tous venus : le Rotary, les francs-maçons, le Lions Clubs, les politiques…Ils voulaient tous m’embrigader. Vous savez, je leur ai répondu, je n’ai pas besoin d’excuses pour tromper ma femme et je les ai envoyés se faire foutre. »
– « Dis donc, demanda Zelda, tu ne trouves pas qu’il ressemble à Alain Chamfort ?
Tu as raison, une bonne tête de chien, des yeux un peu tristes et des lèvres minces ».
Un vrai moment de régal pour qui aime l’humour osé et décomplexé, sans filtre, à la Desproges ou à la Coluche ! Car c’est sûr, ce n’est pas la lecture de « Oui-Oui « !!!
(voir ma chronique sur « le mystère du magot » du même auteur)
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