Un grand roman de l’identité afro-américaine
Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l'une d'elles réapparaît à Mallard, leur ville natale, dans le Sud d'une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles avaient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde. Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps : Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d'une jeune femme Blanche. Mais jusqu'où peut-on renoncer à une partie de soi-même ?Dans ce roman magistral sur l'identité, l'auteure interroge les mailles fragiles dont sont tissés les individus, entre la filiation, le rêve de devenir une autre personne et le besoin dévorant de trouver sa place.
Un grand roman de l’identité afro-américaine
« L’autre moitié de soi » de Brit Bennett est un roman intéressant sur l’identité.
Deux jumelles métisses, encore adolescentes, s’enfuient de leur petite ville pour vivre une autre vie.
Douze ans plus tard, Desiree revient dans sa ville avec sa petite fille mais sans sa sœur jumelle, perdue de vue ; Stella a fait un autre choix, disparaître pour une autre vie, une vie de femme blanche et de mensonges.
Comment vivre en quittant tout, en reniant tout ? Peut-on se construire sur des mensonges ?
Ce roman pose mille questions sur « être soi », trouver sa place, oublier, s’oublier.
J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire.
Années 1950. Louisiane. Desiree et Stella, soeurs jumelles à la peau si claires qu'elles pourraient passer pour des Blanches, disparaissent l'été de leurs seize ans. Quand Desiree revient une décennie plus tard accompagnée d'une petite fille à la peau couleur goudron, tout le village jase. Mais qu'est devenue Stella?
Dans ce récit d'une grande densité, Brit Benett retrace sur deux générations (les mères puis leurs filles) le destin de quatre femmes noires dans une Amérique à peine sortie de la ségrégation où gronde une violence sourde. A travers leurs choix et leurs non-choix, l'autrice aborde avec brio les thèmes de la gémellité mais surtout de l'identité, celle que l'on se construit mais aussi celle que l'on invente. La question de la couleur de peau est ici abordée d'un point de vue extrêmement percutant autour de cette ville où les Noirs semblent blancs et où le racisme se nourrit de la peur et des traumatismes passés des opprimés eux-mêmes.
Le regard que Brit Benett pose sur ses héroïnes est d'une grande douceur et d'une justesse bouleversante. Attachantes et complexes, on les observe au fil des pages grandir et buter contre le monde, se blottir les unes contre les autres puis se fuir pour finalement parvenir à façonner leur propre liberté.
Un roman puissamment féminin. Une oeuvre magistrale sur l'identité.
La petite ville de Mallard en Louisiane,a une particularité, ses habitants sont des nègres très, très clairs. Mallard "une de ces villes qui sont une idée avant d'être un lieu" a été fondée en 1848 par Alfonse Decuir, mulâtre à la peau très claire qui une fois affranchi, décide de construire « une ville pour les hommes tels que lui, qui ne serait jamais acceptés en tant que Blancs mais qui refusaient d’être assimilés au Nègres »
C’est ici que vit la famille Vignes, descendante des Mallard. Août 1954, les jumelles Stella et Désirée disparaissent lors de la fête du fondateur. Âgées de 14 ans, elles ne sont jamais retrouvées.
Les jumelles ont fugué. Désirée qui désire (c’est le mot juste!) être actrice, fuir ce trou et ne veut plus être bonniche chez les blancs. Stella, moins expansive, est entièrement d’accord pour fuir (elle a un tout autre rêve). Soudée, elles trouvent un petit boulot dans une blanchisserie. Ce que Désirée ne sait pas, c’est que Stella déjà fait une incursion dans un magasin pour blancs (nous sommes en pleine ségrégation), et que cela a fonctionné. Alors, là, elle veut être blanche chez les blancs et trouve un nouveau job pour blanche : secrétaire du directeur du grand magasin Maison Blanche. Oui, là encore, elle a réussi et le mensonge fait dorénavant partie de sa vie. Elle épouse son patron « Pas pour lui. Mais j’aimais la personne que j’étais avec lui. » et part vivre avec lui à Boston dans un quartier ultra chic et surveillé parmi des blancs, racistes. Imaginez-la vivre ainsi en cachant la vérité, jamais lâché prise, être toujours sur ses gardes, faire attention à ce qu’elle dit... et lorsqu’elle se retrouve enceinte, si le bébé est coloré, elle préfère avouer un adultère plutôt que le fait d’être mulâtre. Heureusement, la petite fille est bien blanche ! Elle a déclaré sa famille: morte dans un accident de la route. Elle se veut blanche dans un monde de blancs, sans passé.
A l’inverse Désirée est attirée par son côté nègre et épouse un noir de chez noir. La fille qui naît de cette union est aussi foncée que son père.
Les jumelles se construisent à l’inverse et ce livre interroge sur l’identité de couleur. Qu’est-ce être noir et qu’est-ce qu’être blanc ? Mulâtre, vous avez du sang noir ET blanc, alors pourquoi les considérer comme des noirs ? Oui, je sais, la sacro sainte supériorité du blanc.
"on ne se trouve pas comme ça : une identité, ça se construit. Il faut inventer la personne qu’on voudrait être". L’identité, ce n’est pas seulement la couleur de la peau, c’est également la question du genre. Ainsi Reese, le petit ami de Jude (fille de Désirée) se fait opérer pour devenir homme
Brit Bennett montre, à travers la vie des jumelles, que la question d’identité ne se joue pas uniquement sur la couleur de la peau, voire de la gémellité, de l’orientation sexuelle ; chacun construit sa vie, quelque fois comme il veut et souvent comme il peut. Le regard des autres est très important tout comme la famille, son histoire, sa construction. Ainsi Stella depuis le début se veut blanche « C’était pas la première fois…. Qu’elle jouait la Blanche. La ville, ça lui a juste donné l’occasion de le faire pour de vrai. » Les jumelles ne sont pas le miroir l’une de l’autre, mais en contradiction.
Une lecture agréable que j’ai mieux appréciée que son précédent Le cœur battant de nos mères.
https://zazymut.over-blog.com/2022/04/brit-bennett-l-autre-moitie-de-soi.html
Stella et Desiree sont jumelles et blanches ; euh non noires.
Je m'explique : on les prend pour des blanches alors qu'elles sont noires.
Leur père a été lynché sous leurs yeux.
Adolescentes, elles doivent travailler, aller faire des ménages alors elles s'enfuient pour trouver une vie meilleure.
Quatorze ans après, Desiree revient en tenant par la main une petite fille noire comme l'ébène.
Elle n'a plus de nouvelle de Stella. Celle-ci l'a abandonnée ; elle avait besoin de devenir entièrement blanche, ne plus rien à voir avec ses origines noires.
Il est question de racisme, de filiation, de loyauté et de trahison.
Il est aussi question d'amour fraternel qui ne suffit pas, des conséquences sur les générations suivantes, d'intolérance et d'ouverture d'esprit.
L'histoire se déroule sur 20 ans et on s'attache aux personnages avec leurs failles, leur courage et leurs contradictions.
Il y a beaucoup de bienveillance dans ce récit, peu de jugement.
Comme une brasse, l'écriture est fluide, efficace et agréable.
Un coup de coeur.
Un roman percutant ,passionnant ,prenant pas déçue de mon choix à lire sans aucun doute à nos lecteurs
Voici le livre qui attend depuis le plus longtemps sa petite chronique. J’ai lu ce roman au mois de mai et je ne sais absolument pas pourquoi j’ai laissé passé autant de temps avant de vous en parler.
Je vais faire fonctionner ma mémoire pour vous en dire deux mots.
Brit Bennett nous fait suivre le destin des jumelles, Stella et Désirée. Deux jeunes femmes afro-américaines mais à la couleur de peau si claire qu’elles peuvent passer pour des blanches. C’est d’ailleurs le choix que l’une des deux va faire. Stella quitte sa famille et disparaît. Elle va mener sa vie en tant que femme blanche.
Un livre qui explore finement la question de l’identité avec le destin parallèle de ces soeurs dans une Amérique où la couleur de peau est depuis toujours synonyme de fracture sociale. Les trajectoires différentes que choisissent Stella et Désirée vont impacter durablement ces femmes, leur famille, jusqu’aux générations suivantes.
Entre se trouver et se perdre, la frontière peut-être mince.
Il y est aussi question bien évidemment de gémellité, d’hérédité, de mensonge, de réalisation de soi, du pardon et au final d’amour.
Des thèmes parfaitement amenés et une lecture fluide à laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir.
Traduit par Karine Lalechère
En prenant ce roman dans ma médiathèque, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. J'ai été attirée par sa couverture colorée et l'ai donc emprunté. Et je me dis quand même que mon attrait pour les jolies couvertures permet parfois de réaliser de belles découvertes.
Stella et Desiree sont des jumelles nées à Mallard, une si petite ville qu'elle n'est même pas répertoriée sur une carte des Etats-Unis. Mallard est une ville de noirs à la peau claire, chaque génération étant encore plus claire que la précédente car le but est de sa marier avec quelqu'un d'encore plus clair que soi. Mais aux Etats-Unis, une seule goutte de sang noir fait de vous un Noir, avec tous les emmerdements qui vont avec.
Un jour, les jumelles disparaissent et on n'entend plus parler d'elle jusqu'à ce que Desiree reviennent, des années plus tard, tenant par la main une fillette noire, la peau la plus foncée que la ville ait jamais connue. Stella a quant à elle décidé de mener une autre vie, profitant de la couleur de sa peau pour se faire passer pour une Blanche, et donc bénéficier de tous les avantages qui vont avec. Mais est-ce si simple? Peut-on vivre en reniant une partie de soi? Peut-on vivre en occultant tout ce que l'on a été durant les quinze ou vingt premières années sa vie? Peut-on aimer en ayant effacé, théoriquement, les siens de la surface de la terre? Est-on sûr de ne jamais être découvert? A force de se revendiquer différent de ce que l'on est vraiment, finit-on par le devenir ou avons-nous au contraire toujours l'impression d'être un usurpateur?
Ce roman, intergénérationnel, faisant des bonds dans le temps, rendant d'ailleurs les ellipses très intéressantes, foisonne d'idées et de questionnements. J'ai aimé, et moins aimé aussi, tour à tour chacun des personnages. J'ai serré les poings auprès de Desiree; j'ai tremblé auprès de Stella. J'ai apprécié la volonté de Jude; j'ai fini par compatir à la fragilité de Kennedy.
La grande force de ce roman, au-delà des thématiques - complexes - qu'il aborde, sont ses personnages. Si celui de Jude est d'un certain point de vue le plus abouti et le plus attachant, celui de Stella est, selon moi, le plus captivant, voire obsédant. Un roman à lui seul pourrait lui être consacré, j'avais une impression de trop peu.
La question de la transgression raciale (même si je n'aime pas ce terme) est abordée de manière très originale, tout comme il l'avait été dans un autre roman, d'un maître américain que je ne citerai pas, qui m'avait d'ailleurs encore plus abasourdie car je ne m'y attendais pas du tout.
En bref, un super roman, que j'ai dévoré, que je ne peux que conseiller, servi en prime par une belle plume. J'ai de la chance, son autre roman, le coeur battant de nos mères, dort tranquillement dans ma PAL. Mais pour combien de temps encore?
Lu en mai 2021
Elles sont jumelles, elles sont noires, mais on ne le remarque pas de suite car leur carnation ressemble plutôt à celle des blanches. On est à Mallard, dans une petit ville de Louisiane qui n’apparaît sur aucune carte, comme si tous ses habitants à la même caractéristique carnée ne devaient pas, ne pouvaient pas exister.
Et un jour elles disparaissent. Desiree et Stella sont parties tenter leur chance ailleurs, dans une plus grande ville. Ce sera la Nouvelle-Orléans. Et Stella disparaît à son tour, laissant sa jumelle dépourvue, abandonnée. Nous les retrouverons l’une puis l’autre, chacune ayant suivi sa route.
Desiree reviendra à Mallard tandis que Stella s’installera dans ces quartiers de blancs ultra sécurisés comme les américains savent les faire.
Les jumelles sont devenues mères ; Desiree n’aura cessé de penser à cette autre moitié d’elle tandis que Stella fera tout pour oublier sa sœur, sa famille, son histoire, sa négritude.
Leurs filles prennent le relais, celle de Desiree, Jude, est aussi noire que Kennedy, sa cousine, est blanche et blonde. Mais elles vivent avec leur temps, assument leurs choix, trouvent leur place et avancent, malgré les non-dits et secrets de famille.
L’alternance du récit entre le passé et le présent nous permet de comprendre ce qui a poussé Stella à vivre comme une blanche, au risque d’y perdre son âme. Certainement le personnage le plus complexe et intéressant de ce roman
Il y a du Toni Morisson dans ce magnifique roman qui interroge sur l’identité afro-américaine, sur les choix de vie que l’on effectue et que l’on doit assumer au risque de s’y brûler les ailes. Les thèmes abordés, au delà de cette identité afro-américaine, sont nombreux : la filiation, l’amour, le féminisme, les transgenres ... Ils se recoupent sans que l’on s’y perde et c’est aussi cela qui est extraordinairement bien réussi dans ce roman.
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