"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Samuel Fennan a été retrouvé mort, une lettre de suicide près de lui. Ce membre du Foreign Office avait été accusé de travailler pour les communistes, mais il était sorti blanchi de l'enquête dont il avait fait l'objet. George Smiley, venu présenter ses condoléances à sa veuve, décroche par hasard le téléphone qui sonne et intercepte un appel pour Fennan. Or, quand on appartient aux services secrets britanniques, le hasard n'existe pas...
Le tout premier roman de John Le Carré date de 1961 ; on y fait la connaissance de Georges Smiley son (anti)héros immortalisé par le film « La Taupe » second des romans de la trilogie « Karla ».
L’intérêt majeur du roman (au-delà d’une excellente intrigue) est de permettre au lecteur de mieux connaître Georges Smiley. Après avoir animé un réseau d’espionnage dans l’Allemagne nazie, GS se retrouve, après la guerre, comme un « cavalier mis à pied » ; il n’a plus l’âge des aventures de terrain et est cantonné à des tâches subalternes. Un fonctionnaire du Foreign Office va être promu au moment où une dénonciation anonyme l’accuse d’être communiste. Smiley est chargé d’une enquête de routine en interrogeant l’impétrant. L’entretien se passe bien, les soupçons sont levés mais le lendemain, sentant sa carrière menacée, ne pouvant résister au déshonneur le fonctionnaire se suicide…
L’intrigue est déjà remplie de chausse-trappes, l’espion n’est pas toujours celui qu’on croit, les chemins se croisent, le passé resurgit. La description de la bureaucratie, de ses arrivistes et de ses laissés pour compte sent évidemment le vécu.
Smiley est doublement sur la touche car Lady Ann, son épouse, l’a quitté au bout de deux ans de mariage pour un coureur automobile cubain « latin sacchariné dont le sourire avait l’air d’une réclame pour dentifrice ». « Courtaud, corpulent et d’un caractère paisible, Smiley donnait l’impression de dépenser beaucoup d’argent pour s’acheter des costumes dénués de toute élégance ».
La Guerre Froide débute et c’est ce « petit homme replet », « d’une banalité stupéfiante » profondément solitaire et individualiste (« il haïssait la presse, la publicité et la télévision, (ces) moyens d’information de masse, cette manie d’endoctriner les foules qui caractérise le vingtième siècle ») qui va mener la bataille qu’il finira par gagner. Un des personnages secondaires (le tueur blond) sera un des protagonistes du célébrissime « espion qui venait du froid » pendant que Smiley sera démobilisé tout occupé à accepter « une offre qu’aucun homme bien ne pourrait accepter… Je voudrais revenir à toi. Ann »
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