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Retrouver Marceline Loridan-Ivens, toujours avec la complicité de l’excellente Judith Perrignon, est l’assurance de passer un moment très émouvant et plein d’enseignements sur ce qu’a vécu cette femme au retour des camps de concentration. Comment parler de l’innommable, de l’incroyable, de cette industrie de la mort de nos semblables, pensée, mise au point et réalisée par l’Allemagne nazie, au siècle dernier ?
Dans Et tu n’es pas revenu, elle s’attachait à parler de son père et voilà que dans L’amour après, c’est son intimité qu’elle dévoile avec spontanéité et franchise, ses amours, ses joies et surtout ses difficultés à retrouver du plaisir physique alors qu’elle ne peut plus supporter de se déshabiller devant quelqu’un d’autre.
Elle perd presque totalement la vue à Jérusalem, en pleine séance de dédicace. Ce qui lui arrive et le lieu où cela se passe déclenche en elle une cascade de souvenirs. Elle, une fille de Birkenau, regrette son nom, Rozenberg, car elle porte les noms des deux hommes qu’elle a épousés, le second étant son grand amour.
C’est en plongeant dans sa « valise d’amour » qu’elle retrouve quantité de lettres et de mots qu’elle ne peut lire qu’avec l’aide d’un appareil spécial. Elle cherche d’abord l’amour parmi les survivants mais c’est un échec. Comme elle fréquente Saint-Germain-des-Prés, elle rencontre et aime des personnages importants : Edgar Morin, Georges Perec… Elle est la copine de Christine Sèvres qui épouse Jean Ferrat et se lie enfin avec Simone Veil qui avait bien pris soin d’elle à Birkenau. Elle s’implique aussi dans la lutte pour l’indépendance algérienne, fait l’amour mais ne veut pas du mariage puis épouse successivement deux hommes.
Georges Perec était très amoureux d’elle, amour non partagé mais elle nous livre des passages de lettres de l’auteur de La disparition. Plus loin elle confie : « J’en ai voulu à Georges de s’être fait incinérer. Pourquoi as-tu donné ton cadavre aux flammes, comme là-bas ? » Ses confidences, ses réactions, sont spontanées, empreintes d’une extraordinaire franchise qui m’a beaucoup touché.
L’amour après est un livre tellement tendre, avec des confidences les plus intimes d’une femme immensément courageuse dont la vie n’a été que du rab, comme elle le confie à la fin. Savoir qu’on a été dénoncé par de « bons Français », être déportée, côtoyer la mort, l’horreur des camps, c’est inimaginable pour nous qui lisons cela aujourd’hui. Cela a broyé celles et ceux qui en sont revenus et qui disparaissent les uns après les autres aujourd’hui. Il faut lire ce qu’ils écrivent pour qu’ils vivent encore, que leur sacrifice ne soit pas oublié.
Marceline Loridan-Ivens a eu une vie pleine ensuite, beaucoup d’amours, donné toute son énergie à ses passions, surtout pour le cinéma. Elles est morte le 18 septembre 2018 mais lorsque je la voyais répondre aux questions de François Busnel qui l’invitait dans son émission, La Grande Librairie, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer, de l’aimer.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2019/08/marceline-loridan-ivens-l-amour-apres.html
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