"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Le téléphone sonne. C'est Charlotte qui m'appelle d'Israël. Nous étions dans la même classe à Montélimar. Elle a été arrêtée après moi, mais je ne l'ai pas croisée à Birkenau.
- Qu'est-ce que tu fais en ce moment ? demande-t-elle.
- Je travaille sur l'amour.
Un silence alors, comme si le mot amour s'égarait, se cognait dans sa tête. Elle ne sait qu'en faire.
- L'amour au camp ou quoi ?
- Après les camps.
- Ah, c'est mieux. L'amour au camp, j'en ai pas vu beaucoup. » Comment aimer, s'abandonner, désirer, jouir, quand on a été déportée à quinze ans ?
Retrouvant à quatre-vingt-neuf ans sa « valise d'amour », trésor vivant des lettres échangées avec les hommes de sa vie, Marceline Loridan-Ivens se souvient...
Un récit merveilleusement libre sur l'amour et la sensualité.
Marceline Loridan-Ivens nous a quittés à 90 ans, en septembre 2018; j'avais acheté son livre "Après l'amour" quelques mois auparavant mais je l'avais mis en attente pour lire des choses plus légères ou du moins plus imaginaires.
Je viens de lire ce témoignage autobiographique comme un hommage à cette femme pétillante et libre.
Marceline Rozenberg est née en mars 1928 de parents juifs polonais émigrés en France en 1919. A 15 ans, elle est arrêtée par la Gestapo avec son père et déportée à Auschwitz-Birkenau, le 13 avril 1944, dans le même convoi que Simone Veil, qui deviendra son amie plus tard. Elle rentre à 18 ans sans son père, mort en déportation auquel elle rend un vibrant hommage dans son livre précédent "Et tu n'es pas revenu".
Ce livre de souvenirs, de confidences sort d'une "valise d'amour"; en effet, Marceline, en déplacement en Israël perd la vue et ne la recouvre que partiellement après une opération; cette cécité puis ce flou la font rentrer en elle-même avec l'aide des nombreuses lettres, notes, mots des hommes qui l'ont aimée et/ou qu'elle a aimés; cette valise, elle ne l'avait pas ouverte depuis plus de 60 ans et les souvenirs affluent.
On découvre une vie de combats politiques : dès son retour des camps, elle s'engage pour aller combattre en Israël, elle s'oppose au colonialisme, à la guerre d'Indochine, à la guerre d'Algérie, elle embrasse le communisme. Mais sa vie est aussi un combat contre ses souvenirs, contre les horreurs qu'elle a vécues, contre la mort omniprésente dans les camps, celle des autres mais la sienne aussi probable, contre un corps et une âme "asséchés".
Pendant longtemps, elle a refusé d'évoquer cette partie de sa vie, elle a rejeté les hommes qui l'ont aimée mais qui la ramenaient à cette période qu'elle voulait oublier (Freddie, George Perrec, tous deux fils de déportés).
J'ai été saisie par ce texte de résilience, de liberté qui dégage une force incroyable, une volonté de continuer malgré l'horreur et deux tentatives de suicide. Marceline a rejeté les schémas qui ne lui correspondaient pas, elle a refusé d'être dominée, elle se considérait comme l'égale des hommes qu'elle a aimés et c'était le cas. Un beau combat de femme.
Sur la couverture du livre, la photo d'une femme que l'on devine espiègle, ses cheveux roux sont en bataille, ses yeux sont pétillants. Elle perd peu à peu la vue, mais elle a toujours la même verve. Elle vient de fêter ses quatre-vingt-dix ans, elle fume de temps en temps un pétard, elle se fout de son âge. Une valise oubliée, remplie de lettres, de photos, de souvenirs, l'occasion d'évoquer les maris, les amants, les amies.
« Ces amitiés et ses amours que nous tissions sans formalités, et qui nous donnaient le sentiment même fugace de notre liberté. »
Marcelline Loridan-Ivens a été déportée à 16 ans à Auschwitz-Birkenau, à 17 ans elle sort d'un monde qui lui a retiré son nom, sa personne, son corps. Dans ce témoignage émouvant, elle évoque librement l'amour après les camps.
« Jamais, avant le camp, je ne m'étais déshabillée devant quelqu'un, jamais je n'avais vu le corps de femmes nues, ni celui de ma mère, ni celui de mes soeurs. J'ai découvert le mien en même temps que je l'ai su condamné. J'en ai fait une quantité négligeable. Secondaire. Il fallait juste qu'il tienne, qu'il soit sec et solide. J'ai tout vu de la mort, sans rien connaître de l'amour. »
L'amour est pour elle une contrée inconnue, elle est un très jeune bourgeon que la guerre a gelé sur pied. Et pour très longtemps. Faire l'amour était devenu une façon claire d'affirmer son autonomie, sa liberté. Elle vit des histoires en sachant qu'elle n'ira pas au bout. Elle fait l'amour sans rien ressentir. Elle n'a pas grand-chose à donner, et elle ne sait pas le donner, elle n'aime pas qu'on la touche, elle n'aime pas se déshabiller.
« J'avais un comportement décousu sans doute, mais sans en avoir conscience. Je me cherchais dans les regards et je ne voulais pas y voir mon âme perdue. Qu'est-ce qu'une âme perdue ? C'en est une qui tâtonne dans la nuit, sur les routes du souvenir. Il faut agir follement pour ne pas la laisser voir. »
La fin des années 50, les nuits de Saint-Germain des prés, à traîner au café et à discuter jusqu'au lever du soleil. Un besoin immense de communiquer avec ses semblables, le besoin aussi qu'on la remarque, qu'on l'entoure, qu'on l'accepte. Elle sera de tous les combats des femmes, la révolution sexuelle, le féminisme.
« Il n'y eut, après les camps, plus aucun donneur d'ordres dans ma vie. »
Elle nous parle de ses deux tentatives de suicide, de Simone Weil sa compagne de détention, de leur difficulté de raconter ce qu'elles ont vécu, elles ne savent pas l'exprimer. L'évocation aussi de Joris son grand amour, avec lui tout s'est mis en place naturellement, la jeune femme et la survivante des camps ne firent enfin plus qu'une seule.
J'ai beaucoup aimé ce récit intime et puissant d'une femme en quête permanente d'amour, une femme anticonformiste tout en séduction. Tous ses souvenirs sont écrits avec une langue alerte comme elle. Parmi les nombreux livres que j'ai eu l'occasion de lire sur les camps de concentration, c'est la première fois que je vois aborder ce thème de comment se réapproprier son corps après avoir subi l'horreur des camps. le récit bouleversant, sincère, sans aucun artifice d'une femme libre, parfois provocatrice qui se moque bien du regard des autres et qui semble d'une éternelle jeunesse.
Dans un livre intime et puissant, Marceline LORIDAN-IVENS, rescapée des camps de la mort, évoque les hommes qui ont traversé sa vie.
" Mon corps de femme s'est dessiné en même temps qu'il était condamné. A Auschwitz. Que faire de lui ensuite puisque j'avais survécu ? Serait-il capable de désir, de plaisir... d'aimer tout simplement ? "
Quelle capacité d'aimer a-t'on lorsque l'on est rescapée des camps ?
Ce livre bref - une centaine de pages seulement - , publié aux Editions Grasset, et avec la complicité de la cinéaste Judith Perrigon, est paru en ce début d'année 2018.
"L'amour après" fait suite à son précédent ouvrage "Et tu n'es pas revenu". Agée de 89 ans, Marceline LORIDAN-IVENS, nous offre ici un récit extrêmement poignant. Née Marceline ROSENBERG, au fil des ans et des amants deviendra Marceline LORIDAN-IVENS.
En redécouvrant une valise qui sommeille depuis un demi-siècle dans un coin...sa "valise d'amour", elle nous fait partager son contenu. A l'intérieur, des centaines de mots, de correspondances, de souvenirs.
Déportée à l'âge de quinze ans à Birkenau, elle y rencontrera une certaine... Simone Veil : "nous étions du même transport, du même quai, du même camp." Ce drame commun les lieront à jamais.
Après l'horreur du camp, comment se réapproprier son corps ?
p. 17 : " Elles cohabitent dans le même corps, l'une cherche la vie, l'autre flirte encore avec la mort. Il m'a fallu du temps pour les réconcilier."
Quand le corps y a été tellement blessé, comment le reconstituer ? " Je ne ressens rien, je suis asséchée".
p. 19 : " [...] je fuyais mon propre corps, sa mise à nu, à jamais associée pour moi à l'ordre nazi, à son regard humiliant tandis qu'on nous rasait la tête et le sexe, à son verdict : la mort ou le sursis. Jamais, avant le camp, je ne m'étais déshabillée devant quelqu'un, jamais je n'avais vu le corps de femmes nues, ni celui de ma mère, ni celui de mes soeurs. J'ai découvert le mien en même temps que je l'ai su condamné. J'en ai fait une quantité négligeable. Secondaire. Il fallait juste qu'il tienne, qu'il soit sec et solide. J'ai tout vu de la mort sans rien connaître de l'amour."
Mais comment passe-t'on de l'innocence de l'enfance à l'âge adulte lorsqu'on est déportée à seulement quinze ans, et seule ? Comment y survivre ?
p. 20 : " Mais j'ai découvert l'autonomie à Birkenau. J'étais seule, sans famille, contrairement à Simone qui survivait sous le regard de sa mère et de sa soeur. Et quelque chose s'est enclenché pour moi, un processus, un sentiment de liberté - drôle de mot je sais pour évoquer Birkenau - mais ce moment où personne ne vous protège et ne vous commande, ce moment où il faut vivre, en l'occurence survivre, seule. Ce moment où l'on quitte ses parents."
Ses premières amours, Marceline, qui épousera plus tard le réalisateur hollandais Joris Ivens, les cherche d'abord parmi les autres survivants. Elle y évoque notamment sa relation avec Georges PEREC : " deux orphelins de part et d'autre d'Auschwitz".
Toute sa vie elle prône l'amour libre. Elle combat la notion de jalousie et de possessivité.
Elle évoque également son choix du refus de la maternité.
Elle revendique sa liberté. A dix-sept ans, par exemple, en s'engageant pour aller combattre en Israël.
L'auteure alterne les témoignages bouleversants et drôles.
Ce livre est une véritable leçon de vie et d'amour, spontané et sans pudeur.
p. 44 : " [...] les livres sont faits pour ça, nous empêcher d'oublier.
Très déçu par ce livre qui finalement, reste à la surface des choses les plus inavouables. Trop de publicité, trop de promesses pour ce récit conventionnel d'une femme libre qui a traversé son siècle avec une fausse insouciance. Ce fameux sujet dont personne n'a vraiment parlé : l'amour dans les camps, pourquoi il est improbable, pour quoi il ne peut être raconté... n'est jamais abordé. C'est pourtant le thème de la quatrième de couverture. Un coup marketing. Dommage parce que l'auteur a certainement beaucoup à raconter. On ne peut douter de sa sincérité et de sa profondeur.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2018/02/lamour-apres-de-marceline-loridan-ivens.html
Alors qu'elle vient de perdre la vue lors d'un séjour à Jérusalem, Marceline Loridan-Ivens, 89 ans, se plonge dans ses souvenirs en fouillant dans une valise délaissée (sa "valise d'amour") dans laquelle elle retrouve des programmes de spectacle et des articles de presse jaunis, des brouillons de lettres qu'elle n'a jamais envoyées, des lettres qu'elle a reçues de différents hommes, de son mari et d'amies qui forment une sorte de chœur de femmes.
Elle se définit comme une fille de Birkenau où elle a été déportée avec son père alors qu'elle n'avait que quinze ans, c'est dans ce camp qu'elle a rencontré Simone Veil. A sa libération, il lui a fallu ensuite survivre seule, vivre comme une survivante qui a perdu son innocence et qui trimballe son enfer avec elle avec son numéro tatoué sur le bras "tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu'on lui a laissé et qu'elle n'a pas le droit de gâcher", surmonter la mort de son père, résister à l'envie de mourir et supporter la folie suicidaire d'une partie de sa famille.
Déportée à quinze ans sans avoir jamais connu l'amour, "J'ai tout vu de la mort sans rien connaitre de l'amour", " j'étais un très jeune bourgeon que la guerre avait gelé sur pied. Et pour longtemps.", de retour du camp, elle cherche l'amour d'abord parmi les survivants qui forment son entourage proche, s'oppose à sa mère qui voudrait la voir reprendre immédiatement une vie normale et n'imagine comme seul avenir pour elle que mariage et enfants, alors qu'elle a besoin qu'on lui laisse du temps. Assoiffée de liberté, elle s'amuse dans les bars et dans les soirées à St-Germain-des-Prés et rejette les conventions "il n'y eut, après les camps, plus aucun donneur d'ordres dans ma vie". Arrachée de l'école à quinze ans, c'est aussi un énorme désir d'apprendre qui l'anime, une énorme soif de culture "je préférais me pencher sur ce que je n'avais pas appris que sur ce que j'avais vécu", ainsi elle établit des listes de livres à lire pour combler son retard.
Elle évoque ses premières expériences sexuelles où elle ne ressent rien dans l'impossibilité qu'elle est de s'abandonner, submergée par la peur de se laisser aller et qualifie son corps de "sec et raide". Avec ses amies elle vit les débuts de la révolution sexuelle, l'avortement et les premiers combats féministes qui flamberont quelques années plus tard. Elle raconte son mariage avec Francis qu'elle qualifie d'épistolaire tellement ils ont peu partagé de mois de vie commune en cinq ans d'union puis l'histoire de son grand amour avec Joris Ivens.
Après avoir découvert le genre humain sous son pire aspect alors qu'elle n'était qu'adolescente, alors qu'elle n'avait connu que très peu de choses de la vie, Marceline Loridan-Ivens a choisi de laisser l'ombre de la guerre derrière elle, sans rien oublier, sans rien renier, pour VIVRE. J'ai aimé la distance avec laquelle elle se penche sur son passé, sur les conséquences qu'a eu sa déportation sur sa future sexualité, sur son rapport à son propre corps, sur les formes qu'a pris l'amour après les camps où elle avait connu violence et domination. J'ai aimé la détermination de cette femme qui n'a jamais voulu se contenter du destin que lui traçait sa mère et qui a tout fait pour retrouver sa part d'humanité. J'ai aimé la pudeur avec laquelle elle effleure ce qu'elle a subi ou vu dans les camps. J'ai aimé la personnalité hors du commun de cette femme qui a aimé plus que tout sa liberté.
Ce récit sur l'amour après les camps, sujet peu abordé dans la littérature, est servi par une écriture tout simplement sublime dans ce texte court mais très dense.
« Je n’étais pas une gosse, j’avais tout compris du genre humain à quinze ans, pas une adulte non plus, j’avais si peu connu de la vie, j’étais un petit être farouche, hybride, souvent cassant, doté d’un penchant pour la mort et d’un redoutable instinct de survie».
Marceline Lorridan-Ivens m’avait profondément bouleversée avec son témoignage sur l’horreur de la déportation, vécue alors qu’elle n’avait que quinze ans.*
La voici qui revient ( ô bonheur !), à nouveau main dans la main avec Judith Perrignon, pour un nouveau récit « L’amour après ».
De ces deux mots « amour » et « après », on ne saurait dire lequel est le cœur de ce livre, tant les deux sont intimement liés. En effet, comment se construire « après » une telle déchirure ? Comment aimer, s’aimer, aimer ce corps bafoué et nié , ce corps « sec » ? Comment se sentir libre à l’intérieur des barbelés que la vie pose forcément, chaque jour, ces barbelés invisibles qui succèdent à ceux des camps ?
Elle, Marceline Rozenberg, est revenue. Elle, le numéro 78750, elle, la « fille de Birkenau », a survécu.
Plus de soixante-dix ans « après » (toujours ce mot ! ), elle revient sur sa vie d’ensuite… Sur ses amours « après »… Sur ses désirs, ses engagements, ses combats, sa Liberté « d’après ».
Elle, Marceline Lorridan-Ivens, ouvre une vieille valise, et déballe sous nos yeux son contenu : des lettres, des photos, des souvenirs des hommes de sa vie…
Alors que l’obscurité l’enserre, elle, offre un récit éclatant de lumière, d’amour, et de liberté. Une liberté chevillée à ce corps avec qui elle a enfin fait la paix.
La voix de Marceline Lorridan-Ivens, sa plume qui enlace celle de Judith Perrignon, sa verve, son humour, font de ce récit un bouleversant hymne à la Vie, tout en sensualité. Sans tabou.
J’ai été particulièrement touchée par le bel hommage à Simone Veil, sa « sœur » et par la sublime histoire d’amour avec Joris Ivens.
« Je me fous de mon âge. Ce sont les images de ma jeunesse qui m’affolent. J’ai vu la mort déjà. Des images trop nettes, des corps et des corps. Je sais qu’on meurt seul…. Ma vie, c’était vraiment du rabe ».
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