Un roman sur une page d’histoire trop souvent méconnue.
Je m'appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal.
Je m'appelle Hildegard Müller. En fait, je crois que je ne m'appelle pas.
J'ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l'humanité. J'en suis la lie.
Qui est Hildegard Müller ? Le jour où il la rencontre, l'homme engagé pour écrire son journal comprend que sa vie est irracontable, mais vraie.
J'ai besoin, avant de mourir, de dire à mes enfants d'où ils viennent, même s'ils viennent de nulle part.
Oscar Lalo poursuit son hommage à la mémoire gênante, ignorée, insultée parfois, toujours inaccessible. Il nous plonge ici dans la solitude et la clandestinité d'un des secrets les mieux gardés de la Seconde Guerre mondiale.
Un roman sur une page d’histoire trop souvent méconnue.
Qui est Hildegard Müller ? Assurément celle qui dicte des bribes de souvenir à son scribe. Et lui, qui est-il ? Peu importe.
Mais qui est-elle donc ? Née sans parent, mais pas orpheline ; née sans famille, si ce n'est celle du Troisième Reich ; née sans histoire mais grâce à l'Histoire... La partie la plus abominablement lumineuse du nazisme, puisque source de vie ? Lebensborn. Voici tout ce qui subsiste de son identité "annihilate" : profondément altérée.
Elle a 73 ans et besoin de se confier pour tenter de se construire avant de se désagréger...
Plus Hildegard nous expose les vides de son histoire, de son identité et de son être, et plus elle prend chair dans mon esprit. J'oublie qu'il s'agit d'un roman... Oscar Lalo a su se documenter sur le sujet, suffisamment pour que son héroïne - qui souffre tant d'être née de "rien" - devienne la voix de toutes celles qu'on a niées à leur naissance, parce que née de l'impensable "plus grand secret du nazisme". Au delà de la mine d'informations que représente ce livre, je salue aussi le talent littéraire de l'auteur. Car c'est grâce à ce style implacable, oral, philosophe qu'on est si vite embarquée dans les confidences éparses mais structurées d'Hildegard.
Les figures de style, les redondances littéraires et les formules presque poétiques s'enchaînent à un rythme aussi soutenu que l'écriture. La mise en page particulière (très peu de lignes par page) renforce le sentiment de halètement, le flot saccadé des réflexions profondes, les répétitions des questions, les doutes, les pertes de repères, les vides historiques subis par les enfants des Lebensborn.
Voici une lecture déroutante, enrichissante, saisissante, intense, crue, crédible, percutante, haletante, éclairante et éclairée. Ce roman se lit en un éclair, j'aurai presque pu le lire d'une traite, happée par les mots, l'histoire et l'Histoire.
J’avais déjà entendu parler des Lebensborn, mais à la marge (notamment dans Lignes de faille de Nancy Huston).
D’ailleurs, savez-vous ce que c’est ? Rien d’autre qu’une maternité SS. Elles s’inscrivent dans le programme (créé en 1935) visant à « remplacer la race inférieure par la race supérieure ». Là où les enfants sont normalement conçus avec désir, envie et amour, là ce ne sont rien d’autre que des accouplements (voire des viols) entre « bons SS » et femmes au sang suffisamment pur et au physique bien aryen. En tout il y en aura trente-quatre de par l’Europe, dont neuf en Norvège.
La narratrice est une enfant Lebensborn. Elle revient au gré de ses réflexions, retranscrites par son scribe (elle a tardivement appris à lire et à écrire, elle pour qui l’écrit est « synonyme d’humiliation, de détresse, de noyade »), sur ces trous, ces fantômes qui rodent autour de sa naissance. Les nazis qui notaient tout, ont là bien pris soin d’effacer toutes traces de leurs méfaits (« Le jour de la mort d’Hitler, les SS ont détruit les informations relatives à ma naissance. Cette chorégraphie mort-vie prélude à mon inexistence »). Elle, enfant Lebensborn, pouponnée par le pire des bourreaux, Himmler himself, ne saura jamais qui sont ses parents.
Au-delà de ce statut d’orpheline, ce qui est mis en exergue ici c’est le sort de ces enfants, ces « bébés sales » qui porteront toute leur vie l’infamie de ce firent et furent leurs parents, comme s’ils étaient nés avec une croix gammée sur le front, entre les sourcils (comme le bindi hindou). Ces bébés deviendront des enfants, souvent nommés « les enfants de la honte ». Comment grandir, comment se construire quand personne ne veut d’eux.
Les différents organismes chargés de placer les orphelins à la fin de la guerre ne savent que faire d’eux. Au moment de poser ces propos, elle se penche sur les recherches qui ont pu être faites sur les orphelins de guerre, beaucoup de choses ont été documentées mais tellement peu sur eux. Il y aura bien un procès sur les dignitaires du Lebensborn programm, mais aucun ne sera condamné (à vrai dire ils seront même acquittés !). Ils n’auront même pas droit à un statut de victime.
Voilà pour le fond. Le récit lui prend une forme fragmentaire. Comme le dit la narratrice au début du livre « Peu de lignes par page. Déjà un miracle qu'il y ait ces mots sur ces pages que vous tenez entre vos mains. Vous auriez pu tenir du vide. Mon histoire n'a pas de début. »
C’est tout à la fois puissant, intense et d’une grande sensibilité. Les mots nous frappent en plein cœur sans jamais tomber dans le pathos. Bravo !
Que le thème est parfois difficile.
Mais je retiendrais surtout qu’il aura été instructif !
Que savez vous des "Lebensborn", les pouponnières nazies : une grande entreprise de naissances programmées selon les normes fixées par les SS durant le troisième Reich ?
C’est sous la forme d’un journal écrit par un “scribe” qu’Hildegard Müller , conçue dans une de ces “maternités “ nous conte son histoire : des bribes de vie, des morceaux épars d’une vie brisée dès le départ pour essayer de comprendre…
Un récit court, percutant et… glaçant !
Quel roman singulier.
Hildegard Müller, mais est-ce bien son nom, elle-même ne le sait pas, a 77 ans.
Elle étouffe, alors elle engage un scribe pour écrire ses mémoires.
Elle est une de ces enfants sélectionnés pour faire partie de la race supérieure fantasmée par Hitler et Himmler.
Sur chaque page s'enchainent des phrases courtes parfois de quelques lignes seulement ; elle couche ses pensées éparses, pas si décousues que cela finalement.
C'est un cri, l'absence d'amour, le rejet de tous, l'ignorance de ses origines, l’incapacité à se construire, à vivre malgré tout.
Bien sûr, ce roman met l'accent sur ces Lebensborn peu connus et ignobles, sur ces victime des SS ignorées par tous mais le mode narratif m'a surtout permis de suivre la souffrance de la narratrice.
C'est un livre sombre, poignant et intelligent.
« J’ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l’humanité. J’en suis la lie. »
C’est en ces termes que se décrit la narratrice de ce roman , Hildegard Muller. Et elle poursuit :
« J’ai besoin avant de mourir de dire à mes enfants d’où ils viennent, même s’il viennent de nulle part. »
Car Hilldegard Muller est née dans un Lebensborn. Elle ne connaît pas avec exactitude sa date de naissance. De ses parents biologiques elle ne sait strictement rien.
Toute sa vie elle a dû se contenter du peu qu’on a bien voulu lui dire.
Elle a aussi dû porter le poids de la culpabilité et de la honte.
Celles d’être née d’un projet absolument dément, imaginé par un homme fou qui rêvait de dominer le monde.
On apprend que les allemands sous la direction de Hitler et de Himmler ont débuté le Lebensborn Programm en 1936. Le but annoncé de ce projet était de purifier la race germanique.
Des milliers d’enfants sont nés durant la seconde guerre mondiale de parents de type aryen sélectionnés par les responsables avec pour unique mission de s’accoupler, au sens le plus trivial du terme pour enfanter des « hommes-machines » génétiquement parfaits aux yeux des nazis et programmés pour obéir aveuglement sans se poser de questions. Ont ainsi été crées trente quatre maternités implantées principalement en Allemagne mais aussi en Europe du Nord.
Ces enfants devaient ensuite être adoptés par des familles allemandes et être élevés dans le plus pur respect doctrinal.
A l’inverse le programme Action T4 se chargeait d’euthanasier les enfants qui ne correspondaient pas au programme, les enfants qui naissaient avec un handicap.
Hildegard Muller et son mari Olaf appartiennent à la première catégorie. Elle serait née en Norvège, lui serait né dans un Lebensborn francophone. L’hypothèse n’est pas vérifiable car toutes les archives ont été détruites par les allemands à la fin de la guerre.
Mais Hildegard pense qu’elle se doit de trouver des réponses. Pour ses enfants, avant tout.
Alors, qu’aidée par le scribe qu’elle a engagé pour l’écriture de son journal, elle se heurte dans ses recherches à une série de réponses négatives, elle réalise que la meilleure façon qu’elle a d’aider ses enfants est de mettre tout en œuvre pour leur donner ce qu’elle même n’a pas eu : une famille aimante et protectrice au sein de laquelle ils pourront se construire un avenir.
Voilà un livre qui avait piqué ma curiosité mais qui ne l’a pas vraiment satisfaite, et même si j’ai appris des choses que je ne connaissais pas sur cette partie de la seconde Guerre Mondiale, le sujet méritait d’être plus approfondi.
Je remercie les éditions Belfond et Netgalley France pour cette lecture.
Certains livres nous attirent comme des aimants, sans que l’on sache pourquoi.
Certains livres font sens et sont le catalyseur de la douleur pour y mettre un baume qui pourrait l’adoucir.
Certains auteurs ont le talent de savoir utiliser les mots pour parler des maux. Il ne suffit pas de savoir parler des maux. Le plus important étant d’utiliser les mots justes.
Oscar Lalo, accompagne son personnage à travers sa renaissance. Elle est née la première fois dans un Lebensborn, la deuxième fois, elle naît quand elle commence à parler de sa douleur. Il n’y a pas pire douleur que de ne pas savoir d’où l’on vient. Être rejeté est une chose, mais connaître ses racines est le fondement, le socle sur lequel nous nous construisons. Sans cette base, les fondements manquent de stabilité. Comment construire sur des bases instables sa vie, une vie de famille. Comment aimer l’autre, quand on ne s’aime pas ?
Être née dans un Lebensborn est la croix gammée que Hildegarde a portée toute sa vie.
À travers le récit que pose le scribe, les langues se délient et posent la douleur de ne pas être reconnue. La souffrance de l’annihilation de son identité, doublée de l’évitement du sujet, ne peut aider un enfant à grandir.
L’accompagnement vers une acceptation, vers la reconnaissance de l’état de victime permet d’avancer et de se construire. J’ai été très touchée par Hildegarde qui s’est sentie coupable toute sa vie d’être née dans un Lebensborn. Oscar Lalo, se met en retrait pour lui laisser la place, pour lui laisser la parole, mais surtout lui laisse la possibilité de poser enfin son fardeau. La culpabilité qu’elle porte en elle pèse près de 6 millions de personnes tuées. Sa culpabilité pèse, car elle est vivante, et eux sont morts. Elle est vivante et morte à la fois, elle marche à la lisière de sa vie, qu’elle n’aura pu vivre pleinement, car elle est la face visible et encore vivante du nazisme.
Les mots comme des coups de scalpel qui permettent de retirer cette carapace dont s’est recouverte Hildegarde. Les mots claquent comme un fouet, comme une balle. Les mots étouffent Hildegarde qui les crachent pour vomir sa haine de ce qu’elle est. Elle est le visible de l’invisible qui plane sur 70 ans d’Histoire. Elle voudrait être invisible, mais elle crie sa rage.
C’est un livre court, très court dont les mots sont habilement alignés, grâce à une plume incisive qui claque pour éveiller notre conscience sur un sujet très peu évoqué. Un sujet qui démontre l’impossibilité de reconnaître l’enfant victime du côté oppresseur.
Des mots qui touchent, qui évoquent avec retenue, avec respect, avec poésie parfois pour mettre de la musicalité sur l’horreur.
Hildegarde a été oubliée par l’Histoire et grâce aux mots, elle trouve une sérénité. Le scribe s’efface, la guide, c’est une thérapie par les mots, par la littérature. C’est un médicament sans ordonnance qui permet d’entendre la voix de la victime qui est l’enfant.
C’est l’enfant en Hildegarde qui parle, c’est l’enfant qui souffre et c’est Oscar Lalo qui lui donne la parole.
La forme du roman est atypique, puisque chaque page évoque une idée ou un sentiment. Loin du roman-fleuve qui pourrait déliter les sentiments, ici chaque page raisonne et fait sens. Chaque page réconcilie l’enfant avec l’adulte, chaque page est un pas vers l’acceptation, vers la délivrance.
Je viens de refermer le roman de Oscar LALO: la race des orphelins.
Ce livre est bouleversant, sidérant.
La race des orphelins, raconte l'histoire d'Hildegard Muller, née en 1943 dans un Lebensborg, ces maternités conçues par les nazis pour créer la "race supérieure".
Elle va faire appel à un scribe pour l'aider à écrire son journal, Hildegard est orpheline, elle ne sait rien de sa naissance, elle éprouve alors à l'âge de 76 ans le besoin de savoir mais surtout de raconter l'horreur de ces enfants qui seront toute leur vie, coupables, alors que ce sont des victimes du nazisme.
J'ai aimé le choix d'écriture, de récits brefs, mais tellement intenses, les mots sonnent justes.
Et que dire du silence, de la honte, après la guerre!! L'Allemagne à pris grand soin d'effacer toutes traces de ces "maternités".
C'est un témoignage glaçant mais nécessaire.
Un véritable coup de coeur pour moi!!!
Comment parler de ce livre ?
Il me semble important de commencer par la forme. Un fragment plus ou moins long par page.
Oscar Lalo est la plume courante, celle qui trace les mots en belles lettres pour faire affleurer les maux, les mettre au jour sans les trahir. C'est-à-dire sans pathos de mauvais aloi.
Pour cela je suis persuadée qu'il faut beaucoup d'humilité et de grandeur pour se mettre au service d'une naissance.
Celle d'Hildegarde Müller, 76 ans, quasi analphabète car née de la folie Hitlérienne et en particulier de celle d'Himmler.
Privée de parents identifiés, de famille reconnue, d'éducation et d'instruction parce que née dans un Lebensborn, une fabrique à bébés de race pure.
Une existence niée et entérinée par la non-reconnaissance au procès de Nuremberg de ces crimes comme entités, noyés dans la masse comme une banalité.
« La banalité de mon mal, c'est d'avoir endossé l'uniforme de mon père pendant si longtemps. La banalité de mon mal, c'est l'idée que mon SS de père soit un homme normal, un bon mari, un bon père de famille. Cette banalité-là m'est insupportable. »
Je ne vous en dirai pas plus sur Hildegarde Müller car je crois que chaque lecteur doit lui offrir sa naissance.
Et pour moi, c'est en cela que ce livre est essentiel. Peu de livres font état de ce phénomène mais en le généralisant, le risque est de faire "un" une multiplicité. Alors qu'il est indispensable de légitimer chacun pour lui ouvrir la porte de sa prison intérieure, car leur naissance est un piège qui s'est refermé sur eux.
« Nous sommes des orphelins maudits. »
La forme m'a paru essentielle car si Hildegarde n'a pas les mots et a besoin d'un scribe, elle nous livre combien ses vides sont pleins à ras bord.
C'est tellement fort, que le lecteur peut palper l'osmose qu'il y a entre Oscar et Hildegarde.
Cette naissance fait que le lecteur a besoin de remontée à la surface à chaque page pour ne pas se noyer et faire honneur à la femme qu'est Hildegarde Müller.
Chaque lecture sera l'étreinte fraternelle qui lui est due.
Soyez nombreux à la prendre dans vos bras, à la serrer fort pour lui dire qu'elle existe et que son existence n'est pas vaine.
Merci à Oscar Lalo sans qui... Cela n'a pas dû être facile et les stigmates doivent être là "encrées".
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 12 décembre 2020.
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