"L'autre qu'on adorait" a fait notre bonheur en 2016, découvrons les lectures de Catherine Cusset
Il n'est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui. Cette fille, Annie Ernaux, refuse l'oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite «place au soleil». Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui lui disait : « Les livres, la musique, c'est bon pour toi. Moi, je n'en ai pas besoin pour vivre.» Ce récit dépouillé possède une dimension universelle.
"L'autre qu'on adorait" a fait notre bonheur en 2016, découvrons les lectures de Catherine Cusset
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L'auteur raconte la vie de son père. C'est le témoignage d'un autre temps, celui du début du XXème siècle. Ce papa dont elle a parfois honte, n'a jamais perdu ses manières de paysan, même quand il a trouvé une place en tant qu'ouvrier, puis est devenu commerçant. Quant à lui, il est certes fier de sa fille mais honteux vis à vis des autres : leurs filles travaillent pendant que sa fille apprend... Et travailler, c'est avec ses mains, pas avec sa tête.
Cocorico ! Le prix Nobel de littérature a été décernée à une française l’année dernière. Je ne pouvais donc pas passer à côté : j’ai donc passé le pas, en entamant la bibliographie d’Annie Ernaux avec l’un de ses ouvrages : la place.
Au moment où elle passe l’agrégation de lettres, elle se remémore l’histoire de son père : avant sa propre naissance jusqu’à la mort de son père. Elle qui vient d’un milieu très précaire en Normandie, issue d’une famille d’ouvrier qui essaye de s’en sortir en ouvrant leur propre commerce.
Elle nous en parle sans véritable émotion de son père principalement, puisqu’à priori, elle a consacré un autre de ses livres à sa mère. Au premier abord donc, on a des faits déclinés de manière un peu « froide ». C’est très descriptif, si bien qu’à un moment, je me suis dit qu’en fait, c’est comme si une personne que l’on connaît bien, nous raconte l’histoire par le menu d’une personne qu’on ne rencontrera jamais. J’ai eu du mal à y trouver mon compte à vrai dire. Je n’étais pas plus curieuse que ça d’en savoir plus sur lui. En réalité, au fur et à mesure de l’avancée de ma lecture, je ne savais pas vraiment ce qu’il aurait fallu faire. Elle se retrouve effectivement sur une ligne un peu mince : si l’autrice nous avait parlé de son père avec beaucoup trop d’émotions, elle serait tombée dans la nostalgie, qu’elle n’aurait finalement ressentie toute seule, sans prendre à part le lecteur. En revanche, si elle n’en parle qu’avec un certain recul, sans véritables émotions apparentes, elle aurait pu tomber dans la condescendance, vis-à-vis d’un monde d’ouvrier, de précaires, dont elle ne fait plus partie. Car le point embarrassant que j’ai pu ressentir dès le départ, c’était de savoir si elle écrivait ce livre pour faire ressortir que malgré son passé, elle a pu s’en sortir et être reconnu de ses pairs, dans un monde un peu fermé de la littérature française. Comme si il s’agissait en réalité de se mettre en avant en expliquant ses origines.
A la fin du livre, j’ai eu beaucoup moins d’a priori, et je pense qu’on peut raconter son enfance, riche ou pauvre, de manière un peu descriptive, sans pour autant renier ou sans juger ce monde-là.
Vers la fin du roman, j’ai été assez surprise pour ne pas dire autrement, quand l’autrice explique que son mari ne l’a pas accompagné quand elle est allé voir ses parents. Il considérait que ses parents n’étaient pas en capacité d’entretenir une conversation intéressante. C’est un des passages très malaisants et rien que cela, justifie tout seul l’écriture de ce livre. Elle a quitté le monde ouvrier, avec notamment son père donc, honnête, se mettant toujours en 4 pour satisfaire tout le monde, et pour ne pas avoir honte de ses origines sociales. C’est très triste de voir se confronter 2 mondes si différents. Prise entre ces 2 mondes, l’autrice a dû vraiment mal vivre cette position.
C’est donc une véritable déclaration d’amour envers son père que l’autrice nous propose : une reconnaissance éternelle et l’amour pour son père, indéfectible malgré sa propre ascension sociale. Je suis donc entrée par la bonne porte dans la bibliographie de notre prix Nobel. Je pense en ouvrir d’autres.
Lorsque j’ai lu ce livre la première fois, j’étais persuadée qu’il s’agissait d’abord d’un roman, et ensuite d’une place comme les places de villes et villages. Evidemment, je ne l’ai jamais trouvé dans les pages du livre.
Avec mes yeux d’adulte ayant perdu son père, j’ai ressenti lors de cette seconde lecture tout l’amour de l’autrice pour son propre père décédé, sans remord ni rancune.
J’ai aimé qu’elle l’évoque à travers des petits riens, des souvenirs parsemés : une attitude, une phrase dite, une habitude.
L’aspect changement de classe social m’a moins parlé, même si il est un des leitmotiv du livre.
J’ai aimé l’absence de style expliqué : son père aurait ressenti toute recherche de style comme une manière de le tenir à distance.
A travers sa mère, j’ai revu l’actrice Sandrine Bonnaire qui tenait le rôle dans L’événement tiré d’un autre roman de l’autrice.
Une lecture émouvante par ce qu’elle a fait résonner moi.
L’image que je retiendrai :
Celle de son père travaillant à son potager, sa fierté et son travail de ses mains, si important.
https://alexmotamots.fr/la-place-annie-ernaux/
Son père s’éteint en 1967, alors que, venant de réussir le Capes de Lettres, Annie Ernaux réalise le rêve qu’avait pour elle cet homme d’extraction modeste à la vie laborieuse et contrainte. Quinze ans plus tard, par amour autant que par remords, parce qu’ « écrire est le dernier recours quand on a trahi » et que son parcours, en la faisant « migrer doucement vers le monde petit-bourgeois », lui a fait peu à peu « oublier les souvenirs d’en bas comme si c’était quelque chose de mauvais goût », en tous les cas d’incompatible avec la « vision distinguée du monde » qu’elle s’est efforcée d’adopter pour complaire à son nouveau milieu, elle se lance dans le portrait, nu et sans artifices, de ce père à qui elle restitue ainsi sa vraie « place ».
Né au début du siècle dernier dans une famille normande de tâcherons agricoles, le père d’Annie Ernaux ne fréquente guère l’école avant de la quitter dès douze ans pour s’employer dans des fermes d’abord, en usine ensuite. A force de sacrifices et de travail, lui et son épouse acquièrent, après la seconde guerre mondiale, un café-épicerie à Yvetot, qui, tout symbole d’indépendance et d’élévation sociale qu’il soit, ne les met pas à l’abri de la précarité et des fins de mois difficiles partagées avec leur clientèle ouvrière. Complexé par son patois paysan, par son manque d’éducation et par sa gêne financière, le père investit toutes ses espérances dans la réussite de sa fille Annie, qui, brillante à l’école, entame bientôt des études universitaires. Peu à peu, une distance se creuse, à mesure que la jeune fille s’écarte du cadre familial, invite des amies issues de bonnes familles dont le savoir et les manières renvoient ses parents à leur sentiment d’infériorité, se marie bourgeoisement et devient professeur de lettres.
Lorsque le récit commence, son père vient de rendre son dernier souffle, et, le temps pour sa mère de descendre l’escalier avec les mots « c’est fini », c’est toute la vie de cet homme et sa relation avec sa fille qui défilent en une centaine de pages avant de revenir s‘achever à cet instant précis. Dans son souci de fidélité à la réalité, l’auteur s’est interdit toute sentimentalité et fioriture littéraire. Le texte se déploie au long d’une écriture plate, neutre, sèche et précise, qui dissèque faits et sentiments avec la rigueur d’observation d’un entomologiste. Pourtant, même si sévèrement tenue à distance, l’émotion transparaît à fleur de mots, vibre sous la retenue et emporte le lecteur, en écho à ses propres blessures familiales, à ses tristesses et à ses remords, au fond d’un intense bouleversement.
Prix Renaudot et énorme succès de librairie, un récit vrai et un grand livre d’amour filial sur fond de trahison sociale. Coup de coeur.
Une lecture rapide pour ce roman de 114 pages d'Annie Ernaux qui a obtenu le Prix Renaudot en 1984. Comme toujours c'est bien écrit, fluide avec beaucoup de légèreté. On sent une fille qui a beaucoup aimé son père, même si comme dans beaucoup de familles certaines distances et pudeurs n'ont pas toujours permis de se dire vraiment les choses.
Cette lecture est aussi un beau roman social dans la Normandie de la première moitié du XXème siècle jusqu'au décès du père en 1967. On y découvre les deux guerres mais aussi les évolutions démographiques et sociales au fil du temps. Annie Ernaux ne cite d'ailleurs pas nommément la ville de sa naissance, ni celle où elle a grandi, se contentant d'écrire "L" pour Lillebonne ou "Y" pour Yvetot.
La narration est certes déstructuré enchaînant les paragraphes inégaux mais toujours avec le même fil conducteur, à savoir le rapport père-fille. Même la mort du père se passe avec beaucoup de pudeur, un peu comme si la vie continuait mais avec une profonde tristesse.
Un bon moment de lecture.
A l'heure où l'on ne parle que d'elle et de son prix j'avais lu récemment l'évènement et beaucoup apprécié et j'ai donc voulu en lire un peu plus pour mieux la connaitre et l'on m'a prêté : La place...
J'ose espérer pas le meilleur reconnu car j'ai trouvé le texte froid, dur, sans réel sentiments bienveillants.
Un texte ou elle nous livre son enfance mais surtout la vie de et avec son père.
La difficulté à son époque d'être des gens simples, modestes, vivant du mieux qu'il peuvent et on ressent a l'écriture d'Annie Ernaux comme un règlement de compte, un jugement sur sa condition de vie, elle qui rêvait d'aisance et de bourgeoisie.
Je trouve dommage un tel récit car nos parents et ce qu'ils nous ont donné et appris font de nous ce que nous sommes et malgré les conditions nous laissent tous ces souvenirs en héritage.
Ses souvenirs bons ou mauvais mais que l'on aime à se rappeler avec nostalgie souvent car désormais orphelins d'eux c'est nous mème qui reconstruisons notre vie dans une aisance forcément meilleure.
Bref un texte vide et absent comme un mauvais cauchemar, dommage, j'en attendais plus...
Dans La place, Annie Ernaux fait dans une écriture plate,distanciée, l'inventaire de l'héritage familial qu'elle a déposé au seuil du monde bourgeois quand elle y est entrée. Au décès de son père ,ce "passeur entre deux rives ",elle décide d'écrire sur la vie de cet homme, une vie soumise à la nécessité.Elle relate l'ascension sociale de celui qui après avoir vécu le « Moyen Age »dans la campagne normande devient propriétaire avec son épouse d'un café-alimentation excentré. Etudiante puis professeur,l'auteure s'éloigne géographiquement et culturellement de son père ,un père fier de la réussite de sa fille .Elle épouse un bourgeois diplômé dont elle écrit qu'il est "déplacé" dans la maison de ses parents "de braves gens".
La sobriété du texte confère au propos une valeur universelle.
Est-il possible de pratiquer une "écriture du contact " comme le revendique l'auteure lorsque l'on écrit sur son père ? N'être que factuelle et ne pas exprimer ses sentiments ? Difficile challenge !
Un court et sensible hommage au père, métayer dans des fermes de 12 à 18 ans, le service militaire, l'expérience difficile du métier de commerçant ou il faut - pour subsister - occuper un poste d'ouvrier à mi-temps. La guerrre de 1940 comme une parenthèse pour reprendre une épicerie/café avec son épouse et enfin pouvoir en vivre.
En parallèle, la jeune Annie réussit un parcours scolaire exemplaire qui l'éloigne tous les jours un peu plus des valeurs et du quotidien de ses parents. C'est un "écartèment de classe " auquel nous assistons, avec la fièrté génée du père qui comprend mal que l'on puisse "travailler du châpeau" (activité intellectuelle) et en vivre.
Un fossé se creuse, des incompréhensions ... mais un fort respect, tendre et pudique se devine au travers les lignes de l'auteure.
On peut penser à la chanson "Mon vieux " (Daniel Guichard) et au sublissime roman d'Yves Simon "Un homme ordinaire".
Je pense que le pari d'Annie Ernaux est raté, mais j'en suis heureux car ce court roman transpire le respect et l'amour pudique envers ce père qui l'a quitté.
Un superbe moment de lecture.
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