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Un cinéaste en manque d'inspiration se rend à la Havane pour y tourner un film. Artiste subversif, amoureux des bas-fonds, il y rencontre Chaytan, un Iranien réfugié politique qui tient un restaurant et vit une relation passionnelle avec une Cubaine, Laura. Ce dernier connaît tous les coins mal famés de l'île et lui servira de guide infernal le temps de son séjour. Devant la caméra du cinéaste défilent nuit après nuit, de La Havane à Cienfuegos, des prostituées et leurs souteneurs, ainsi que des marginaux de toutes sortes, comme ce jeune couple d'Iraniens, opposants au régime des mollahs, exilés sur une île dont ils ne parlent pas la langue et dont la violence les engloutira. La description de cette errance nocturne dans la cité tropicale est captivante comme un film noir. Au fil de rencontres sensuelles avec des jineteras, de dérives alcoolisées dans des lieux interlopes, ponctuées de dialogues avec Chaytan, dont la figure se révélera diabolique, le cinéaste se laisse envoûter par cet univers aux allures de cauchemar, jusqu'à la fin tragique de son séjour dans la « capitale des douleurs ».
Salim Bachi est une sorte d’Ulysse avec Ithaque pour écriture (ou inversement). Dans ce nouveau roman à la fumée de Havane, le narrateur est un réalisateur français mais venant de Cyrtha, dans la continuité du mythe du premier roman de l’écrivain : le chien d’Ulysse avec toute l’interculturalité, l’errance, la réalité désespérante et le contraste saisissant des descriptions des ténèbres de l’existence dans un foisonnement verbal. S’ajoute pour ce nouvel opus, un chant goethien proche de celui des sirènes, la rencontre d’un diable de La Havane avec un Faust parisien. Lever de rideau le moteur tourne.
A La Havane où le cinéaste se rend pour filmer le grand théâtre des gens qui passent, il rencontre Chaytan, un Iranien en exil, qui lui fera visiter les quartiers les plus mal famés de la capitale cubaine. Chaytan, personnage énigmatique, coureur de jupons, loyal en amitié, généreux et passablement colérique. Sa énième conjointe est tout aussi énigmatique et le couple est en désunion totale, avec quelques rebonds de temps à autre. Alcool et prostitution seront les cases récurrentes de ce Monopoly urbain et cubain mais avec un regard indescriptible sur une ville et un état enfouis dans des ombres douloureuses et où chaque citoyen semble agir comme une marionnette ne sachant qui manipule réellement les fils.
A l’instar du narrateur j’ai pris goût à ces déambulations, à cette conception de l’art dans la multitude du monde, à cette recherche du concept de la vérité dérangeante ; l’exil des êtres n’est pas que dans les esprits et les corps, il est dans l’action et l’inaction, l’ordre et le désordre, les ambitions et les désillusions, le socle et la dérive, les tentations et les perditions.
Comment ne pas comparer ce livre à un long-métrage ! Plutôt en noir et blanc façon Franck Capra ou encore et surtout, Stanley Kubrick tant on a l’impression de suivre les images d’un cinéaste plus que pessimiste sur la nature humaine. Pourtant ce livre n’est en rien déprimant tant la saveur des mots adoucit la rudesse de l’asphalte et met des couleurs sur la noirceur de l’ambiance des ruelles. La fin du roman est à la fois surprenante et prévisible et ajoute une plus-value à l’ensemble, un baisser de rideau sans théâtralité mais avec ô combien de références, contemporaines et antiques. Sans oublier, encore et toujours la mythologie. Sur tous les versants du monde et les flots perpétuels.
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