"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nawel est une jeune fille de 20 ans au tempérament de feu qui la pousse à mener toutes ses passions avec excès. Cette force est un atout quand elle la met au service de la création dans son groupe de rock, qu'elle a créé avec Alice, sa meilleure amie. Leurs études les mènent à Paris, où les jeunes filles sont confrontées de plein fouet au décalage culturel et social entre Paris et la banlieue. Malgré les difficultés, Nawel veut conquérir la capitale.
Lors d'un festival "jeunes talents", elle rencontre Isak Olsen, musicien, dont elle tombe immédiatement amoureuse. Fascinée et terriblement jalouse de son talent, il cristallise toutes ses frustrations. Abandonnant ses études et l'emploi qui la fait vivre, elle décide de se consacrer à la composition d'un premier album. Commence alors pour elle, une période difficile, faite de travail et de sacrifices pour tenter d'atteindre son rêve à n'importe quel prix...
Voici le quatrième album de l'autrice, après « une saison en Egypte » et « Phoolan Devi » aux éditions Casterman, mais surtout la fabuleuse adaptation de « La guerre de Catherine » aux éditions Rue de Sèvres.
C'est donc le deuxième ouvrage de la talentueuse Claire Fauvel dans cette superbe maison d'édition et c'est certainement avec délice que vous le lirez.
Pour mon cas, je l'ai dévoré sans perdre un instant.
Le scénario de "La nuit est mon royaume" de Claire Fauvel
Dans cet ouvrage, Claire Fauvel nous raconte cette transition initiatique de jeunes banlieusardes, de leurs adolescences à leurs vies d'adulte, avec toutes les barrières sociales et familiales qui leurs sont dues, mais aussi la fougue et les désirs juvéniles rebelles d'indépendance.
Alice et Nawel sont deux teenagers que presque tout oppose, hormis le fait qu'elles habitent la même barre d'immeuble et qu'elles soient de familles pauvres.
Mais elles se retrouvent finalement liées par leur passion commune : La musique.
Passion salvatrice ou pas ?
En tout cas, c'est la voie que ces deux protagonistes ont choisi pour se lancer dans le grand bain de la vie d'adulte.
Le récit est évidemment beaucoup plus centré sur le personnage de Nawel afin d'insister sur le côté social et culturel différent, pour une immersion plus soutenue. Et c'est efficace !
On se prend au jeu et on se projette assez facilement quel que soit le genre et l'origine du lecteur.
Ce duo de musiciennes force l'admiration et l'on ne peut que s'y attacher. On espère de tout coeur, tout au long du récit, leur réussite.
Les caractères des deux héroïnes sont bien déterminés et différents. L'une est une acharnée, l'autre plus oisive, mais l'ensemble s'accorde harmonieusement.
Le travail de l'autrice sur la psychologie des personnages est donc admirablement bien réussi.
Le découpage est dynamique et intense, enchaînant des pleines pages avec des pages aux nombreuses vignettes (8 à 10 en moyenne).
Ceci a pour effet d'accentuer le rythme effréné de cette aventure rock n'roll.
Ce scénario est très enivrant et superbement bien construit, autant sur la trame de fond que sur les détails contextuels.
Il vous laissera probablement un petit pincement au coeur mais qui finalement s'effacera bien vite pour revenir à la raison.
Le dessin de "La nuit est mon royaume" de Claire Fauvel
Le dessin semi réaliste de Claire Fauvel est incroyablement vivant et varié.
Son trait et souple et rapide, mais à la fois minutieux et stylisé.
Les mises en scènes sont aérées et dynamiques.
L'autrice ne s'encombre pas de détails superflus dans la scénographie de ses cases afin de donner un maximum de fluidité à la lecture.
Il ne faut pas s'attarder à contempler une case sauf dans quelques cas où l'artiste a évidemment pris le temps de soigner sa composition pour que l'on savoure le tableau et que l'on prenne un moment de répit dans le rythme endiablé de l'histoire.
En effet les cases, et par conséquent les émotions qu'elles nous transmettent, s'enchainent rapidement, façon Rock ‘n roll, à l'image de la musique choisie par nos deux protagonistes.
D'ailleurs, les scènes de concerts sont fabuleuses. Elles nous font vibrer au point que l'on pourrait presque ressentir et entendre la musique jouée.
Les personnages sont vraiment très typés et affectueux. Même pour les "ordures" on arrive à se prendre d'affection !
Les effets sont maîtrisés, discrets et efficaces, et les plans et les perspectives sont, eux, très diversifiés pour appuyer d'autant mieux la cadence du conte.
Les couleurs sont lumineuses et intenses, probablement travaillées informatiquement vu la perfection des magnifiques dégradés. C'est très agréable à admirer.
En bref, l'ensemble (scénario et dessin) est formidablement bien construit, représentant bel et bien la fougue d'une adolescente à vouloir vivre tout ce qu'elle peut, intensément, et surtout avec passion, à braver les dangers quitte à subir de grandes déceptions, et revenir sur les voies de la raison...
Mais au fond, n'est-ce pas tout simplement cela devenir adulte ?
C'est un très bel album sur l'émancipation et le passage à l'âge adulte. Je ne suis pas particulièrement mélomane, mais la musique semblait vibrer à traver les pages de ce roman graphique. Si au départ je craignais un récit un peu cliché, j'ai trouvé que l'histoire gagnait fur et à mesure en profondeur. Les personnages de Claire Fauvel sont très expressifs et je m'y suis rapidement attachée.
Et à la fin, j'aurais voulu en avoir plus.
J’ai vu passer cet album chez bon nombre d’entre vous et très franchement je ne pensais pas être la cible.
Je me suis pourtant laissé embarquer dans cette histoire.
J’ai suivi Nawel et Alice dans leur quête de succès musical. Ce qui n’est d’abord qu’un rêve adolescent va-t-il devenir réalité ?
Difficile de ne pas s’attacher à Nawel, jeune fille de banlieue, confrontée à la tradition familiale musulmane, au déterminisme banlieusard, elle est bien décidée à s’affranchir et avancer vers son rêve coûte que coûte.
Le talent de Claire Fauvel est indéniable, elle parvient à représenter la musique, les concerts, les musiciens s’animent et les émotions passent avec une grande liberté de découpage.
Au final, un album très réussi sur le rêve adolescent, la création, le désir de réussir en franchissant les barrières, un témoignage contemporain attachant.
Même si a priori cela ne m’était pas destiné ( je l’avais chipé à mon fils) j’avais adoré l’adaptation du roman de Julia Billet « la guerre de Catherine » par Claire Fauvel. Je n’avais pas été la seule puisque l’ouvrage avait obtenu le fauve d’or jeunesse à Angoulême en 2018 ainsi que le prix Artemisia. J’attendais donc de découvrir avec impatience son nouvel opus pensant y trouver l’atmosphère de « l’Esquive » de Kechiche et une peinture passionnée à la Julie Maroh.
J’aurais aimé pour un récit qui s’annonçait épique que Rue de Sèvres choisisse un format plus grand. A la première lecture, les cases paraissent un peu compressées. Je suis aussi gênée par l’aspect très glacé du papier qui fait ressortir davantage le traitement numérique des cases et parasite les émotions. En revanche, j’apprécie tout de suite le découpage : la variation des formats de vignettes, le jeu sur les gouttières, le dynamisme ainsi insufflé et les respirations prodiguées par les pleines voire double pages. Je trouve très belles aussi les pages intérieures et leurs dégradés de bleu nuit (étoilée).
Pour moi, c’est le scénario où le bât blesse. Tout est trop prévisible. La « trahison » d’un des personnages est visible à des kilomètres. J’ai aussi une désagréable impression d’accumulation de clichés : on a la fille d’immigrés essayant de s’extraire de sa culture et de son milieu d‘origine et entrant en conflit avec ses parents traditionnalistes ; une amitié entre deux filles qui n’ont rien en commun à part leur barre d’immeuble et leur passion pour la musique ; la description d’un milieu musical que je connais guère (celui des labels indépendants parisiens et des festivals provinciaux ) mais qui ne me semble guère être nuancé.
C’est sans doute que je ne fais pas partie du cœur de cible ( un lectorat féminin ado ?) mais pourtant ça ne m’avait pas gênée pour la lecture de « La guerre de Catherine ». Tout me semble trop convenu ici y compris l’aspect qu’on devine plus personnel (la volonté de s’émanciper d’un destin tout tracé et du schéma grandes études-bon travail-mariage-enfants pour s’accomplir artistiquement).
Les décors sont moins travaillés que dans les albums d’avant (« Phoolan Devi » compris) et parfois les visages pâtissent aussi de ce traitement rapide. Mais la fougue qui manque dans les dialogues et l’intrigue on la trouve dans les dessins, les cadrages variés et une utilisation originale du lettrage qui lorsqu’il s’agit de textes musicaux devient enveloppant. J’ai bien aimé l’inventivité pour faire passer les émotions ressenties par Nawel lorsqu’elle se sent transpercée et mise à nue par la musique de Isak Olsen ( on a l’impression d’assister à une radiographie avec son squelette apparent) et la composition décloisonnée des double pages liées à la fondation du groupe ou aux concerts. J’ai trouvé superbes les pages nocturnes (y compris la balade à Paris) mais beaucoup trop criardes les pages diurnes au lycée et dans la cité.
On aurait pu avoir un beau récit d’initiation et de passage à l’âge adulte dans ce parcours où la créativité et la remise en question servent de moteur. Mais il me semble que c’est raté car les personnages sont trop caricaturaux. La seule chose qui me semble avoir été bien croquée c’est le statut précaire et épuisant des étudiants obligés d’avoir un travail d’appoint pour pouvoir étudier. Ceci est fait avec sobriété et subtilité. Les périodes de dépression de Nawel et sa cristallisation amoureuse sont aussi délicatement évoquées. Cela laisse entrevoir toutes les potentialités de l’artiste qu’est Claire Fauvel et creuse encore davantage le regret d’un album inabouti…
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