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Sur l'île grecque de Santorin, Jacqueline, une jeune émigrée libérienne, s'accroche coûte que coûte à la vie, grâce aux quelques restes qu'elle trouve sur la plage à la nuit tombée. Sa solitude, c'est l'exil, le ventre vide, la résistance quotidienne et la peur d'être arrêtée. C'est aussi un passé qui tient dans un sac à dos ; et pour toute compagnie, la voix lancinante d'une mère qui ne cesse de rappeler cette vie qu'il a fallu fuir.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer en lisant le résumé de la quatrième de couverture, La mesure de la dérive ne se déroule pas au Libéria, mais sur l’île grecque de Santorin, où nous découvrons le quotidien de la jeune Jaqueline… Murée dans la solitude, elle vit – ou plutôt survit – avec les souvenirs de son passé, qui ont marqué à jamais son existence, essayant à tout prix de garder fierté et décence.
Au fil des pages, nous sommes entraînés dans les pensées de Jaqueline, qui tente de survivre comme elle le peut, sans aide, seule. Peu à peu, ses souvenirs se mêlent à la réalité, les réflexions terre-à-terre de sa vie de réfugiée laissent de la place à des scènes touchantes, qui susciteront forcément de la nostalgie, tant pour l’héroïne que pour le lecteur. Et les images reviennent, toujours les mêmes ; des voix surgissent, accompagnant la jeune fille dans ses combats quotidiens… à tel point que l’on se demande si c’est la réalité ou le fruit de son imagination.
Le récit est organisé comme un flot de pensées qu’il est impossible d’arrêter, véritable stream of consciousness qui nous fait découvrir peu à peu l’existence de Jaqueline. Nous découvrons des scènes « d’avant », et des scènes de « maintenant », mais que s’est-il passé entre temps ? Qu’est ce qui a transformé cette jeune fille appartenant à un milieu privilégié en une réfugiée obligée de se cacher des autorités et de dormir en pleine nature, avec à peine de quoi se nourrir ?
Ce roman a été pour moi très dépaysant, non seulement parce qu’il fait allusion à des lieux qui me sont inconnus, mais aussi parce que c’est un genre que je n’ai pas l’habitude de lire. Pour cette raison, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’avais peur de trouver un roman aux scènes violentes et sanglantes, assorties de trop nombreux détails historiques, mais Alexander Maksik nous offre quelque chose de tout à fait différent : l’histoire d’une seule personne – pas forcément toujours du côté des « bons » – et de ses efforts pour continuer à vivre dans le présent malgré le passé. C’est un livre extrêmement profond qui, même s’il ne contient que peu de passages explicitement violents, nous touchera au plus profond de nous.
Malgré certaines longueurs au début, j’ai passé un très bon moment. Après coup, les quelques passages qui m’ont paru un peu répétitifs dans la première partie prennent leur sens et la structure quelque peu désordonnée illustre parfaitement le flot de pensées qui habitent l’esprit de l’héroïne. Les amateurs d’action et de détails historiques à n’en plus finir s’ennuieront sans doute un peu, mais les autres se laisseront sans aucun doute séduire par cette histoire triste et touchante, qui nous laisse avec une lueur d’espoir.
Je remercie Babelio pour l’organisation des Masses critiques, car je n’aurais sinon probablement pas découvert ce roman, et les éditions Belfond pour leur confiance.
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