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1905-1975.
Deux patients réunis dans la chambre d'un hôpital bavarois. L'un est Konstantin Solm, dit Koja, un vieil homme avec une balle nichée dans la tête. Un soir, Koja commence à raconter son histoire, et il ne pourra plus s'arrêter. Son enfance dans une famille lettone à Riga, dans les années 1920 ; la relation destructrice qui l'unit à son frère Hub ; la passion qu'il partage avec ce dernier pour Ev, leur soeur adoptive, orpheline juive ; son embrigadement dans la Wehrmacht avec son frère, qui l'oblige à renoncer à sa vocation d'artiste ; leurs vies d'espions pour le KGB, pour le Mossad...
L'histoire des Solm est l'histoire d'un ménage à trois électrique, qui nous entraîne dans de terrifiantes zones d'ombres, où morale et droiture sont bafouées sans ménage. Trois destins où passions, violences et trahisons règnent en maîtres avec, en creux, le portrait d'une Allemagne à l'agonie et la naissance d'une nouvelle ère, où sévissent de nouvelles règles du jeu.
Un roman somme brillant, la révélation de la rentrée littéraire 2019 !
1970 dans un hôpital munichois. Konstantin (Koja) Solm y est hospitalisé et partage sa chambre avec un jeune hippie à qui il va entreprendre de raconter sa vie. Et quelle vie ! Une véritable épopée qui traverse tout le XXème siècle dans les pas d’un trio improbable : Koja, Hub et Ev. Tous trois frères et sœur (adoptive) mais aussi maris et femme, amants et maîtresse. Et à travers eux se déroule l’histoire d’un siècle où la barbarie s’invite et où les hommes sont capables du pire. Chris Kraus nous conte ici le parcours improbable et pourtant réaliste d’un homme qui de SS devient agent double, voire triple pour le KGB, la CIA, le Mossad. Allant même jusqu’à s’installer avec sa sœur-épouse en Israël alors qu’il a commis des crimes effroyables sous l’uniforme nazi.
Cette saga aux rebondissements multiples se dévore malgré ses plus de 800 pages. Impossible de la lâcher. Et on s’interroge en tant que lecteur sur ses propres motivations et sur cette fascination qu’on ne peut s’empêcher d’éprouver pour le destin de cet homme qui a commis les pires des atrocités et qui est capable de trahir toutes les causes sans visiblement éprouver un seul remord.
Les seuls moments où on trouvera un peu d’humanité dans ce personnage, c’est dans sa relation amoureuse avec Maja et dans son rapport avec Anna, la fille qu’il a eue avec Ev. En dehors de cela, ce personnage plein d’arrogance, cynique, amoral, souvent lâche et plein de contradictions illustre ce qu’il y a de pire en l’être humain.
Chris Kraus entremêle l’histoire personnel de Koja et de sa famille et celle de personnages historiques bien réels créant un récit formidablement réaliste et terriblement effrayant.
La lumière de ce sombre roman vient des femmes présentes au fil de l’histoire. Ev tout d’abord, petite fille recueillie par la famille Solm qui cherchera à racheter les fautes de ses frères ; Maja au destin si tragique et la petite Anna. Mais toutes paieront le prix fort tandis que Koja tire son épingle du jeu en trichant et en s’inventant des personnalités pour se mettre au service d’entités différentes.
Cette fresque magistrale et parfois complexe est absolument passionnante, extrêmement riche par les sujets qu’elle aborde et les émotions qu’elle fait naître chez le lecteur. A lire au plus vite !
Le début de cette histoire est un peu surprenant. On ne sait pas très bien où ça se passe, à quelle époque ni vraiment qui raconte.
On comprend toutefois assez vite qu'on est dans un hôpital et ça attise la curiosité car on se demande qui sont les personnes dont il est question, pourquoi ces gens sont là, et quelle a été leur vie.
J'ai adoré l'ironie sous-jacente tout au long de la narration, subtile comme une brise légère.
Et j'ai trouvé qu'il y avait un souffle épique dans l'histoire des aïeux.
J'ai aimé cette histoire tout de suite et pourtant j'ai dû m'accrocher dans les premiers chapitres, j'en ignore la raison. Et puis j'ai été emportée subitement, complètement absorbée dans ce récit que je ne voulais plus quitter.
D'ailleurs j'ai trouvé passionnante l'histoire allemande vue de l'intérieur. C'est tellement inhabituel.
On apprend beaucoup, notamment sur la géopolitique germano-balte avant et pendant l'accession de Hitler au pouvoir, mais aussi sur l'après-guerre qui à été une lutte de pouvoirs entre les différents pays.
C'est instructif et effarant de voir les mécanismes de la montée du nazisme. Ça m'a fait penser à l'histoire de la grenouille qu'on met dans l'eau qu'on chauffe peu à peu et qui finit ébouillantée sans avoir eu le réflexe de fuir.
À cette lecture je n'ai pu m'empêcher de penser que le IIIème Reich a été une sorte de catharsis pour nombres de tarés sadiques et mégalo qui sous couvert d'une soi-disant mission noble ont pu laisser libre cours à leurs plus monstrueux instincts. Et ce mépris des nazis pour le reste de l'humanité, leurs classifications raciales, mais quelle horreur !
Depuis toujours je me demande comment on a pu laisser faire ça, autant de la part des allemands que du reste du monde.
Les différents personnages, leurs personnalités, tout est passionnant, mais j'ai particulièrement adoré Koja, le narrateur qui, bien qu'ancien nazi m'a laissée dans l'incapacité de le détester. D'abord parce qu'il est drôle mais aussi parce qu'il a un regard lucide sur ce qu'il s'est passé. de plus c'est en quelque sorte presque un "malgré nous" - du moins pendant un certain temps - sauf que lui est plutôt un faible, énormément sous l'emprise de son frère. Il se laisse porter sans jamais vraiment bien comprendre où il met les pieds - du moins au départ - dans une sorte d'engrenage dont on ne peut pas sortir vivant. Donc il n'en sort pas, par instinct de conservation.
Hélas j'ai trouvé qu'il devenait horriblement cynique à la longue, mais pas que… Sans doute parce que la guerre est abjecte et qu'elle pervertit tout.
D'ailleurs l'auteur souligne bien l'ignoble connerie incommensurable qu'est la guerre.
Ce roman nous parle de la guerre, avant-pendant-après, et du monde mais aussi de toutes les vies qui passent, plutôt dans la douleur, période sombre oblige... il y a là une incroyable galerie de personnages !
J'ai énormément appris sur l'après-guerre, hélas j'ai envie de dire, car mon opinion sur l'humanité frôle désormais le zéro absolu. Que de manipulations et de cynisme alors que l'Europe sortait d'un bain de sang doublé d'un crime contre l'humanité !
Mais alors, quelle écriture ! Je l'ai trouvée tellement belle, d'une intelligence rare, jubilatoire même, avec des pensées et une réflexion sur la vie tellement profondes !
Par contre, il y a des mots allemands tellement longs, avec tellement de consonnes que c'est un véritable casse-tête d'essayer de les lire à voix haute .
En tout cas, ce roman - qui raconte plusieurs décennies dont les années les plus terribles de l'Histoire et qui nous fait voyager de Lettonie jusqu'en Israël - a été un vrai coup de cœur même si certains passages étaient trop imprégnés de politique pour moi et bien qu'il y ait une sordide accumulation de duplicité qui va crescendo jusqu'au point final.
Par ailleurs il est foisonnant de détails et d'enseignements. Ce que raconte ce livre est énorme !!!
Il n'est pas aisé de donner un avis sur un livre aussi dense et riche.
Par sa noirceur j'ai parfois eu envie de l'abandonner. Pourtant, je n'ai pas pu, car il est difficile de se détacher de ces personnages, pour la plupart abjects, et de toute façon perturbés. Toutefois, si l'on peut en croire l'auteur, qui semble particulièrement bien documenté, il y a aussi énormément de choses à apprendre de cette lecture. En commençant par "que sont devenus les nombreux nazis qui n'ont pas été jugés à Nuremberg ou ailleurs?".
Ou encore "Comment des gens ordinaires ont pu plonger dans cette horreur indicible?", etc.
Les réponses ne sont pas forcément agréables à lire, que du contraire, mais elles ont le mérite d'exister, sans fard et sans complaisance. L'absence de volonté de Chris Kraus de dédouaner qui que ce soit est presque un soulagement, toute autre optique eut été intolérable.
L'abondance de titres militaires et les doubles/triples jeux des espions après la guerre compliquent quelque peu la lecture, mais il n'est pas nécessaire de tout capter et comprendre, il suffit de savoir qu'un "xxxfhurer" étant toujours chef de quelque chose.
Je recommande ce romain aux esprits curieux et ouverts.
J'ai mis longtemps à lire ce gros roman : je me suis parfois perdue parmi les patronymes et les différents pseudonymes des nombreux personnages (on est dans le milieu du renseignement), entre les grades des officiers allemands et les différents services de l'armée (on est au cœur du régime nazi), parmi les différents pays appartenant à ce qu'on appelait le Baltikum dans les années 1920 (on va en traverser plusieurs, les fuir, y séjourner, y retourner) ; bref : j'ai eu des efforts à faire, mais il n'était pas question pour moi de lâcher cet exigeant, passionnant et dérangeant roman. Koja Solm raconte à la première personne une vraie saga familiale qui commence avec ses grands-parents, continue avec ses parents que les circonstances historiques soumettent, entre autres, à une considérable chute dans l'échelle sociale, se poursuit avec la carrière de Koja (Konstantin) et Hub (Hubert) Solm dans le régime nazi, et qui s'achèvera… Je vous laisse découvrir comment elle s'achèvera. Koja, son frère Hub et leur sœur adoptive Eva sont les trois principaux personnages de la Fabrique des salauds. « […S]eule une petite partie des événements et intrigues politiques décrits ici est entièrement imaginaire » nous prévient l'auteur dans son avant-propos. Il détaillera un peu cette assertion dans les « Remerciements ». Et La Fabrique des salauds m'a réservée bien des surprises. On sait tous, je crois, que bon nombre de nazis ont été « recyclés » à des postes divers, en Allemagne ou dans d'autres pays, comme l'ont été bon nombre de collabos en France. Mais comment est-ce arrivé ? combien de compromissions, de trahison, d'horreurs ? Et que dire des relations entre le Mossad et les services secrets allemands qui sont donnés ici pour réels, et qui, après rapide vérification, s'avèrent !
***
Koja Solm, 70 ans, est à l'hôpital au début des années 70 quand il commence une lettre : « Je dois te signaler, Ev […], je dois t'écrire, même si je devine que je n'aurai plus jamais de nouvelles de toi » (p. 20). Après le premier chapitre, pour ma part, j'ai complètement oublié que Eva était la destinataire de ce récit. Jusqu'à ce que je trouve une autre adresse à Ev : « […] comme tu le sais, Ev, je n'ai jamais eu la fibre spirituelle », page 477, j'avais l'impression que Solm racontait sa vie et celle de ses proches au hippie féru de philosophie orientale qui partageait sa chambre d'hôpital. Et c'est le cas… Dès le deuxième chapitre, le « vous », c'est monsieur Basti, le hippie. Les échanges entre les deux occupent même entièrement certains chapitres qui se lisent comme des pauses dans le récit. Après la page 477, même en faisant attention, j'ai de nouveau oublié que certains chapitres (tous ?) font sans doute partie de la lettre à Ev autant que du récit au hippie, mais c'est difficile à admettre dans la troisième partie... Ce jeu entre deux destinataires possibles vient assurément modifier la perception de ce qui est raconté !
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Ce superbe roman m'a dérangée à plus d'un titre. Au début, je me suis même surprise à éprouver une certaine sympathie pour Koja qui semble incapable de prendre des décisions, se laisser gouverner par la personnalité de Hub et le suivre aveuglement pour différentes raisons dont Ev n'est pas la moindre. Mais non, cette aboulie n'est qu'apparente, et Koja se révèle un parfait salaud, parfois lâche, toujours opportuniste, même quand il est parfaitement conscient de l'horreur de ses actes, et imperméable au remord. Sauf une fois : les preuves du seul acte pour lequel Koja a du remord se trouvent dans l'enveloppe que lui apporte Hub à l'hôpital… Je crois que le ton que Chris Kraus prête à Koja pendant tout son récit, humour, sarcasme, ironie (le nom de John Irving fait partie des « géants » que Krauss remercie, p. 885), ce ton ajoute paradoxalement à l'horreur et touche le lecteur encore plus profondément. Bizarrement, ce pavé m'a rappelé, par certains côtés du personnage de Koja et les questions qu'il pose sur la responsabilité et sur le mal, le très bref roman le Silence de la mer, de Vercors, que j'ai lu très jeune et qui m'a durablement marquée…
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Sur Babelio le 07/07/2020
L’histoire commence dans un hôpital : deux hommes partagent la même chambre, l’un atteint de fracture du crâne, avec en permanence une « soupape » pour drainer le liquide céphalorachidien pour éviter hypertension intracrânienne, hippie tout en cheveux, et l’autre, Koja, guère mieux loti car il a une balle dans le crâne impossible à extraire. Koja va raconter sa vie et celle de sa famille : épopée qui commence en 1905 pour s’achever autour de 1974.
On découvre ainsi la famille Solm, originaire de Riga. Lors des soulèvements de 1905, les bolchéviks s’en prennent à Großpaping le grand-père paternel, qui défend son église et périra noyé, assassiné par eux. Il a un fils artiste peintre qui a épousé la baronne won Schilling, qui a côtoyé le Tsar Nicolas II, au caractère bien trempé. Par opposition, le grand-père maternel est appelé Opapabaron.
De cette union naît Hubert, alias, Hub ou Hubsi pour les intimes, favorisé dès le départ : il est né le jour de l’assassinat de Großpaping donc béni des Dieux, surtout de sa mère. Ensuite vient Konstantin alias Koja auquel on fait comprendre que son aîné lui est nettement supérieur.
Enfin, Eva alias Ev’ une petite fille fait son entrée, dans la famille Solm. Ses parents sont morts pendant les premières émeutes ou échauffourées de Riga. Elle est confiée, via la nounou, à la famille Solm qui finira par l’adopter sans savoir (pas sûr) qu’elle est juive.
Le décor est planté pour la famille que l’on va suivre de Riga, ville où alterne les règnes passagers des populistes de tout bord. De persécutant on devient persécuté et le cycle recommence.
Hub est séduit par le nazisme, travaille en sous-main pour développer des services secrets pro-allemands. Fasciné par Heydrich, il grimpe les échelons pour arriver tout en haut de la hiérarchie (je ne vais pas vous infliger tous les grades allemands aux noms plus imprononçables les uns que les autres !). Koja traîne des pieds mais suit, sinon son frère n’hésitera pas à la trucider.
Koja qui est un artiste comme son père, est arrivé premier au concours des Beaux-arts, mais n’ayant pas la bonne nationalité, il sera rejeté et se tournera vers l’architecture, tout en continuant à peindre. Il va raconter au disciple de Gandhi toute l’horreur de la montée du nazisme en Lettonie, les horreurs commises en son nom, puis les exécutions en masse de juifs, puis les camps. On va côtoyer toute la fine fleur de Heydrich à Himmler, y compris les rencontres avec le Führer…
Et Ev’ dans tout cela ? Koja lui fait établir un parfait certificat d’aryanité, elle épouse un sbire du nazisme taré et violent, s’enrôle comme médecin au service du Reich et se fait engager… au camp d’Auschwitz en espérant s’occuper des prisonniers…
L’auteur décrit très bien les tentatives du Reich qui devait durer mille ans pour vaincre les russes, avec des opérations commandos pour tuer Staline, souvent délirantes, et Hub ne va pas hésiter à envoyer une amie russe de Koja , Maja, en URSS dans une opération qui ne peut que la détruire.
La haine entre les deux frères va loin, car Hub n’hésite pas à laisser Koja blessé sur place pendant la retraite. En fait, il a refusé d’être sauvé par son frère, préférant être arrêté par les Russes.
Tout aurait pu s’arrêter à la fin de la guerre et la mort de Hitler. Mais, après la guerre il faut reconstruire. Staline veille et manipule tout le monde. Koja va se retrouver prisonnier, victime de chantage par la Tcheka, le Kremlin devenant agent double, voir triple, car la création de l’état d’Israël va générer le Mossad…
J’ai adoré ce pavé car l’histoire de cette famille est passionnante, par les rivalités, entre les différents membres, la relation qu’entretiennent les deux frères avec Ev’ dont ils sont amoureux tous les deux….
Mais surtout, j’ai appris beaucoup de choses sur la vie des anciens SS !!! je croyais naïvement qu’ils étaient partis à la CIA, en Amérique du Sud pour inspirer certains dictateurs ou ailleurs et en fait, pas du tout, ils ont été mis au service des renseignements allemands (ils étaient si doués, pourquoi se priver d’un tel talent ?
Et on parlait de rapprochement franco-allemand (de Gaulle- Adenauer entre autres… J’espère que le grand Charles ne se doutait de rien) de construire l’Europe… on comprend mieux la puissance des néo-nazis en Germanie, les théories et l’antisémitisme a dû être bien entretenu dans ces familles…
J’ai toujours été une Européenne convaincue, mais là, ma confiance en a pris un sacré coup.
Les relations entre notre Hippie, branché non-violence, avec un mélange de Bouddhisme et d’Hindouisme et Koja à la gâchette facile met un peu de douceur dans cette fresque qui résume les trois-quarts du XXe siècle…
Je me suis rendue compte que je ne connaissais que superficiellement l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre, donc sujet à creuser, et je vais peut-être enfin pouvoir lire des livres sur Staline, ce que j’ai toujours reporté à plus tard car il me fait encore plus peur que Hitler.
C’est très difficile de parler d’un tel livre, sans en dire trop, sans radoter, et cette chronique m’a pris beaucoup de temps. C’est un uppercut ou un scud que j’ai reçu en pleine face.
Ce livre, dont le thème est vraiment très dur, m’a énormément plu. Chris Kraus a fait un travail extraordinaire. Parfois, la lecture a été difficile car il ne nous fait pas grâce des atrocités commises par les uns et les autres. C’est difficile de parler ainsi, mais ce roman est un vrai coup de cœur.
Le titre est on ne peut mieux choisi, la plume magnifique et la couverture est superbe.
Un immense merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir cette pépite et son auteur.
#Rentreelitteraire2019 #NetGalleyFrance
le meilleur de mes coups de cœur pour 2019
Au commencement le ver était dans la pomme
1974, dans un hôpital de Munich, un homme avec une balle dans la tête, raconte son histoire à son confident de fortune, son compagnon de chambre, un jeune «hippie » !
Cette histoire, c’est celle de deux frères et de leur sœur adoptive, Hub, Koja et Ev Solm, dont les tourments se mêlent à ceux de l’Europe du XXème siècle.
Elle commence en dix neuf cinq (1905) en Lettonie, pays balte alors occupé par les Russes, avec Großpaping, le grand-père paternel, pasteur allemand qui jette une pomme sur un bolchévique pour protéger son Église et périt noyé dans un lac pour cet acte. Cet épisode est à l’origine d’un rituel entre les deux frères : couper une pomme en deux et en manger chacun une moitié en souvenir de ce grand-père rebelle.
Lorsque Hub, l’aîné s’engage dans les jeunesses hitlériennes, Koja, le suit plus par nécessité économique que réelle idéologie, puis est intégré au sein des services secrets allemands. Or il vient de mettre le doigt dans un engrenage qui le conduira à participer aux horreurs de la guerre. A la fin de la guerre, capturé par les Russes, il va devenir double agent pour le compte du KGB dans une Allemagne en pleine reconstruction puis triple agent pour pour le Mossad lors de la fondation de l’Etat hébreu.
Au fur et à mesure que Koja raconte son histoire, tantôt en tentant de se justifier tantôt en affrontant la réalité, il se libère mais son interlocuteur, bouddhiste ( toutes les religions sont ainsi représentées), ne veut plus être l’oreille d’un horrible monstre.
Pour être honnête, c’est le titre du livre qui m’a interpellée. Heureusement qu’il n’a pas été une traduction littérale du titre allemand, Das kalte Blut, Le sang froid. Le sujet m’a un peu freiné, je ne voulais pas lire un énième livre sur le nazisme surtout si on le compare aux Bienveillantes (autre pavé lu avec peine il y a de nombreuses années).
Et quelle erreur ça aurait été de passer à côté de ces 880 pages dantesques ! Et ce pour deux principales raisons… Chris Kraus a fait de longues recherches sur cette période. Je pensais que tous les nazis avaient été condamnés à Nuremberg où s’étaient enfuis en Amérique du Sud. En réalité, nombreux criminels de guerre sont devenus des criminels de « bureau », recyclés dans les nouvelles institutions de la RFA ! Et c’est cette même RFA qui a fourni secrètement à Israël les armes dont la nation émergente avait besoin pour se défendre contre son voisin menaçant, l’Egypte!
Et que dire des qualités littéraires de l’écriture de Chris Kraus qui mêle cynisme, humour, lyrisme, et sens de la métaphore… A noter, le travail remarquable de la traductrice : Rose Labourie.
« …le Führer était un mélange de King Kong et de Charlot, qui sont par ailleurs tous deux interprétés par des acteurs que j’apprécie beaucoup. »
« On ne peut sérieusement nous reprocher d’avoir été nazis : il est logique de se tourner vers l’avenir, et on n’en choisit pas toujours la teneur, car tant que cet avenir n’est pas le merdier du présent, il ne s’agit que d’un espoir —l’espoir que les choses s’améliorent avec le temps. »
Hubert et Koja KOLM qui vivent en Lettonie et un beau jour leur parents adopte Ev - C'est une véritable fresque historique qui commence en 1922 pour finir dans les années 1970 - On as à faire à un ménage à trois, ou les deux frères vont tomber fou amoureux de la belle Ev. Koja qui est le narrateur et qui se raconte à son voisin de chambre à l'hopital va raconter sa vie d'espion de tous les bords.
J'ai adoré ce livre ou l'auteur as mêler des faits historiques réelles comme le nazisme, la naissance de l'Israël et comment les allemands ont vécu après la guerre et une fiction de ménage à trois entre deux frères et leur sœur adoptives juive.
C'est un livre parfois très dur, réaliste, et parfois touchant par celle belle histoire d'amour qui lie ces trois personnages.
J'ai appris beaucoup de choses et bien sûr comme cela parle du monde des espions, comment parfois ils s'en sortent, ils changent de camp, juste pour ne pas mourir, c'est édifiant.
J'ai eu beaucoup d'empathie pour Koja qui explique avec tellement d'émotion, ses failles, ses difficultés. Et parfois les pires décisions qu'il as prises, c'est justement parce qu'il a avez aucun d'autres choix. Contrairement à son frère, Hub qui était un homme avide de pouvoir et de cruauté.
J'ai été la première à dire que des livres sur la seconde guerre mondiale, sur le nazisme, on en a fait assez, tout a était dit, écrit. Et que ce sont des livres que j'ai pu désirer de lire.
Mais cet opus est différent car ils mettent en lumière l'histoire tout en installant l'accent le parcours d'une famille.
"On ne peut pas sérieusement nous reprocher d'avoir été nazis : il est logique de se tourner vers l'avenir, et on n'en choisit pas toujours la teneur, car tant que cet avenir n'est pas le merdier du présent, il ne s'agit que d'un espoir - l'espoir que les choses s'améliorent avec le temps".
Bon. Autant prévenir tout de suite, ce pavé n'a rien d'une sinécure. Ce n'est pas non plus Les bienveillantes (celui-là je l'avais abandonné...) mais sa lecture est rendue compliquée par sa densité et la plongée qu'il propose dans la face sombre de l'Histoire, par l'intermédiaire de personnages plutôt ordinaires impliqués dans le processus le plus atroce du 20ème siècle. Pour autant, c'est un vrai roman, mettant en scène un trio à la fois infernal et captivant, nourri par des milliards d'heures de travail de recherche et de documentation qui contribuent à l'effet de sidération qui peut parfois saisir le lecteur. Lecture ardue, oui. Mais nécessaire.
Le narrateur s'appelle Konstantin Solm, surnommé Koja. Nous sommes en 1974, dans une chambre d'hôpital à Munich où Koja vient d'être opéré après avoir reçu une balle dans la tête. Lorsque son compagnon de chambre, pas en meilleur état, lui demande comment il s'est retrouvé là, Koja entreprend de lui raconter sa vie depuis le début. Une enfance dans le Baltikum marquée par les luttes d'influence entre la Russie communiste et l'Allemagne expansionniste, une adolescence sur les traces de son frère aîné, Hub, engagé très tôt dans le National-Socialisme exporté par Himmler. La rivalité amoureuse des deux frères autour de leur sœur adoptive, Ev. ... Leur rivalité tout court, meurtrière, accentuée par leurs différences de caractères et d'appréhension des enjeux. Et puis la guerre, bien sûr. Cette guerre qui laissera des traces ineffaçables, malgré les tentatives des uns et des autres pour cacher la réalité. La narration court jusqu'aux années 1970 et les décennies d'après-guerre n'ont rien à envier aux années 40 pour ce qui est du cynisme et de la propension à planquer les salauds.
Avec ce roman, on plonge dans le bourbier des nationalismes, véritables fléaux toujours prompts à justifier les actes les plus terribles. Des pays baltes pris entre les convoitises russes et allemandes à la Palestine, tâchée des sangs de ceux qui la revendiquent pour territoire en passant par les allemands, humiliés dans le Baltikum des années 20. On explore la complexité de la géopolitique de l'après-guerre, celle de l'Europe prise en étau entre les Etats-Unis et l'URSS. On découvre comment les anciens nazis ont nourri les forces des services secrets du monde entier, Mossad inclus, trouvant ainsi non seulement à se reclasser mais à échapper à un travail de nettoyage qui tardait à se faire côté allemand. Changements d'identités, retournement de vestes, déplacement des enjeux... Effectivement, les salauds ont de l'avenir. Et le trio que choisit de mettre en scène l'auteur permet de les percevoir de façon terriblement humaine, tous ces enjeux. Pas de méchants ni de gentils mais des êtres humains qui passent leur temps à négocier avec leur conscience. Terrifiant.
J'ai parfois songé au fantastique roman de Bob Schacochis, La femme qui avait perdu son âme, pour l'ambition, très proche, de montrer comme il est facile de laisser le mal se propager et surtout comment les États se rendent complices de cette propagation. J'ai aussi beaucoup pensé aux Mémoires de Beate et Serge Klarsfeld, ouvrage dans lequel ils relatent les difficultés pour faire bouger le gouvernement allemand et aller débusquer les anciens nazis à la virginité refaite et planqués derrière des façades respectables.
Lecture ardue, oui. Mais grâce à la trame romanesque tissée autour de cet étrange ménage à trois, et aux respirations apportées par le tête à tête "philosophique" entre les deux malades trépanés, l'envie est là d'avancer et de connaitre le fin mot de l'histoire, autant que de continuer à mettre au jour les égouts de l'Histoire. Disons que ce n'est pas une lecture propice à se réconcilier avec le genre humain.
"Et je compris pourquoi l'homme aimait : il doit le faire parce que c'est le seul espoir pour chacun d'entre nous, de rester homme malgré tout".
(Chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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