"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un homme - appelons-le le narrateur - donne rendez-vous à une femme prénommée Lena dans le grand cimetière de Stockholm. Cette femme est une inconnue (nous apprendrons plus tard qu'elle est comédienne et a joué Mademoiselle Julie au théâtre), mais elle rappelle intensément au narrateur la jeune femme dont il a été très amoureux il y a une vingtaine d'années. Cette dernière s'appelait Magdalena, était aussi comédienne et elle aussi avait joué Strindberg. Après leur rupture, le narrateur a écrit un livre sur les trois années qu'ils ont vécu ensemble et il veut en donner les détails à l'inconnue de Stockholm.
Lena accepte de l'écouter, mais se moque des similitudes qui lui semblent forcées entre sa vie et celle de Magdalena, invoquant à chaque détail troublant une coïncidence et ne cessant de répéter qu'elle ne peut être Magdalena puisqu'elle a vingt ans de moins.
Ce récit de Peter Stamm, ciselé en 37 petits chapitres et dont le titre rappelle « la tendre indifférence du monde » évoquée par Camus à la fin de L'Étranger, est d'une vertigineuse intelligence. Tout en conservant sa part épique qui n'en fait pas un livre sec, cette réflexion sur les confusions de la vie, les obsessions de l'existence, la portée de la littérature, la différence entre le vécu et le récit qui en est fait, frôle sans cesse les abîmes sans jamais tomber dans la confusion, encadré qu'il est par deux chapitres qui mettent encore ce kaléidoscope en perspective. Poursuivant la recherche sur la vérité et l'imaginaire et le jeu avec la réalité initiée dans L'un l'autre, Peter Stamm nous donne un livre diablement virtuose.
Le narrateur croit reconnaître Magdalena, son grand amour, une vingtaine d'année plus tard et donne rendez-vous à cette femme Lena, pour lui raconter sa vie, persuadé que Lena est le double de Magdalena et que lui-même a un double, Chris qui aime Lena.
Ce livre, parfois déroutant, interroge sur la vie, la mort, l'amour, la fiction, la réalité.
Ce roman, c'est se poser la question : et si on pouvait revivre sa vie, en particulier sa grande histoire d'amour, est-ce que l'on changerait le cours du destin ?
Ce roman, c'est aussi la liberté de l'écrivain qui peut mêler fiction et réalité, qui peut brouiller les limites entre ces deux mondes. La fiction permet toutes les audaces, toutes les libertés.
Ce roman, c'est aussi le moment où on se retourne vers son passé et où les regrets affleurent ; on voudrait avoir pris d'autres décisions qui auraient pu influer le cours de notre existence.
Ce roman nous invite également à questionner la valeur des souvenirs et leur pertinence.
La structure de ce roman où la clef nous est donnée dans le premier chapitre que l'on doit relier au dernier chapitre, est magistrale ; l'auteur suit les dédales de la mémoire du narrateur au risque de perdre son lecteur mais le retient par un style simple, plein d'émotion.
Un beau roman qui mérite d'être lu une deuxième fois pour l'apprécier pleinement tant du point de vue narratif que littéraire.
Quel livre étrange et fascinant dont j’aimerais happer pour toujours sa beauté . Mais ce court roman de Peter Stamm qui m’a beaucoup marquée ne se laisse pas attraper facilement . Il est insaisissable, beau et troublant. J’ai évolué dans un songe doux mais très mélancolique, onirique et surréaliste.
Le passé, le présent, et l’avenir ne forment plus qu’un seul espace où le narrateur essaie de fixer pour toujours l’image d’une femme Magdalena qu’il a aimée et quittée pour écrire un livre.
Un jour, il rencontre Léna qui ressemble trait pour trait comme un double à la jeune Magdalena qu’il a connu une dizaine d’années auparavant. Dans l’hiver froid et brumeux de Stockholm, l’histoire réelle flirte avec le fantastique par le désir puissant d’arrêter le cours du temps et suivre un autre chemin. Que j’aurais aimé moi aussi attraper et suspendre le temps, arrêter la course folle du monde pour se retrouver, rien qu’un instant face à soi même et tendre la main vers celui ou celle que l’on est vraiment.
C’est un roman sublime et un très beau portrait féminin. Il m’a touchée par son ambiance fragile comme du verre et son obsession romantique à contenir le temps et l’espace pour que les plus beaux souvenirs ne se réduisent pas à une vieille photo jaunie. J’ai aimé l’atmosphère calme et sereine du roman malgré les rencontres déroutantes du narrateur.
L’écriture très serrée où se mélangent les voix confondantes de Magdalena et Léna favorise le flou fantomatique des personnages et des situations. J’ai aimé le combat silencieux du narrateur qui comme un chevalier des temps modernes brave le bruit incessant du monde et la place des nouvelles technologies où notre présence sur terre se mesurerait à notre célébrité sur internet.
J’ai beaucoup aimé la ténacité amoureuse de faire dévier le cours d’une vie qui se cogne à s’en faire mal aux miroirs déformants et labyrinthiques que nous faisons parfois de nos choix.
Je n’ai pu me détacher de ce beau roman cristallin qui a posé sur mes épaules une étreinte à la fois délicate et ferme.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !