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À la fin de ce livre, Arnaud Modat meurt par balles sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, sous le regard insolent de Christine Angot. Il est vrai que cela avait plutôt mal commencé... Au cours de la première nouvelle, en effet, cet habile narrateur est prié de restituer dans les plus brefs délais l'ouvrage Destins Yaourt (Édika, collection La Pléiade) à la médiathèque Olympes de Gouges. La trajectoire reliant ces événements dramatiques, bien qu'elle semble d'une limpidité d'eau en bouteille, se révélera pourtant périlleuse et haletante. Entre les deux, l'auteur (à peine grimé) n'ira pas visiter le château de Phalsbourg avec ses parents, offrira une flûte de Pan à son fils roux, négociera avec un téléprospecteur la conservation au congélateur de l'orteil de son épouse, sera touché en D4 (la colonne vertébrale, pas le porte-avions), tapera à suivre, vieillira sur un plongeoir de cinq mètres, enseignera le conditionnel à un enfant de trois ans et demi dont la mère est alcoolique, achètera un calendrier à un gothique, et vendra sa femme sur eBay.
Lui, l'enfant du rock, tirera sa révérence sur un ultime slow, la tête posée sur l'épaule confortable de la démence. Et il mourra donc par balles sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, sous le regard insolent de Christine Angot.
Arnaud Modat récidive. Arnaud Modat dézingue en faisant rire. Après nous avoir régalé en 2017 avec Arrêt non demandé, un premier recueil de nouvelles, le voici de retour avec La démence sera mon dernier slow. Mais avant d'en arriver à la nouvelle qui donne son titre au recueil, procédons par ordre chronologique.
La première nouvelle s'intitule Les limites de la philosophie chinoise et met aux prises un jeune homme qui se décide enfin à rendre ses ouvrages empruntés à la médiathèque et Sophie, une belle jeune fille qui s'effondre dans ses bras, victime d'une crise d'épilepsie. En voyant partir l'ambulance qui la conduit à l'hôpital, il voit aussi ses rêves s'envoler…
Un chef d'œuvre d'humour juif est l'histoire d'un lycéen acnéique qui aimerait baiser et imagine les stratagèmes – foireux – pour y parvenir.
C'est là qu'arrive La démence sera mon dernier slow qui, contrairement à ce que vous pourriez imaginer raconte le premier jour de classe de Masturbin. Oui, je sais, ce prénom peut faire sourire. Mais le but de son père est atteint: on n’oublie pas son fils. En revanche lui pourra oublier sa rentrée, car elle n'a pas vraiment eu lieu. À peine arrivé en classe, son père s'est embrouillé avant de repartir furieux avec son fils. Et alors qu'il se détend avec une pute décatie, Masturbin est aux bons soins de Mélanie à la médiathèque. Un endroit très prisé dans ce recueil, vous vous en rendez compte.
Vient ensuite un interlude dialogué qui nous propose un échange savoureux entre un organisateur d'enlèvements qui généralement obtient une rançon et un homme dont la découverte d'un orteil de son épouse dans son réfrigérateur laisse… froid. Disons encore un mot à propos de Death on two legs, l'histoire d'un paraplégique parti découvrir la mer et qui se retrouve assez loin du rivage, surpris par la marée. Suivront un match de rugby fatal, un second interlude dialogué, deux portraits de femmes bien différentes mais qui toutes deux vont se retrouver seules, sans mari et sans chien, avant de finir sur le récit bien déjanté d'une chute à vélo aux conséquences funestes.
On l'aura compris, l'imagination débridée d'Arnaud Modat continue à faire merveille, soutenue par un humour qui s'appuie sur des comparaisons farfelues et le télescopages d'images à priori sans rapport. Si on s'amuse beaucoup, on sent toutefois la politesse du désespoir poindre ici. Celle d'un avenir incertain, d'une société en proie au doute. D’ailleurs à la fin du livre, il meurt sous le regard de Christine Angot, convoquée à Strasbourg pour apporter son commentaire éclairé.
Déjà dans ma première chronique j’émettais le vœu que le nouvelliste se lance dans un roman, suivant par exemple les pas de Florent Oiseau. J’aimerais beaucoup l’entendre dire Je vais m’y mettre car je reste persuadé que sur la longueur, son dernier slow pourrait se transformer en valse!
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